dimanche 19 juillet 2009

De “Freej” à “Hamdoon” : le dessin cartonne aux Emirats


Collé sur les voitures des natifs de l’émirat, on voit se multiplier dans les rues d’Abou Dhabi (Abou Dabi) le visage souriant de Hamdoon (حمدون), le nouveau héros créé par Abdullah Mohammad Al-Sharhan (عبدالله محمد الشرهان), un dessinateur émirien de 28 ans, désormais à la tête d’un projet ambitieux.

Le nom du personnage ne doit rien au hasard : Hamdoon est en effet le diminutif affectueux de Hamdane, un prénom très local. Le mot évoque également, comme l’explique cet article du Hayat, la manière propre aux Emiriens de nouer au sommet de leur tête la tarha locale (si possible en voile de coton importé du Japon, c’est le must !)
Du haut de ses 8 ans, Hamdoon – un petit garçon qui, du fait de la profession de son père, a été élevé en Europe et qui fait donc la découverte de son propre pays en séjournant dans la maison de ses grands-parents – a la lourde tâche de devenir dans les années qui viennent le symbole de l’identité locale. C’est bien pour cette raison que ce projet, soutenu par le Khalifa Fund to Support and Develop Small & Medium Enterprises, a été officiellement adopté par la très importante Abu Dhabi Authority for Culture and Heritage (ADACH), sorte de ministère de la Culture chargé de la promotion du patrimoine et de la culture dans l’Emirat d’Abu Dhabi (et non pas dans la fédération des Emirats arabes unis).

Les lecteurs fidèles de ces chroniques ne s’étonneront pas de constater que les Emiriens n’hésitent pas à regarder ailleurs qu’en Méditerranée et que la société Socoool, montée autour de ce projet, a passé contrat avec des studios d’animation coréens. Et ils se souviendront également de précédents billets où l’on a pu évoquer, à l’occasion de concours poétiques, les traditionnelles rivalités entre les Emirats et les autres pays de la région, mais plus encore celles qui opposent Abu Dhabi, la capitale politique, à Dubaï, la capitale économique.
Avec Hamdoon, on constate que la concurrence locale, présente déjà dans le domaine de l’art et des grands projets culturels, se joue désormais sur un autre registre, celui des dessins animés. Le lancement du petit garçonnet fait en effet fortement penser à celui de Ajaaj, un personnage de bande-dessinée cette fois (mais il y a également des épisodes en dessins animés), lancé durant l’été 2007, dans l’émirat de Dubaï. Un projet qui, lui aussi, avait bénéficié de l’aide d’une institution officielle afin de faire la promotion, auprès de la jeunesse, de l’identité locale…
shaabiyatcartoon
Hamdoon et Ajaaj sont loin d’être les seules initiatives locales. Dans quelques semaines, à l’occasion du prochain ramadan, les téléspectateurs pourront ainsi suivre la quatrième saison d’une série qui a remporté de nombreux prix. Créé par un autre jeune artiste local, Haydar Muhammad (حيدر محمد), Shaabiyat al-cartoon (شعبية الكرتون : « le dessin-animé popu » pourrait-on essayer de traduire) se donne clairement pour objectif de traiter des questions sociales en évitant toutefois les questions politiques ou religieuses trop brûlantes (voir cet article en arabe dans Al-Khaleej). Les enfants sont donc loin de constituer le seul public de cette série qui élargit sa cible à tout l’éventail (arabophone) de la société locale en introduisant de savoureux dialogues qui jouent sur tous les accents qu’on peut entendre sur place : ceux du Golfe, mais également ceux du Soudan, de l’Egypte, du Liban et de Palestine, et même de locuteurs non arabophones à l’origine tels les Indiens ou les Iraniens des Emirats (article en arabe dans Al-Bayan.

Comme le signalait cet article publié dans Al-Akhbar à l’occasion du dernier ramadan (traduction en anglais sur le site Menassat), l’heure est aux dessins animés qui ne sont plus réservés aux seuls enfants mais qui touchent l’ensemble de la cellule familiale, voire même un public adulte.
Les Egyptiens avaient ouvert la voie il y a quelques années avec Super Henedi, une série inspirée par un acteur à la mode que la télévision nationale. Mais ils ont eu la mauvaise idée de ne pas programmer au meilleur moment de la soirée, ce qui avait provoqué l’agacement des producteurs très vite récupérés par Abu Dhabi TV.
Toutefois, dans ce domaine également, les Emiriens et les habitants du Golfe ne se satisfont plus d’un simple rôle de consommateurs et passent de plus en plus à la production. Et le meilleur dessin animé, le plus audacieux aussi, est sans conteste la série Freej (فريج : le « quartier » dans le parler local ; site – bien fait – en anglais et en arabe), créée en 1998 par Mohammed Harib (محمد حارب). Ce jeune graphiste et photographe aux multiples talents (il fait également dans la littérature et le webdesign) est retourné aux Emirats après ses études aux USA depuis que son projet, soutenu par Sheikh Mohammed Establishment for Young Businesss Leaders à partir de 2003, s’est développé dans la Media City de Dubaï.

Freej, un des grands succès du « festin d’images » lors du dernier ramadan, déroule sans doute ses épisodes autour de la thématique classique de l’identité, et de la confrontation entre tradition et modernité, entre local et global, mais la touche morale, assez inévitable dans ce genre de produits à consommation familiale et « ramadanesque », est assez décalée par le choix des personnages : quatre grand-mères craquantes (bien que dûment voilées), aux prises avec une Dubaï secouée par la modernité.
Aux antipodes du bien trop sage Hamdoon, le traitement graphique de Freej est assez révélateur d’une certaine audace de ton qui a valu à ses auteurs quelques soucis (article en anglais) lorsqu’ils ont abordé le thème de la religion, et l’hypocrisie de certaines pratiques, à l’occasion d’un de leurs épisodes.
A l’évidence, le dessin à destination de la jeunesse est, aux Emirats, un secteur qui se porte bien, et qui porte bien les messages…
Et pour finir, une petite vidéo de Freej

Source de l'article CPA


vendredi 17 juillet 2009

Les Tunisiens en bande dessinée

Seif Eddine Nechi, dessinateur de bande dessiné et directeur de création dans une agence de communication, est aussi membre du comité organisateur du Salon International de la Bande Dessinée de Tazarka. 

Il anime un blog dédié au 9ème art http://seifnechi.blogspot.com. Il expose ses ouvrages et y explique même la technique pour traiter ses bandes dessinés sur l’'ordinateur.

Le bédéiste Nechi compte publier un album de bande dessiné en collaboration avec l’ancien chroniqueur du journal Tunis Hebdo et scénariste, Tahar Fazaa. « L’ouvrage sera publié à la rentrée », affirme l’auteur du blog

En voici un avant gout :



Source de l'article Tekiano

Tunisie : Les poires de la bande dessinée ?

Le Salon de la Bande Dessinée aura lieu du 22 au 29 aout à Tazarka. 31 Juillet 2009 dernier délai pour s’y inscrire. La progression de la BD tunisienne est-elle à la mesure des talents qui s’y sont consacrés sur plus de 40 ans ? 


Le Salon International de la Bande Dessinée aura lieu cette année du 22 au 29 aout prochain à Tazarka, ville du gouvernorat de Nabeul. Organisée pour la 13ième année consécutive par l’association du livre de Tazarka, cette manifestation réunira les amateurs de la bande dessinée de tous horizons.


Pour cette année, le comité organisateur du salon va mettre en place des workshops. Sous l’œil de plusieurs dessinateurs de BD d’envergure internationale, les participants auront à créer, en 7 jours, un album de bande dessiné qui sera publié dans les semaines qui suivront l’événement. A la fin des workshops, ces stagiaires se verront délivrer une attestation de stage sur laquelle figurera le nom de l’encadreur.
Délire fruitier
Le thème choisit pour cette année est… la fraise ! Et pour cause, Tazarka est connue pour ses champs de fraises dont la cueillette se fait entre avril et juin de chaque année. Ce salon célébrera, donc, « Dame Fraise » avec ses différentes nuances de couleurs : du vermeil (rouge vif un peu plus foncé que l’incarnat ou argent recouvert d’or), au pourpre (rouge foncé, dignité impériale ou de cardinal, rouge violacé) ou de l’écarlate (rouge vif) au rubis (rouge vif nuancé de rose ou du pourpre). Les mauvaises langues diront que la BD tunisienne n’a pas la pêche. Ce serait même la raison pour laquelle on a choisi la fraise… à défaut de nous prendre pour des (bonnes) poires. C’est dire que les bédéistes tunisiens ne comptent pas pour des prunes.
Sur le groupe Facebook dédié au Salon International de la Bande Dessinée, le président de l’association du Livre de Tazarka, M. Abou-Seoud MESSADI, a présenté brièvement le programme : stage avec des artistes de Belgique, France et Tunisie, rupture de jeûne collectifs (puisque le salon débutera avec le mois saint de ramadan), des expositions variées, des tables rondes, un ciné-club enfants où il y aura des projections de dessins animés, et des animations sur les plages les après-midi. Les personnes qui souhaitent y participer seront nourries et logées pendant les 7 jours que durera la manifestation. Mais attention : le dernier délai pour s’inscrire est fixé au 31 Juillet 2009. Pour cela, il faudra verser 50 dinars sur le compte de l’association du livre de Tazarka.
 
Boom au niveau international
Ce salon tunisien de la bande dessinée est d’autant plus bienvenu qu’au niveau international cet art prend une importance grandissante. En 2007, par exemple, plus de 40 millions de bandes dessinées ont été vendues en France, pour un chiffre d’affaires de plus de 383 millions d’euros, soit l’équivalent de presque 800 millions de nos dinars. Dans l’Hexagone, le nombre d’amateurs de BD est estimé à 6 millions. Sans même parler de l’évolution du manga japonais, véritable fer de lance culturel et industriel nippon. Décliné en films, jeux vidéo, et bien d’autres supports, la bande dessinée, longtemps reléguée au rayon de la petite enfance, est désormais considérée comme le 9ème art.
 
Irfane et les autres
Si les premières BD tunisiennes datent des années 70, force est de constater qu’en 40 ans, la progression n’est pas réellement à la mesure des talents qui s’y sont consacrés. «Ech Chaf», le personnage créé par Mahmoud Rebai, dont se délectaient les lecteurs du magazine défunt «Dialogue» n’a pas eu d’héritiers. Le précurseur Irfane, avec Bou Tartoura en personnage phare avec sa célèbre chéchia a certes fait des émules avec des revues ciblant les enfants, comme notamment «Qaous Qouzah», et plus récemment «Faracha». Mais ces expériences n’ont pas réellement créé de dynamique. Reste à espérer que la régularité d’un festival comme celui de Tazarka parvienne tant bien que mal à ranimer la flamme. Avec les moyens du bord.
Par Welid Naffati et Malek Ben Hammadi - Source de l'article Tekiano

mercredi 15 juillet 2009

Quand Superman rejoint les 99 super-héros musulmans

Quand Superman rejoint les 99 super-héros musulmans
Wonder Woman et Ramzi, Superman et Jabba... Les héros des "comics" américains vont investir le monde des 99, ces super-héros musulmans apparus en 2006. 
L'analyse de Domar Idrissi, grand amateur de BD, anthropologue de formation et initiateur de la traduction française.

Ils sont dotés d'une plastique de rêve, de pouvoirs surnaturels et d'une vertu sans faille. Et ils sont musulmans. Antinomique ? Seulement si l'on amalgame islam et intégrisme. C'est cette confusion dangereuse que combat Naif Al-Mutawa, l'auteur et éditeur koweïtien de la bande dessinée à succès Les 99.  
Avec ses super-héros de papier, l'auteur est parti à l'assaut de son plus grand démon, l'extrémisme. "Je devais trouver un moyen de reprendre l'islam des mains de ceux qui l'avaient pris en otage", a expliqué Naif Al-Mutawa dans une lettre publiée sur le site BBC News.  
Chacun doué de l'un des 99 attributs d'Allah, tels la clémence ou la générosité, ces champions de l'islam unissent leurs forces pour affronter le Mal. Un triomphe! Créé en 2006, le comic est aujourd'hui vendu à un million d'exemplaires par mois en plusieurs langues, et le magazine américain Forbes l'a classé parmi les 20 grandes tendances de la culture populaire mondiale.  
Le succès est tel qu'il déborde le seul champ littéraire : alors qu'un premier parc à thème a été ouvert cette année au Koweït, la compagnie Endémol a décidé d'adapter la série en dessin animé. Et l'aventure vient de prendre une dimension inattendue avec l'irruption de nouveaux super-héros. Les éditions DC Comics ont en effet accepté de prêter leurs personnages à Teshkeel Comics, la maison d'édition de Naif Al-Mutawa. Les très occidentaux Wonder Woman, Batman et Superman devraient ainsi rejoindre les 99 dès l'année prochaine. Domar Idrissi, le directeur de Raï Media, la maison d'édition qui publiera Les 99 en France dès la rentrée, répond à nos questions. 
Votre maison d'édition travaille en ce moment à la traduction de deux albums de la bande dessinée koweïtienne Les 99. Quand ces ovnis littéraires débarqueront-ils dans nos librairies ?
Nous étions supposés avoir fini la traduction pour cet été mais nous avons pris un peu de retard. Dès la rentrée, deux albums seront diffusés en France. Le premier, intitulé Les Origines, sera progressivement publié dans Raïmag, un gratuit tiré à 35 000 exemplaires distribué principalement à Lyon et Marseille et qui s'adresse à une population issue de l'immigration arabo-musulmane. Le second, Avis de Tempête, sera diffusé de façon plus traditionnelle dans les librairies, les magasins spécialisés dans la BD et peut-être dans quelques lieux communautaires. C'est une première mondiale! Après les pays arabo-musulmans, les Etats-Unis, le Canada... la BD va enfin arriver en France, et toucher un public francophone. 
Qu'est ce qui vous a séduit dans Les 99?
La dimension culturelle de cette histoire. On connaissait jusqu'ici les BD de Marvel (comme HulkSpider-ManLes X-menIron-Man... NDLR) et les mangas, qui sont très enracinés culturellement. Dans les bandes dessinées classiques, c'est toujours l'Amérique qui sauve le monde à travers des super héros d'origine américaine. Les 99 met enfin en scène des personnages bienveillants issus d'une autre aire culturelle, l'aire musulmane. 
De quelle manière?
L'histoire du premier album débute en 1258, alors que le petit-fils de Gengis Khan et sa horde mongole s'emparent de Bagdad. L'auteur, Naif Al-Mutawa, a exploité ce fait historique pour en tirer une fiction: afin de sauver la Maison du Savoir, les gardiens du Califat en extraient les connaissances grâce à l'alchimie qui permet de les conserver dans 99 pierres dispersées aux quatre coins du monde. Des centaines d'années plus tard, les pierres sont retrouvées une à une par les personnages de la BD, qui acquièrent à leur contact des dons surnaturels et deviennent les 99. Symbolisant chacun l'une des 99 perles du chapelet musulman, ces nouveaux héros incarnent les 99 qualités d'Allah, qui vont de la sagesse à la générosité. Mais il faut préciser qu'au-delà de cette différence culturelle, l'auteur a choisi de conserver la veine des BD traditionnelles: on retrouve le même style de graphisme, le même mythe fondateur traditionnel du super héros, qui implique la détention de super pouvoirs, la capacité à se métamorphoser, la lutte du Bien contre le Mal... 
Justement, quelle sorte de Mal les 99 combattent-ils?
Le Mal n'est pas directement identifiable dans Les 99. Prenons l'exemple du conte, dont la bande dessinée n'est qu'une variante. Dans les histoires pour enfants ou les légendes, le Mal ne fait référence à aucun événement ou personnage réel. L'intérêt de cette forme de littérature réside dans la nature imaginaire du monstre, qui pousse l'enfant à lire entre les lignes et à refléter sa propre angoisse dans un dragon ou une créature surnaturelle menaçante. C'est le même mécanisme qui agit dans les comics, à la seule différence qu'il n'y a pas de forêts obscures peuplées d'ogres ou de sorcières, mais un monde bien réel, situé à notre époque et où vivent nos contemporains.  
Ne peut-on pas voir dans ces forces maléfiques la métaphore d'un fait d'actualité?
Les super héros transcendent le fait d'actualité. Ils luttent pour des principes généraux, contre des forces obscures sans nom qui menacent la stabilité de l'humanité. Nous sommes loin d'un Captain America luttant clairement contre le communisme dans les années 1940. Dans Les 99 comme dans les bandes dessinées contemporaines, le Mal ne représente plus rien d'actuel. Mais il peut en effet symboliser les extrémismes. 
Quel message porte l'auteur?
Les 99 véhicule des valeurs de tolérance, d'ouverture, mais aussi - et c'est une grande nouveauté - de solidarité. L'auteur a ajouté une dimension coopérative au genre; plutôt que de lutter seuls en super-vedettes, les héros ont des pouvoirs complémentaires et combattent le Mal ensemble.  
A qui s'adresse la série?
Elle est destinée à deux types de population. Les 99 s'adresse à nos compatriotes issus de l'immigration maghrébine, du Proche Orient, etc. qui pourront y retrouver leur culture d'origine. Mais Naif Al-Mutawa cherche aussi à construire une passerelle avec tous les amateurs de comics, quel que soit leur pays d'origine.  
Comment va-t-il s'y prendre ?
En créant des super héros arabo-musulmans venant de 99 pays du monde. Ses personnages sont cosmopolites. Nous avons déjà un londonien d'origine pakistanaise, un sud-africain, un saoudien, un hongrois.... Mais Naif Al-Mutawa va franchir un pas supplémentaire en introduisant dans ses histoires les personnages de comics américains, tels que Superman ou Batman. Au-delà de leurs différences culturelles, les héros combattront pour les mêmes valeurs, pour préserver le Bien contre toutes les forces qui le menacent. Cette rencontre est très symbolique.  
L'irruption de personnages tels que la provocante Wonder Woman ne va-t-elle pas poser un problème de respect des coutumes et de la culture des héros existants?
Nous avons déjà une Noora et une Nunita en costumes de super-women très moulants. Ce sont ces personnages arabo-musulmans qui ont pu poser des difficultés au début, comme en Arabie saoudite, où l'éditeur a rencontré quelques résistances. Toute société est toujours traversée par ses contradictions. Mais la BD est aujourd'hui diffusée dans l'ensemble du monde arabo-musulman.  
Vous comptez faire paraître une version francophone des premiers albums de la bande dessinée dès la rentrée. Ne craignez-vous pas que le public français voit dans Les 99une forme détournée de prosélytisme?
Les 99 incarnent certes les valeurs de l'islam. Mais ces valeurs sont les mêmes que celles des autres religions monothéistes, ce sont des valeurs humanistes qui peuvent par conséquent prétendre à une certaine universalité. L'homme qui fait référence au sacré ne le fait pas pour crisper les autres ou faire le mal autour de lui, bien au contraire. Dans chaque pays, nos croyances, qu'elles soient politiques ou religieuses, ont toutes développé une forme d'extrémisme à leurs marges. Il y a des endroits où cet extrémisme s'est manifesté de manière très violente et visible, ce qui a fortement nui à leur réputation. C'est à la suite du 11 septembre que Naif Al-Mutawa a décidé de créer Les 99, dans le souci de refléter une autre image des sociétés arabo-musulmanes que celle qui a été relayée par les médias à ce moment là.  
Mais certains personnages lisent le Coran, et une super-héroïne porte une burka. Cela pourrait choquer...
Lorsque je fais défiler dans ma tête les super-héros américains de Marvel, je vois en majorité des personnages blancs et de sexe masculin. Dans Les 99, on retrouve à peu près le même nombre d'hommes et de femmes, et les super-héros sont de toutes les couleurs. La tolérance est vraiment le maître-mot de cette bande dessinée.  
Certes Batina The Hidden, qui vient du Yémen, porte une burka, mais avec toute l'ambiguïté du costume de super-héroine qui y est associé: sa tenue rappelle le masque de Zorro ou évoque l'image d'un loup. Et l'auteur ne pouvait pas ignorer la tenue traditionnelle que portent les femmes yéménites. Ce voile-là n'est pas une option intégriste : si l'auteur avait choisi de le représenter par idéologie, il n'aurait pas revêtu ses autres héroïnes de justaucorps moulants. Ou c'est qu'il est en proie à une schizophrénie inquiétante!  
L'explication est la même pour les personnages qui lisent le Coran dans la BD. L'histoire a lieu dans des villes arabo-musulmanes. Comment ainsi ne pas dessiner des femmes portant un foulard ou des personnes lisant le Coran devant des mosquées? Pouvez-vous imaginer une bande dessinée se situant dans un Paris où les églises seraient inexistantes? 
Vous avez sans doute un ou deux petits éléments à nous dévoiler en avant-première sur la prochaine rencontre entre les super-héros américains et leurs confrères musulmans ...
C'est encore top-secret. Mais on pourrait imaginer un Superman survolant un lieu saint avec Noora dans les bras, qu'il déposerait ensuite doucement à terre... 
Pour plus d'informations : Contact.raimag@gmail.com  
Par Source de l'article l'Express