ouverture du "Mois sacré du ramadan", aux éditions BDoin. |
À quelques jours de la fin du ramadan, une BD militante, « Le Mois sacré du Ramadan », revient avec beaucoup d’humour et d’autodérision sur l’un des plus importants piliers de l’islam.
Rencontre avec le coauteur, Norédine Allam, qui espère bien sensibiliser ses coreligionnaires au respect du jeûne.
« Comme beaucoup de jeunes de quartier, j’ai été marqué par les hommes en blanc qui faisaient le rappel de la religion dans la rue », se souvient Norédine Allam, 32 ans, qui a grandi à Amiens (nord), où il vit encore. « Ce rappel était très, très sévère. Quand on ne voulait pas aller à la mosquée, on nous jugeait. Moi, on me traitait de toxico… Ça m’a énormément blessé », confie ce petit-fils de harki.
Planche n°7 du Mois sacré du ramadan. © Éditions BDouin |
Aujourd’hui, Allam est devenu dessinateur de BD et ne se fait plus prier pour se rendre à la mosquée. C’est même lui qui, désormais, bat le rappel. Mais à sa manière : en faisant des bulles « pour rapprocher les jeunes et les moins jeunes de la religion ». Sa société d’édition BDouin a ainsi sorti en juin Le Mois sacré du Ramadan, dont Allam a écrit les scénarios.
Premier tome de la série Muslim’Show, dédiée au quotidien des musulmans d’Occident, l’album est issu d’un concept militant. Il totalise 46 tranches de vie drôles, pédagogiques et parfois moralisatrices, avec quelques conseils pour observer le jeûne dans les règles.
« On ne peut pas diviser la religion et prendre seulement ce qu’on aime parce que la société française, ou une autre société, n’a pas été habituée aux traditions musulmanes et peut être choquée par certaines choses », prêche Allam, qui considère que le voile est un précepte religieux à respecter.
Plus de 9 000 exemplaires vendus
C'est pourquoi la plupart des musulmanes du Mois sacré du Ramadan sont voilées. Dans la rue, à la maison, et même dans les salles de classe… Pour Allam, rien que de très normal. Une position qui l’a conduit à bouder, en 2009, le prix « Talents des cités » que devait lui remettre la secrétaire d’État chargée de la Politique de la ville, Fadela Amara.
« Ma femme est voilée, et que [Fadela Amara] dise que toutes les femmes voilées sont soumises, je ne peux pas l’accepter ! Je lui ai dit : “À moins que vous ne vous excusiez auprès de ma femme, je ne suis pas près d’accepter quoi que ce soit ou de vous serrer la main”. Apparemment, elle n’avait pas envie de s’excuser… »
Fin août, deux mois après sa sortie, près de 9 000 exemplaires du Mois sacré du Ramadan ont été écoulés. Sur le site du Studio 2HB (qui a colorisé les 33 albums d’Astérix sous la direction de Allam), les commentaires des musulmans sont souvent emprunts de gratitude.
Déficit d’image positive
Planche n°9 du Mois sacré du ramadan.
© Éditions BDouin
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Greg Blondin, le dessinateur, se souvient du témoignage émouvant d’une lectrice : « Elle racontait à quel point elle était soulagée et heureuse de pouvoir rire d’elle même, et de voir enfin un regard positif et tendre posé sur l'islam... Ça m’a scotché, car je ne me rendais pas compte à quel point certains musulmans souffraient du déficit d'image positive de leur religion. »
À la surprise des auteurs, l’engouement pour la BD a dépassé le cercle des musulmans pour s’étendre à des lecteurs désireux de mieux connaître l’islam. La BD pour combattre l’islamophobie ? « Elle peut permettre d’avoir un autre regard sur l’islam, estime Philippe Ostermann, directeur général délégué chez Dargaud, distributeur-diffuseur de la série Muslim’Show. Mais il ne faut pas donner à un livre plus de pouvoir qu’il n’en a. C’est plus en éduquant qu’on résoudra ce type de problèmes. »
Quoi qu’il en soit, le succès du Mois sacré du Ramadan encourage le binôme Allam-Blondin à plancher sur le deuxième tome. Celui-ci, consacré au mariage, sera l’occasion de rectifier quelque peu le tir. « Dans le tome 1, on s’est servi des clichés des non-musulmans sur l’islam, explique Norédine Allam. Dans le prochain, les non-musulmans poseront des questions aux musulmans. Ça permettra d’avoir un échange. »
Par Habibou Brangé - Source de l'article Jeuneafrique
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