vendredi 30 octobre 2009

Tunisie : Lotfi animé, contre Ryeh et marées

Lotfi Mahfoudh met en scène dans ses vidéos d’animation un cheikh du golfe arabe, une danseuse de ventre égyptienne ou un Libyen entouré de filles de joie tunisiennes. C’est que le cinéma d'’animation n'’est pas réservé aux enfants !

«Avec la succès de «2050», l’'animation commence à trouver de la place dans le paysage télévisuel tunisien. C’est très positif vu que les gens croient à tort que l’animation est un produit audiovisuel qui n’intéresse que les enfants» lance Lotfi Mahfoudh, cinéaste spécialisé en animation.
«Ça peut éventuellement pousser les sponsors à une certaine ouverture sur l’'animation comme genre audiovisuel» ajoute-t-il. Diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD, France), Lotfi a travaillé sur deux courts métrages, «Eau de rose» d’'Arthur de Pins et sur un film de Gaëlle Denis «Fish never sleep», winner du British Award du meilleur court métrage d’animation. Il a réalisé, comme projet de fin d’'étude, en 2001, un court métrage d’'animation intitulé «Les Noces du Loup».

Bon vent !

«De retour à Tunis, je pensais qu’on pouvait faire de l’'animation où que l’on soit et je voulais créer mon propre studio ici. Dans un contexte où les gens ne sont pas habitués au cinéma d’'animation, je me suis retrouvé à travailler, au début, sur des pubs» raconte Lotfi Mahfoudh.
A travers son expérience dans la pub, Lotfi a contribué à y mettre un souffle novateur à travers l’activité de sa propre boite, «1001 images». On cite, à titre d’exemple, le personnage bleu protagoniste de la pub de Danino. «Les annonceurs ont souvent tendance à exiger des prestataires de courts délais de création. Et ils ont du mal à réaliser que l’'animation ne cible pas uniquement le public des enfants» souligne ce cinéaste en mal de financement pour l’'exercice de sa passion. «Ryeh», ainsi s'’intitule le court métrage réalisé par Lotfi Mahfoudh en 2008. L'’histoire de ce film se déroule sur un chantier où l'ingénieur Séïf, privée très tôt de la présence d'un père, se souvient de son enfance. Séif évoque sa découverte des mouvements et de la puissance des vents, ses joies et ses peines. Il dirige, en même temps, l'installation de l'immense champ d'éoliennes qui éclairera son village natal et toute la région.


Sexy story board

Jawhar Basti, Chekra Rammeh, Fatma Ben Saidane et d’autres comédiens tunisiens ont prêté leurs voix aux personnages de «Ryeh». Mais c’'est une autre rencontre entre Jawhar Basti et Lotfi Mahfoudh qui fera naitre un projet différent. 
Celui des vidéos de promo de «Hobb Story» qui circule sur le web notamment Facebook depuis juillet dernier. L'’idée est née durant le tournage du film «Thalathun» de Fadhel Jaziri. Lotfi y travaillait comme story boarder alors que Jawhar Basti et Anissa Daoud jouaient dans ce film. «Les thèmes des 4 vidéos ont été choisi avec Anissa Daoud et Lotfi Achour. Après j’'ai fait un story board et l’'ensemble a été validé par Lotfi Achour» nous confie ce dessinateur passionné. 
Pour la création de ces vidéos, Lotfi Mahfoudh a fait usage d'’Adobe Flash et d’'Adobe After Effect. En continuité avec la pièce «Hobb Story», ces vidéos d’'animation évoquent la sexualité au monde arabe. Elles mettent ainsi en scène tout à tour un cheikh du golfe arabe, une danseuse de ventre égyptienne ou un libyen entouré de filles de joie tunisiennes. 
Les sociétés arabes y sont exposées dans la nudité de leur réalité, avec un humour décapant. Une expérience de plus, témoignant pas uniquement de la créativité de Lotfi Mahfoudh mais aussi de la richesse de son background. Il tire ainsi son inspiration des plus grands. Il avoue : «j’'aime beaucoup ce que font les japonais. Et je ne parle pas nécessairement des mangas. J'’admire les travaux de Hayao Miyazaki. Son film «Le Voyage de Chihiro» m’a beaucoup marqué. J’aime bien aussi l’'univers de Bill Plympton».

Après notre rencontre avec Lotfi Mahfoudh, on a quitté les locaux de sa boite, «1001 images», en laissant derrière nous un atelier en plein chantier artistiqu         e. Fresques, cinéma d’animation et pubs ne sont que les premières étincelles en attendant que son nouveau projet de série télé nourrisse la flamme de l’art de l’animation tunisienne.

Par Tameur Mekki - Source de l'article Tekiano

Tunisie : Ranimez le dessin animé !


Le cinéma d’animation peut-il exister sur le grand écran tunisien ? Telle est la question posée au forum tenu le 28 octobre 2009, à la maison de la culture Ibn Rachiq. C’est la première fois qu’on fête en Tunisie la Journée Mondiale de l’Animation.
«C’est pour finir par avoir une génération montante de jeunes cinéastes d’animation. C’est très important que les plus jeunes soient au courant des expériences tunisiennes dans ce domaine. Ils doivent savoir que ce genre audiovisuel existe bel et bien en Tunisie et qu’il est possible de se former et d’être spécialisé dans le cinéma d’animation dans notre pays» nous confie Wassim Ben Rhouma, représentant de l'Association internationale du film d'animation en Tunisie (ASIFA). Cette association organise, chaque 28 octobre, la Journée mondiale du Cinéma d'Animation. Cette date a été choisie pour célébrer l'anniversaire de la première projection d'un film d'animation. Une première historique signée Émile Reynaud au Musée Grévin, à Paris le 28 octobre 1892.

La Journée mondiale du Cinéma d'Animation est fêtée dans plus de 50 pays à travers le monde. Grâce à l’initiative de Wassim Ben Rhouma, la Tunisie a fêté cette manifestation pour la première fois, mercredi 28 octobre 2009, à la maison de la culture Ibn Rachiq, avec le soutien de l’Institut Français de Coopération (IFC). «En Tunisie, les gens croient toujours que les dessins animés, sont simplement des «comiques» destinés aux tout petits» affirme Wassim. «On a un sérieux problème d’information sur le cinéma d’animation. C’est vrai que c’est un problème qui persiste à l’échelle internationale et surtout dans le tiers monde. Mais en Tunisie c’est encore plus grave. A titre de comparaison, cette manifestation est fêtée au long de 3 semaines en Inde. Quant à la France, elle fête ça avec plus de 400 événements» ajoute le jeune représentant de l’ASIFA en Tunisie.

Animation handicapée
Dans une salle comble, la soirée a débuté à 20h avec un forum. Avec pour principaux intervenants, Zouhair Mahjoub et Monji Sancho, tous les deux cinéastes d’animation et enseignants à l’université. Leur parcours dans ce domaine est truffé de déceptions et d’amertume, dues à la marginalisation de leur art en Tunisie. «On n’a pas les moyens nécessaires pour faire du cinéma d’animation. C’est tout une industrie ! L’instauration de plusieurs structures est nécessaire pour pouvoir produire des films d’animation» explique Zouhair Mahjoub.
«Il y a 6 ou 7 ans que le ministère de la culture a eu de gros financements étrangers destinés à la production de films d’animation. Pourtant, rien n’a été fait» martèle Monji Sancho. Par ailleurs, Tayeb Jallouli, cinéaste tunisien également présent, annonce préparer actuellement un long métrage d’animation chez Omnya Prod. «Après l’obtention d’une aide au scénario de la part du Ministère de la Culture, on y travaille depuis un an» déclare-t-il en alternant : « On a fini le scénario, le story board et le texturage. Vu qu’on n’est pas habitué à la production de films d’animation, on se retrouve à travailler, former et se former en même temps».

Projections : flash back et état des lieux
Contrairement au programme, 4 films d’animations au lieu de 6 ont été projetés. A l’exception du film algérien, «Le quotidien des Automates » d’Abdelghani Raoui dont l’aspect expérimental a été apprécié par certains, la qualité des films tunisiens présentés a déçu certains spectateurs. Ces derniers se sont dépêchés à quitter la salle au cours des projections. «On a sélectionné les films en fonction de la diversité des techniques d’animation qui y sont exploité mais aussi selon l’ordre chronologique de leur production.» explique Wassim Ben Rhouma. Ainsi on a vu défiler sur la toile, «EL Garbaji » de Zouhair Mahjoub (1984), « Ruse pour ruse » de Mongi Sancho (2006) et «Les Terriens» (2009) de Leila Ben Rejab, Darine Kouche, Haykel Dridi et Rim Ben Salah.
«Le fait que l’animation soit à la télé est très positif. La télé peut ainsi être complémentaire avec le cinéma». déclare Wassim Ben Rhouma. Lakhdher, Barhouma, 2050, 3icha ma9rouna et autres arrivent à s’imposer sur le petit écran et même à se tailler un certain succès. Encore faudrait-il bien gérer les revenus accumulés par les prods d'animation télévisuelle. Parce que le coup de pouce financier est absolument nécessaire pour ranimer enfin le cinéma d'animation dans notre pays.
Par Thameur Mekki - Source Tekiano

jeudi 29 octobre 2009

Premier roman graphique en Egypte

Le premier roman graphique en arabe a fait couler beaucoup d’encre en Égypte. Publié en 2008, Metro raconte l’histoire d’un jeune informaticien, Shihab, qui décide de braquer une banque pour rembourser ses dettes et de cacher l’argent dans une station de métro… 

Ambiance de polar sur fond de corruption et de violences policières, avec pour décor un Caire ultracontemporain, très éloigné du folklore qui habille habituellement la ville. L’auteur : Magdy el-Shafee, 48 ans, dont le trait élégant en noir et blanc n’est pas sans rappeler celui d’Hugo Pratt. L’éditeur : la maison d’édition alternative El-Malameh, fondée par Mohammed el-Sharqawi, l’un des blogueurs politiques dissidents les plus réputés en Égypte…

Magdy el-Shafee, qui s’est fait connaître avec ses BD pour enfants, a travaillé cinq ans sur Metro, sacré meilleure bande dessinée africaine par l’Unesco. Mais elle a déplu au pouvoir égyptien : en avril 2008, les bureaux de la maison d’édition sont mis à sac, les exemplaires confisqués et les librairies sommées de retirer l’ouvrage de la vente. L’auteur et l’éditeur sont brièvement emprisonnés, accusés d’« atteinte aux bonnes mœurs » et d’« atteinte à la décence publique ». « Ce qui choque, ce n’est pas le roman en lui-même, mais son accessibilité : tout le monde peut le lire, le comprendre, la jeunesse désabusée égyptienne peut s’identifier », explique Magdy. Certaines planches traduites en anglais sont aujourd’hui accessibles sur Internet (www.wordswithoutborders.org). Et le dessinateur n’a pas baissé les bras : il poursuit son rêve de donner à la bande dessinée pour enfants ses lettres de noblesse.

Par Olivia Marsaud - Source de l'article Jeuneafrique.

Du français à l'arabe dialectal

Le fait est peu connu, mais il existe depuis les années 1940 une tradition de la bande dessinée dans le monde arabe. C’est en Égypte qu’apparaissent les premiers illustrés originaux en langue arabe, comme les publications pour enfants Al-Katkut ou Bulbul, ainsi que des bandes dessinées étrangères traduites de l’américain ou du français (Tintin, Superman et Batman). 

Case du fanzine Bédo, distribué gratuitement à Casablanca
Case du fanzine Bédo, distribué gratuitement à Casablanca

À partir des années 1950, des Syriens et des Libanais, mais aussi des Irakiens, lancent des comics à la sauce arabe, avec des supers-héros qui ressemblent à l’homme de la rue. C’est le cas des revues Usamah, Samir et Majallaty, toutes imprégnées d’idéologie ­socialiste.

Il faudra attendre les années 1970 pour que la Tunisie mais surtout l’Algérie se distinguent par des créations au ton incisif, avec une coloration sociale et politique marquée. Mais, contrairement à leurs voisins orientaux, les auteurs maghrébins écrivent très majoritairement en français. De M’quidech, BD algérienne mythique créée en 1969 par Georges Abranche Texeira (dit Kapitia) et Lamine Merbah, au très politique Poulet au pied, du Tunisien Habib Bouhaoual, c’est la langue de Molière qui s’impose. Une réalité qui s’explique par le contexte linguistique : la langue parlée dite « dialectale » se distingue de l’écrit (l’arabe littéraire), plus figé et moins expressif. La BD, plus que tout autre genre littéraire, doit donc faire revivre la langue de la rue. Raison pour laquelle la nouvelle génération d’auteurs, à l’instar du collectif Bédo au Maroc, privilégie un nouvel alphabet, fait de lettres latines et de chiffres, pour permettre à leurs personnages de parler « comme dans la vie », selon un subtil mélange d’arabe dialectal et de français.

Par Leila Slimani - Source de l'article Jeuneafrique

BD le renouveau algérien

La BD algérienne, qui pleurait depuis plus de vingt ans son âge d’or révolu des années 1960-1970, refait des bulles. Une dizaine d’albums (dont une adaptation d’un roman policier de Yasmina Khadra, Le Dingue au bistouri) ont été publiés cette année, alors qu’aucune création n’avait vu le jour depuis… 1987. 

Unique vignette de Zina sans le voile
Unique vignette de Zina sans le voile © Slim
Signe annonciateur de ce renouveau : en 2003, l’Enag, maison d’édition publique, avait réédité une quarantaine d’anciens albums (Les Aventures de Sindbad le marin, de Mahfoud Aïder, La Boîte à chique, de Slim…) qui ont fait cet âge d’or.


Ce réveil est en grande partie lié au Festival international de la bande dessinée d’Alger (Fibda), qui a vu le jour l’an dernier, et dont la deuxième édition s’est tenue du 14 au 18 octobre. « Nous voulons créer une dynamique et relancer l’industrie de la BD », explique Dalila Nadjem, commissaire de l’événement et directrice de la maison d’édition Dalimen. Surtout, « ce festival veut réconcilier l’ancienne génération avec la nouvelle, très prometteuse ». Les Slim, Haroun, Melouah, Aïder, Le Hic… semblent, en effet, avoir trouvé une relève avec Tahar Aidaoui, Amine Benabdelhamid, alias « Nime » (tous deux lauréats du concours Jeunes talents du Fibda 2009), Samir Toudji, alias « Togui »… Une nouvelle génération qui a été « trop longtemps inexistante », commente Slim, auquel le Fibda a rendu hommage via une exposition de ses dessins, dont une première version, inédite, de l’inénarrable Bouzid et de sa dulcinée Zina.


Vignette extraite de Zid Ya Bouzid, première histoire
de Bouzid, de Slim (1969)
Pourquoi cette éclipse ? « Il y a des circonstances atténuantes », explique Dalila Nadjem. Façon pudique de désigner la montée de l’islamisme à la fin des années 1980 et la décennie noire qui a ensanglanté ensuite le pays. Du coup, la plupart des signatures reconnues se sont effacées, les unes dans l’exil, les autres abandonnant la partie faute de support. « La diffusion est un gros problème », insiste Slim, qui a d’ailleurs trouvé la parade. Il s’est associé à un éditeur sur Internet, lulu.com, qui lui permet de rééditer ses albums sur commande (pour un prix compris entre 11 et 15 euros).

Trop frileux, les éditeurs algériens ? L’avis fait consensus. Et Slim d’enfoncer le clou : « Ce pays n’aime pas la BD ! » Pourtant, nuance Dalila Nadjem, « les choses bougent. Aujourd’hui, quelques éditeurs prennent des risques et ont plus d’audace ». Et d’autres émergent, comme la jeune maison Z-Link, lancée par Salim Brahimi, qui édite Laabstor, une revue consacrée aux jeux vidéo et… au manga algérien. De son côté, le Fibda publie le numéro zéro d’un fanzine, El Bendir, appelé à devenir mensuel. Des initiatives salutaires et à encourager .

Par Faiza Ghodzali - Source de l'article Jeuneafrique

jeudi 15 octobre 2009

Another Acquisition: GrowthGate Bought 30% of Rubicon, The Pixar of Arabia.

Following Yahoo! acquisition of?Maktoob?and Noupe Acquisition by Smashing magazine, I was tipped from a VC friend of mine of another good news for the Tech industry in Jordan and the Arab world in general. As of 10 days ago, Bahrain based private Equity firm, GrowthCapital announced that it acquired 30% of? Amman, Jordan based? Rubicon.
Rubicon which was founded in 1994, has the largest 2D and 3D animation studio in the Middle East. It is executing location-based entertainment projects in two destinations of above a billion dollars development budgets.
The company is described by many as the Pixar of the Arab world. Pixar Animation Studios is known for its hit toy story “Finding Nemo” in 2003, which achieved over $800 million in sales. Pixar was acquired 2006 by Disney at a price valued around $7.4 billion.
Rubicon has achieved many high profile deals with local governments in the region and International companies, as it is currently working with MGM Studios in the US to produce an animated television series based on the Pink Panther franchise of films.
bin and izzy
bin & izy animation

It also has created ?Ben & Izzy? a successful children TV series that aired in Ramadan 2008 on MBC (see video below). The series is based on the adventures of two youngsters; one American and one Arab who travel back through ancient times and meet a band of scientists, travelers and poets, taking viewers on a nice new journey in each episode.

Rubicon operates out of Amman, Dubai, L.A., and Manila. Rubicon forecasted revenues for 2010 are in excess of $100 million, and it plans to invest circa US$ 75 M over the next three years in various productions. Both GrowthGate and Rubicon being privately held, the value of the transaction was not disclosed, but sources say it is in the multi-million dollar deal.
The Jordanian animation studio is lead by Randa Ayoubi acting as CEO, I met her during the last WEF Jordan 09, and we agreed to meet later but I did not have time to follow up with her.
This deal marks the fifth direct equity investment by GrowthGate since its capitalization in mid 2007, and the first in the ?Edutainment & Animation? sector. GrowthGate?s portfolio companies already comprise: Able Logistics Group (logistics & transport), Gama Aviation Holding (managed-private jets and aviation services), Roots Group (construction-related materials) and Averda International (environmental & waste management services).
Here is a video for Rubicon’s Bin and Izzy:



( via DubaiBeat and The National .)

dimanche 11 octobre 2009

Rencontre avec les organisateurs du Festival de BD d'Alger

« La BD est un art dans le plein sens du terme et qu’à ce titre il mérite d’être valorisé et promu. » Un entretien de Christophe Cassiau-Haurie avec Nazim Mekebel, Dalila Nadjam.

Un vent nouveau souffle sur la BD africaine, depuis quelques mois, un vent fait d’espoir et de confiance en l’avenir. Sur un continent où le monde artistique et culturel ne leur reconnait guère la place qui leur revient, les auteurs de BD se sentent enfin reconnus à leur vraie valeur avec l’apparition du tout nouveau Festival international de Bande dessinée d’Alger. Volontaires, engagés et dynamiques, ces organisateurs veulent en faire un lieu de rencontres et d’échanges et une vitrine sur la créativité africaine dans le domaine. Après une première édition en octobre 2008, suivi d’un PANAF brillamment réussi en juillet 2009, la deuxième édition, du 14 au 18 octobre, semble partie sur les mêmes intentions.

D’où vous est venue l’idée de faire un festival de BD à Alger ?

LA BD algérienne a connu une période de floraison qui en a fait dès le lendemain de l’indépendance un mode d’expression extrêmement prometteur. Cette floraison, s’est traduite d’abord par de nombreuses publications puis par un festival dans les années 1980 qui a connu plusieurs éditions et énormément de succès. Aujourd’hui, on peut constater que les mêmes potentialités existent toujours mais que les cadres de prise en charge et de soutien font cruellement défaut. C’est la raison pour laquelle nous avons eu l’idée d’offrir aux jeunes bédéistes les opportunités nécessaires pour montrer leurs travaux, les confronter à ce qui se fait dans le monde et avoir un contact direct avec les ténors internationaux de la bande dessinée. Il va s’en dire que tout cela procède de notre intime conviction que la BD est un art dans le plein sens du terme et qu’à ce titre il mérite d’être valorisé et promu.

Quel bilan tirez- vous de la première édition du festival ?

Il a fallu sept mois d’efforts conjugués, d’enthousiasme et de passion nécessaire à la réalisation de ce grand projet. C’est cette combinaison qui a permis au comité d’organisation d’être en mesure de tenir son pari. En premier lieu, il fallait ménager les meilleures conditions de crédibilité pour les bédéistes nationaux car il était primordial pour nous de ne pas contrarier leurs attentes. En second lieu, il fallait s’assurer d’une participation internationale de qualité et donc mener un travail de prospection pouvant permettre de repérer, à travers le monde, des personnalités de renom dans le domaine de la BD. Sur ce chapitre, le réseau internet a été le chemin le plus court et le plus sûr dans la mesure où la toile est balisée des sites de grandes rencontres internationales de la bande dessinée. En troisième lieu, nous ne devions pas perdre de vue que l’objectif essentiel de ce premier festival était de promouvoir, revaloriser, réactiver le vivier algérien des producteurs de BD, toutes spécialités confondues ; dessinateurs, scénaristes, dialoguistes, adaptateurs etc….. et arracher tout ce potentiel créatif à la marginalisation et à l’éparpillement.

Au final, quel est le bilan que vous en avez tiré ?

Au vu de toutes ces conditions, nous pensons que le bilan de ce premier festival est positif et ce pour plusieurs raisons ;

- de nombreux moments forts ont marqué cette manifestation, notamment les échanges entre le public et les professionnels, entre les auteurs algériens et leurs confrères de nombreux pays étrangers, entre différentes générations de dessinateurs etc….
- Près de deux cent nationaux ont pris part aux différents concours révélant ainsi un gisement considérable de jeunes talents, dont certains, de surcroit, ont été récompensés.

- Quatre vingt dix huit professionnels de la BD représentant vingt six pays ont participé et ce, dans différentes activités : le concours international, les ateliers, les conférences etc….

- La composition du jury international avec des personnalités imminentes

- La présence de grands bédéistes à l’instar du suisse Cosey, de l’incontournable baroudeur français P’tiluc, du congolais Barly Baruti, élève d’Hergé et bien d’autres ;

- Et pour finir, s’agissant toujours des participants étrangers, les impressions qu’ils nous ont adressées par E-mail sont des preuves éclatantes, si l’on peut dire, que nous avons réussi notre pari. Le visage de l’Algérie qu’il leur a été donné de découvrir, l’accueil et les rencontres professionnelles qu’ils ont pu faire attestent que le FIBDA a atteint ses objectifs et que le monde algérien de la BD a repris pied dans l’environnement culturel international.

Quelles sont les erreurs qui d’après vous, il ne faudra pas réitérer ?

Il serait prétentieux et même anormal de dire que tout était parfait lors de cette première édition. Sous d’autres cieux et pour être inscrits dans les agendas culturels internationaux, de telles manifestations font l’objet d’une préparation s’étalant sur des temps beaucoup plus longs, ne fut ce que pour permettre à des participants pressentis de se rendre disponibles dans les délais requis. L’édition 2008 a été préparée en sept mois seulement !
Il est utile de relever les principales faiblesses et lacunes comme le manque d’expérience, la nouveauté d’une telle manifestation et une communication défaillante. De même que l’éclatement des principaux foyers d’activités et souvent l’éloignement pour ces derniers les uns des autres, ont quelques peu pénalisé le public. Une réflexion a été faite à ce sujet qui permettra de mieux gérer le temps et l’espace. Pour l’édition de 2009, nous avons choisi de concentrer toutes les activités du festival sur un seul site de la Capitale et nous avons élaboré une communication plus performante

Pourquoi le choix de la Bande dessinée africaine ?

Ce n’est pas un choix. Cela s’est presque imposé de lui-même. Nous avons découvert les créations africaines grâce entre autres, à votre site. Nous avons été très surpris par la qualité et la créativité des auteurs africains. La BD a sa place en Afrique et les auteurs africains prennent petit à petit leur rang dans le concert de la bande dessinée mondiale. Elle donne une image originale et créative de la réalité mouvementée en Afrique à la différence de la BD occidentale et l’engouement des africains pour la BD est réel. Mais elle connaît des difficultés de publication dues au coût excessif des maisons d’édition, du faible pouvoir d’achat des lecteurs et l’inexistence des subventions pour soutenir la production des œuvres. Etant nous même un pays africain, il était logique et légitime de mettre en valeur ce neuvième art et d’unifier les compétences africaines avec celles des internationaux. La première édition du FIBDA a levé le voile sur la richesse des œuvres d’artistes africains et à provoqué un moment d’émotion et de reconnaissance.

Comment expliquez-vous le fort soutien du Ministère de la Culture ?

Il n’y a rien à expliquer parce que la mission d’un Ministère de la Culture est d’accorder son soutien à toutes les formes expressions culturelle. Notre chance c’est d’avoir à la tête du département de la culture une Ministre qui entend faire jouer leur rôle aux institutions placées sous son autorité.

Quelle est votre opinion sur la BD algérienne ?

L’Algérie a été considérée pendant de longues années comme le pays de la BD dans le Maghreb, voire dans le monde arabe. Aujourd’hui la production de bandes dessinées est faible, et les nouvelles parutions se comptent sur les doigts de la main. Elle a connu ses moments de gloire mais aussi des moments d’infortune totale.
Les années troubles et sanglantes qu’a connues notre pays a entrainé la disparition de ce mode d’expression. La plupart de nos dessinateurs sont allés s’exprimer là où leur talent trouvait preneur. De très bons bédéistes se sont fait un nom, à l’étranger, en France, aux Etats -Unis, par exemple. D’autres se sont orienté vers le dessin de presse pour assurer leur survie. Avec la mise en place du festival, il y a un grand espoir de redynamisation de la bande Dessinée. Le bilan de la première édition le prouve. Nous avons une jeunesse pleine de créativité. Ce potentiel novateur a encouragé quelques éditeurs à s’investir sur cette ligne éditoriale dont moi-même . L’industrie de la BD est en marche avec tout ce que cet art peut entrainer comme ouverture entre autre dans le cinéma.
Pour la prochaine édition, nous allons découvrir de nouveaux auteurs, de nouvelles BD, de nouveaux éditeurs et également un nouveau magazine.

Entretien réalisé par Christophe Cassiau – Haurie, par MSN, entre Alger et Rose Hill, mars 2009 .
Source de l'article BDzoom

mercredi 7 octobre 2009

Gihèn Ben Mahmoud : "Je dessine et j'écris sur des femmes qui savent ce qu'elles veulent ! "

     Entretien de Christophe Cassiau-Haurie avec Gihèn Ben Mahmoud     

Les femmes sont rarissimes dans la Bande dessinée du Maghreb. Seule l'Algérienne Daïffa se fait remarquer par ses dessins satiriques dans la presse nationale et internationale. 
C'est la raison pour laquelle, l'irruption en 2008 de Gihèn Ben Mahmoud avec son premier album La Revanche du phénix, fut une réelle surprise. Débutante et consciente du chemin qui lui reste à parcourir, Gihèn est animée par une volonté de réussir envers et contre tout dans un milieu traditionnellement peu ouvert aux femmes.


Comment avez-vous commencé dans la profession ?
J'ai commencé avec Apollonia, maison d'édition tunisienne pour laquelle j'avais monté un projet. Je ne connaissais rien du monde de la BD. J'avais 18-19 ans, c'était en 2000, je venais d'avoir mon bac. J'ai contacté les éditeurs après les avoir vus à la télévision. Je savais dessiner et j'étais portée sur les métiers du secteur artistique en général, et le cinéma en particulier. Je faisais du dessin depuis toujours et j'écrivais. Travailler le dessin en fonction du récit, cela donne tout simplement de la BD.

Qu'est devenu votre projet avec Apollonia ?
Il n'a pas abouti sous forme de BD pour différentes raisons qui me dépassent. C'est devenu un film. J'avais cependant plein de matériaux inexploités, de la documentation et quelques planches. J'ai décidé de les utiliser, d'en faire une autre histoire. La mienne… Il m'a fallu près de six ans pour sortir la BD. Je travaillais en parallèle comme infographiste dans une boîte de communication et étudiais à l'université pour devenir traductrice-interprète. À présent je travaille sur un autre projet : Le Rêve Oriental, une histoire de pharaons en style réaliste, avec des aventures qui se situent entre le thriller et le fantastique. J'ai mis du temps à l'écrire. Je cherche à le proposer au marché franco-belge. On peut en avoir un aperçu détaillé sur mon blog (1).

Vous aviez donc une histoire complète sous la main pour votre première BD ?
Résultat de recherche d'images pour "Sidi Bou Saïd - extrait de Passion rouge, T.2 (à paraître)"Non, j'ai tout recommencé, dessins et scénario. C'est la raison pour laquelle elle n'est sortie qu'en 2008. Je voulais parler des pays de la Méditerranée, situer l'action dans ce contexte. Le travail le plus délicat s'est situé en amont quand il s'est agi de construire les personnages, de leur donner une identité. Voir ses propres créatures prendre vie, c'est la partie la plus surprenante et la plus amusante ! J'ai terminé le travail au début 2007, après avoir enfin trouvé un éditeur qui a finalement cru en moi : MC éditions. On s'était déjà rencontré quelque temps auparavant alors que je cherchais à publier un roman, La Vallée des Vignes. Je n'ai d'ailleurs pas abandonné l'idée, mais là aussi il y a beaucoup de travail à faire. Je suis en effet intéressée par tous les aspects de la littérature et de l'art !

Quel en a été le résultat ?
Hommage à MariniL'album a été tiré à 2000 exemplaires et vendu à 10 €. Un an après, on en a vendu un peu plus d'un quart. Mais il n'était diffusé qu'en Tunisie. C'était un album expérimental, conçu pour me présenter et pour " tester " le milieu. Cela m'a permis de me rendre compte qu'il fallait que je travaille encore beaucoup, pour apprendre et progresser. C'est la raison pour laquelle, j'ai commencé depuis une école de bande dessinée à Milan, ville où je vis actuellement. Je suis dans la dernière des trois années de formation. Mais comme on ne vit pas de la BD, je suis traductrice-interprète de profession. Et j'attends impatiemment de faire l'artiste à plein-temps ! [Rires]

Quels sont vos projets dans ce domaine ? 
Résultat de recherche d'images pour "Duomo-Fernando2 - © Gihèn Ben Mahmoud"Je travaille toujours sur Le Rêve oriental qui a été présenté sous forme d'exposition au Festival International de BD d'Alger. Et puis le tome 2 de La Revanche du phénix est en cours d'élaboration, toujours pour MC éditions à Tunis. Pour ce qui est du Rêve oriental (Tome I), je le propose aux éditeurs franco-belges. L'histoire est située parallèlement dans le Milan contemporain et dans le monde des morts de l'ancienne Égypte. Les personnages sont tous des étrangers à part l'héroïne… Mais avec cet album, mon regard a complètement changé, l'approche a évolué. Je suis plus critique sur mon style, plus sévère. Je fais très attention à la technique, à la narration, au contenu et au graphisme. Il faut se remettre en question, en particulier en matière de découpage. Dans le premier tome, Passion Rouge (La Revanche du Phénix), j'ai fait preuve de naïveté, malgré ma bonne volonté, en particulier pour rentrer dans le traitement des scènes spectaculaires. Je n'avais pas assez de technique, j'étais limitée graphiquement. À présent, je travaille beaucoup plus sur la couleur, le détail. Tout en maintenant la fraîcheur des traits, la vivacité des couleurs et la spontanéité de l'ambiance.

Quelles sont vos ambitions avec ces titres ?
Pouvoir publier une image différente de " nous ", les femmes arabes qui sommes souvent mal comprises ou mal perçues. Donner un exemple aussi. On a si peu de références en matière d'héroïnes BD. Pour moi, l'image de la femme est très importante. Dans mes histoires, beaucoup de mes personnages sont des femmes, que leurs rôles soient principaux ou secondaires. Mes héroïnes ne sont d'ailleurs pas typées. J'adore dessiner ces femmes belles, affranchies, fortes et fragiles à la fois mais aussi battantes et modernes, qui obtiennent ce qu'elles veulent et qui s'inspirent de la culture occidentale sans renoncer à leurs origines orientales. Point de rencontre entre la force et le charme, la femme est vraiment au centre de mon travail !

Comment ressentez-vous les difficultés liées à la BD en Tunisie ?
Tout cela me rend un peu triste. C'est le problème du lectorat en Tunisie. Les gens ne lisent pas beaucoup. Ce phénomène touche l'ensemble de l'édition, pas uniquement la BD. Et quand les gens achètent de la BD, c'est Titeuf, Tintin, Astérix… Que des classiques qui ont une grande popularité ! Mais il y a peu de vrais fans de BD en Tunisie où elle est encore peu reconnue. La majorité des gens pense encore que la BD reste destinée aux enfants. L'éditeur Apollonia a d'ailleurs arrêté de produire pour le moment. Il y a pourtant plein de dessinateurs dont quelques-uns ont des blogs comme Saif Eddine Nechi (2), mais aussi des scénaristes comme Tahar El Fazaa qui travaille pour Tunis hebdo et publie de très bons romans. Il a déjà connu le succès auprès du public avec une fiction télévisée intitulée Mahktoub dont il a écrit le scénario.Et puis il y a le problème de la distribution, nous sommes un petit pays et les éditeurs ont peur de prendre des risques, de foncer... Au final, je suis la seule femme à faire de la BD dans mon pays ! D'autres ont bien sûr fait les Beaux-arts, mais elles n'ont pas fait ce choix de carrière.

Ressentez-vous des affinités avec des auteurs en particulier ?
Disons que j'ai des auteurs favoris, des préférences, mais on ne peut parler réellement d'influences. Je lis très peu de BD et je ne suis pas une grande connaisseuse si on peut dire. Mais pour la construction du récit j'apprécie énormément le style graphique d'Ana Mirallès (Djinn), Enrico Marini (Le Scorpion), spécifiquement pour la narration et le genre, Juanjo Guarnido sublime dans Blacksad et Tsukasa Hojo pour son humour et son délicat mélange de styles dans City Hunter.

Source de l'article Afribd


(2) Son blog est sur [http://seifnechi.blogspot.com/]

Depuis octobre 2009 :
Gihèn a illustré deux contes pour enfants : Boipuso's de Hajer Zarrouk et Le lac des étoiles filantes de Marika Petruski. Elle a également réalisé des illustrations sur la révolution tunisienne pour Livret santé (Tunisie - magazine) et Folha de San Polo (Brésil - quotidien).
Passion rouge sort en pré-publication dans la revue tunisienne Tunivision. Le tome 2 est en cours de réalisation.
Elle participe également au projet multiculturel autour de la bande dessinée : bedeiste.com, avec l'écrivain et illustrateur Karim Mokhtar (visible sur [http://www.bedeiste.com/creators.php] )."