vendredi 18 octobre 2013

"J'ai 80 ans, mais j'ai toujours des projets."

Il est rare de rencontrer un précurseur dans le domaine du 9e art. En Algérie, le premier auteur de BD est Mohamed Aram (1933) qui, en 1967, publia la première série BD de l'histoire de son pays. Rencontre lors du 6e Festival International de la Bande Dessinée d'Alger (FIFDA), sur le stand de la maison d'édition créée par sa fille, MIP-design.

Extrait de Naâr, une sirène à Sidi Ferruch - © DR
C'est vrai ce que l'on dit, le papa de la BD algérienne, c'est vous ?

J'ai en effet débuté dans la BD avec Nâar, une sirène à Sidi Ferruch, ma première histoire longue. C'était en 1967 dans l'hebdomadaire Algérie Actualités. La parution de la série a duré plus de sept mois. C'était la première BD publiée en Algérie, ce qui fait que maintenant quand on parle de BD algérienne, on pense à moi.

Nâar, une sirène à Sidi Ferruch a une fin étrange…

En fait, il manque l'équivalent de deux pages. Chaque parution étant composée d'un strip de six cases, cela représentait environ deux semaines de publication en plus. En fait, Slim avait proposé à Algérie Actualités une BD sur la guerre de libération nationale. L'hebdomadaire avait hâte de publier cette histoire qui sera d'ailleurs publiée plus tard en album sous le titre Moustache et les frères Belkacem. Alors, une histoire de science-fiction comme était Naâr contre une histoire de la guerre de libération, cela n'a pas tenu la distance. Les responsables n'ont pas voulu attendre deux semaines de plus et ont écourté mon histoire. C'est ce qui a donné cette impression bizarre dans la fin de ma série. Aucune volonté de ma part !

C'était votre première publication ?

Non, en fait, en 1965, je travaillais déjà pour la revue de la police : Police secours. Je faisais des planches et des strips qui illustraient des faits-divers de l'époque. Je me souviens de l'une de ces histoires, un policier qui s'était fait voler sa mitraillette.

Vous avez fait une formation en beaux-arts, je crois…

Oui, c'était dans les années 1945 - 1946. En fait, tout est parti d'une Française, Mme Dalmattou, la femme d'un pilote. Elle a découvert que je dessinais au charbon sur les murs de sa maison. C'était des têtes de cow-boy, avec des traits d'acteurs connus de l'époque. Elle est allée voir mon père et lui a dit que j'avais un don pour le dessin. Mon père a refusé dans un premier temps car il y avait un clochard dans notre quartier qui dessinait très bien. Il avait fait l'amalgame entre le dessin et le destin de ce monsieur. Puis il a cédé.

Comment a commencé votre goût pour le dessin ?

Mon père avait des moutons. Souvent, très jeune, j'accompagnais le berger en charge du troupeau. Un jour, je suis tombé par hasard sur une feuille de couleur où était écrit "Imprimez vos propres documents chez vous". C'était une publicité de la société Nardigraf. Je leur ai écrit et j'ai reçu un colis. J'ai fait ma première BD, à l'âge de 12 ans Un homme avec son fils font naufrage avec son yacht dans le Pacifique suite à une tempête. Ils échouent sur une île où vivent des indigènes dirigés par une femme blanche.

Et ensuite ?

Ensuite, ce fut la guerre d'Algérie. Le vide. On ne pouvait rien faire pour ne pas être accusé de distribuer des tracts. Pendant ce laps de temps, j'ai travaillé à la boucherie de mon père. Puis, tout a redémarré avec l'indépendance.

Donc, votre carrière commence en 1962 ?

Oui, mais pas en matière de BD. Cette année-là, je postule à la télévision nationale comme décorateur. La concurrence était féroce, alors on m'a pris comme accessoiriste et j'ai commencé à travailler. J'y ai découvert par hasard une bibliothèque pleine de livres dont un en particulier : Comment faire un dessin animé ? Je l'ai lu puis j'ai emprunté une caméra 16 mm et j'ai commencé à créer des petits films animés. Je faisais des petits gags sous forme de dessins animés, image par image pour illustrer les lettres de l'alphabet. Il faut savoir qu'à cette époque, la population était analphabète à 80 %, alors pour faire passer des messages à la télévision il fallait beaucoup passer par l'image.

Vous avez donc été aussi précurseur en matière de dessins animés…

Oui, mon travail a été présenté au Directeur général et mon petit film a été diffusé en même temps qu'un documentaire. Je me souviens ce dessin animé, il m'a coûté 729 dessins, le mouvement, c'est beaucoup de dessins… Le directeur général s'était même étonné et m'avait demandé : "c'est beaucoup, peut-on l'imprimer ?"


Vous avez travaillé longtemps pour la télévision ?

Ah, mais jusqu'à ma retraite ! En parallèle à l'illustration et à la bande dessinée. Je me suis occupé des bancs - titres de la télévision nationale en tant qu'opérateur pendant trente ans ! En dehors de ma production d'ouvrages, c'est aussi une source de fierté.

Vous avez également illustré des ouvrages pour la jeunesse ?

Oui, pour la Société nationale d'édition, une quarantaine d'albums jeunesse, à partir de 6 ans. J'ai pu construire ma maison grâce à ça. À partie de 1972, ce fut l'aventure du journal Guenifeld, qui veut dire écureuil en arabe. Cela a duré 28 numéros, jusqu'en 1978. Je l'ai fait en tant que fonctionnaire de la télévision nationale.

C'est-à-dire ?

À cette époque, il n'y avait qu'un seul parti, le parti unique était le FLN. Celui-ci avait une organisation qui s'appelait la jeunesse du FLN. Je suis allé les voir pour leur dire qu'il fallait plus parler à la jeunesse de la guerre de libération nationale. J'ai donc commencé avec d'autres dessinateurs cette revue qui était une revue gouvernementale pour la jeunesse. Chaque numéro avait une page de jeux, une page éducative, une histoire de l'Algérie…

Mais la télévision nationale n'a pas financé cette revue ?

Non, absolument pas ! J'ai fait mes BD et illustrations en parallèle à mon travail là-bas. À la télé, on n'avait même pas de budget pour faire des dessins animés, ni même d'équipes dédiées. Sans manquer de respect à qui que ce soit, ils payaient les femmes de ménages mieux que nous qui faisions de la télé.

Vous avez aussi travaillé pour M'quidech(1)…

Oui, dès 1969. Le responsable cherchait des auteurs pour un journal pour les enfants, j'ai fait partie de la première fournée. J'ai proposé quelques BD jusqu'à la fin du journal. Il y avait en particulier les histoires de Douïeb, un loup affamé, voleur et menteur qui perd à chaque fois la partie mais aussi les aventures de Rogga, une sorte de Tarzan. J'ai aussi travaillé pour d'autres revues comme Châaba, un média du nouveau FLN.

Quand avez-vous commencé à faire des dessins animés pour vous-même ?

À la retraite en 1994, je suis parti avec 24 mois de salaires. Avec ce montant, j'ai pu acheter du matériel informatique et là, j'ai enfin pu commencer à travailler et faire ce que j'aimais. Résultat, depuis 1995, j'ai produit plus de 80 dessins animés ! Mon astuce est de proposer le film avec la BD, dans le même emballage. Je capture les images, je rajoute des phylactères. Je grave le dessin animé sur un Cd que je distribue avec le petit fascicule - BD issu du film. Cela a donné ma dernière production, Les aventures de Seroîn, qui est présenté à l'occasion du FIBDA. La télévision n'a pas voulu de ma production, mais c'est pas grave.

Vos films parlent de quoi ?

De beaucoup de choses, c'est très varié. Il y a une série sur la prévention routière, sur la vie quotidienne. Mon objectif est de faire quelque chose sur l'histoire de l'Algérie. Partir de l'époque des romains ou même avant, de la prise de Carthage, de l'arrivée des Phéniciens… Parler également de la vie dans le sud. Il me faut beaucoup de documentations sur les habits, les bateaux, etc.

Et l'avenir, justement ?

J'ai 80 ans, mais j'ai toujours des projets. J'ai cédé l'ensemble de mes droits à ma fille, c'est elle qui gère maintenant. Je peux me consacrer à l'aspect artistique. Quand je serai mort, c'est elle qui sera propriétaire. Pour moi, la BD toute seule, c'est fini, pas à cause de mon âge, non ! Mais parce que ce n'est plus comme avant, les journaux algériens ne s'intéressent plus à la BD. Alors, je mène ma barque de mon côté.

(1) M'quidech est la première revue de bande dessinée d'Afrique avec Jeunes pour jeunes. Les deux commenceront la même année (1969) et s'éteindront également dans les années 70.

Entretien de Christophe Cassiau-Haurie avec Mohamed Aram - Source de l'article Afribd

mercredi 16 octobre 2013

Le Tombeau perdu d’Alexandre le Grand : Exposition de planches de BD

Le Tombeau perdu d’Alexandre le Grand : Exposition de planches de BD et animations à l’IFE d’Alexandrie du 3 octobre au 3 novembre
Lire, apprendre, s’éveiller mais aussi s’évader autour d’un thème aussi bien passionnant qu’énigmatique, c’est ce que vous propose l’IFE d’Alexandrie du 3 octobre au 3 novembre.
Durant un mois le hall de l’Institut Français expose les planches originales de la Bande dessinée « le tombeau perdu d’Alexandre » de Gilles Kraemer. Ce sera l’occasion pour les enfants comme pour les adultes de participer à un jeu interactif, conçu pour mieux connaître la ville d’Alexandrie et imaginer le tombeau d’Alexandre.
Pendant toute la durée de l’exposition, des animations, jeux de pistes et ateliers de journalisme avec Gilles Kreamer lui-même, seront proposés par l’équipe pédagogique du Centre d’Etudes Alexandrines, partenaire de l’opération.
Lumière sur « le tombeau perdu d’Alexandre Le Grand » et son auteur Gilles Kraemer:
Le célèbre reporter Omar le Chéri, sorte de Tintin égyptien bien connu des lecteurs de la presse francophone, décide de passer ses vacances dans la belle ville d’Alexandrie lorsqu’il se trouve aussitôt impliqué dans la quête archéologique la plus passionnante à ce jour : la recherche du tombeau perdu d’Alexandre le Grand.
Flanqué d’un archéologue égyptien et d’un homme d’affaires allemand, il mène une enquête pleine de rebondissements qui offre une découverte des merveilles de l’Alexandrie d’hier et d’aujourd’hui : des catacombes de Kom El Chougafa à la mosquée Nabi Daniel en passant bien sûr par la majestueuse villa italienne qui abrite encore l’Institut français.

Omar le-Chéri, le héros de l’histoire, est un jeune journaliste égyptien francophone dont le nom est un clin d’œil au grand acteur de cinéma de réputation mondiale : Omar Sharif (Omar el-Sharif en arabe). Il est apparu en 1991 dans les pages « jeunesse » du quotidien francophone Le Progrès égyptien, qui paraît au Caire depuis plus de cent ans. Il a depuis 1997 donné son nom à une association qui anime des ateliers d’écriture journalistique et de blogs auprès des jeunes de la Méditerranée (www.omarlecheri.net et http://www.omarlecheri.net/bd/ )

A découvrir sur Histoire pour tous
Gilles Kraemer est l’auteur de la bande dessinée. Il est également journaliste, chercheur en sciences de l’information, directeur du Centre d’Etudes Alexandrines et responsable-adjoint de la coopération internationale au Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ) de Paris.
Pour en savoir plus sur l’auteur et son oeuvre, rendez-vous jeudi 3 octobre à 19 h à l’IFE d’Alexandrie pour une rencontre entre Gilles Kraemer et Jean-Yves Empereur suivi d’un échange avec le public, à l’occasion de l’inauguration cette exposition.
Renseignements :

accueil.alex@institutfrancais-egypte.com
03 39 18 952
Service Pédagogique du Centre d’Etudes Alexandrines
03-3913262, EXT: 1401-1407
service.pedagogique@cea.com.eg

mardi 15 octobre 2013

Boxy et Cony par CGS 3D & Real Dream


CGS 3D & Real Dream présentent leur nouveau concept  avec deux petits personnages Boxy et Cony pour apprendre aux  enfants les couleurs, les chiffres, les lettres ...etc 



lundi 14 octobre 2013

Une expo sur BD et immigration : Aya, Superman, Marjane et les autres

"Albums, Un siècle d'immigration dans la Bande dessinée"
"Albums, Un siècle d'immigration dans la Bande dessinée"  © Musée de l'histoire de l'immigration
Astérix, le plus gaulois des personnages de bande dessinée, a été créé par deux enfants d'immigrés. Née de ce constat, l'exposition "Albums", qui ouvre mercredi au Musée de l'histoire de l'immigration, se penche pour la première fois sur les liens entre immigration et 9e art.

Deux cents pièces et documents originaux, planches, esquisses et croquis préparatoires, films d’animation, entretiens filmés et autres photographies et documents d’archives sont rassemblées dans cette exposition dédiée au phénomène migratoire dans la bande dessinée. L'exposition ouvre ses portes mercredi et dure jusqu'au 27 avril au Palais de la Porte Dorée à Paris.

"Albums est une exposition d’histoires"
Histoires des auteurs d’origine italienne, sénégalaise, algérienne, portugaise ou vietnamienne venus vivre et travailler en France mais aussi histoires des émigrés ou fils d'immigrés européens partis au début du siècle aux États-Unis tels que Georges McManus ou plus tard Goscinny et qui ont contribué à créer un 9ème art.
René Goscinny et Albert Uderzo dans les années 70
René Goscinny et Albert Uderzo dans les années 70 © Staff / AFP
"Au moment du débat sur l'identité nationale, en 2010, lors d'une réunion, on s'est dit que le symbole de la mentalité française était Astérix", raconte Luc Gruson, directeur général du musée. Pourtant, les inventeurs du petit héros moustachu et colérique sont des purs produits de l'immigration: René Goscinny est né en France de parents juifs polonais avant de passer une partie de son enfance en Argentine et de sa jeunesse aux Etats-Unis. Quant à Albert Uderzo, il est d'origine italienne.

"Comment ont-ils si bien pu incarner la France ?",
C'est ce que se sont demandé les participants à la réunion, qui ont alors l'idée de l'exposition, se rappelle Luc Gruson. "Plus on creusait le sujet, plus on trouvait que ça avait beaucoup de sens". Trois commissaires scientifiques et une conservatrice se mettent alors au travail. Ils se lancent dans des recherches, font des acquisitions (52 planches et dessins originaux ont été achetés par le musée), empruntent des planches, des esquisses et des dessins préparatoires.

Le parcours de l'exposition commence par une série de "bulles" consacrées à onze auteurs issus de l'immigration, dont Goscinny, Enki Bilal (son père était le tailleur de Tito) ou Marjane Satrapi, qui a fait le récit de  la révolution iranienne et son exil en Europe dans "Persépolis". Pour Luc Gruson, ce n'est "pas un hasard" si de nombreux auteurs viennent de l'étranger. "La BD est souvent considérée comme un art mineur, et est donc pratiquée par des gens pas installés socialement"

Persepolis
© Marjane Satrapi
Superman le super-exilé 
La seconde partie envisage "les enjeux de la représentation d’une question sensible" et le choix des genres utilisés : de l’auto-fiction à la BD-reportage. Elle détaille les sources de documentation, les références visuelles et les différentes ébauches nécessaires à l’élaboration de la planche de bande dessiné, revient sur les différents styles empruntés pour traiter du sujet.

La troisième partie de l'exposition envisage images et archétypes de la figure du migrant. Comme tout langage, la bande dessinée, depuis ses débuts, construit des images et archétypes de la figure de l’émigré. Les commissaires relèvent, analysent, questionnent les œuvres à travers les diverses migrations et explorent l'écriture graphique basée sur des représentations communes. L’exposition "s’attarde ainsi sur la fabrique de la bande dessinée".

"Au début du 20e siècle, la BD était faite avant tout pour distraire, donc l'immigré était un personnage rigolo", souligne Hélène Bouillon, commissaire muséographique. Le premier est né en 1913 sous le crayon de George McManus dans les albums "la famille illico". Jiggs, un maçon irlandais, qui a fait fortune aux Etats-Unis, désespère son épouse avec ses mauvaises manières, alors qu'elle n'aspire qu'à pénétrer la haute société américaine...

La famille Illico 
© MAc Manus
Sous l'influence du cinéma, d'autres styles émergent (western dans les Lucky Luke, où l'étranger n'est jamais le bienvenu), science-fiction (Superman est un exilé de la planète Krypton), etc. A partir des années 60/70, la bande dessinée devient plus intime. Plus tard, elle prend souvent une forme autobiographique que l'on appelle autofiction. La jolie Ivoirienne "Aya de Yopougon" est un peu le double de Marguerite Abouet, "Petit Polio" celui de Farid Boudjellal.
Aya de Yopougon, Marguerite Abouet 
© Clément Ombrerie
La BD militante
Dans les années 80, la BD devient aussi militante, dénonce les naufrages en mer ("Une Eternité à Tanger" de Faustin Titi), les ratonnades, les contrôles d'identité... Depuis peu, elle emprunte aussi les techniques du reportage. "Avec le temps, elle est devenue de plus en plus un médium de réflexion, qui sert à ouvrir les esprits", commente Hélène Bouillon.
Une éternité à Tanger, Eyoum Ngangué 
© Faustin Titi
Mais quel que soit le style retenu et les personnages choisis, "c'est toujours un peu la même histoire", ajoute la conservatrice. Toutes les bandes dessinées sur l'immigration racontent "le déchirement du départ, les dangers du voyage, les difficultés pour se faire accepter et les aller/retour incessants entre les deux pays".
Source de l'article Culturebox FranceTV