mardi 24 avril 2018

Quand la bande dessinée libanaise se redessine en terres françaises


La bédé à la croisée des arts, autour de la ville de Beyrouth : tel est le défi proposé en France à plusieurs artistes libanais, qui avaient carte blanche pour débrider leur créativité. 

Le Liban était l’invité phare cette année du festival Pulp qui se déroule chaque année, en avril, à la la ferme du Buisson, située en région parisienne. Un espace intitulé Beirut Strip Extended a accueilli les œuvres des artistes Alex Baladi, Sandra Ghosn, Joseph Kai, Mazen Kerbaj, Raphaelle Macaron, Barrack Rima , Jana Traboulsi et Lamia Ziadé, ainsi que le collectif Samandal Comics. De surcroît, le prix du public PULP a été décerné à l’auteure et dessinatrice libanaise Michèle Standjofski pour sa BD Toutes les mers, aux éditions Ronds dans l’O.

Des installations personnelles et inédites 

Beirut Strip Extended se présente comme la première exposition en France consacrée à la BD libanaise. Les auteurs sont directement issus du monde de la BD, ou alors ils pratiquent des disciplines convexes. Ils ont tous un lien avec le Liban mais certains habitent Bruxelles, Paris ou Berlin. Leurs œuvres étaient exhibées dans l’espace des écuries de la ferme du Buisson : « L’idée est de présenter des artistes sans proposer une approche thématique ou chronologique, le visiteur passe d’un box à l’autre et établit librement des liens entre eux. Nos retours vont dans ce sens et nous sommes contents du résultat », confie David Russel, le commissaire de l’exposition.

Sandra Ghosn, l’une des exposantes, explique la perspective commune aux artistes : « Dans ce projet, nous interrogeons les modes de narration dessinée et élaborons des croisements entre l’illustration, la littérature, l’art contemporain, la musique ou le cinéma. » L’œuvre qu’elle propose, No Clouds at All, jouxte celle de Joseph Kai, Sissies, qui alterne textes et dessins. L’installation de l’ancienne élève de Michèle Standjofski est fondée sur deux images : « J’ai imaginé une installation avec un champ et un contre-champ. L’espace visible présente un paysage spectaculaire de côte méditerranéenne ; les dessins créés à la plume sont dissimulés par une porte et expriment un univers onirique et irréel. C’est une coexistence entre la vitrine et l’inconscient, qu’on peut aussi appeler mémoire. » Le tout baigne dans une lumière bleue et renforce l’effet de flottement.


Raphaëlle Macaron joue elle aussi sur des contrastes saisissants dans Hôtel Soleil, où elle s’inspire des images touristiques grandioses des hôtels beyrouthins des années 50 et de la guerre des hôtels pendant la guerre civile. Une bande sonore enrichit la circulation du regard entre affiches publicitaires et planches de BD.

Autre confrontation encore plus insolite : celle de Raouché et du Cervin (montagne suisse). L’artiste Alex Baladi explique le titre de son œuvre Le Secret : « J’ai choisi les lieux iconiques de mes deux pays d’origine. En dessous de Raouché, il y a des racines, car mon attachement à ma famille paternelle est très fort ; mais j’ai grandi en Suisse et, sous le Cervin, j’ai dessiné des branches. Entre les deux : la mer. Elle représente le secret, bancaire et familial, et tout un univers intérieur aux références obscures, illisibles pour le visiteur. » 

Avec Intérieur Extérieur, Barrack Rima explore également la double polarité du réel en créant des points cardinaux imaginaires : l’intime, le poétique et le mystique, le divin, le diabolique… Quant à Jana Traboulsi, elle choisit à travers Insomnie de plonger le visiteur dans les méandres d’un sommeil capricieux et torturé, peuplé de mots et de motifs en suspension. Enfin, Ma très grande mélancolie arabe, de Lamia Ziadé, aborde la littérature graphique avec des supports variables : paysages, bouteilles de whisky, paquets de cigarettes, slogans… La dimension joyeuse et colorée contraste avec une réalité cruelle.

« Moderne, expérimentale et contemporaine » 

Si David Russel a choisi de mettre à l’honneur la scène libanaise de la BD, ce n’est pas un hasard. « Il y a une tradition de la BD au Liban depuis les années 60. C’est avec Jad Khoury, dans les années 80, qu’elle évolue vers un langage adulte et novateur. La génération des années 2 000 prolonge ce travail et propose un mode de narration d’emblée créateur, hybride et contemporain. Par exemple, Mazen Kerbaj est un pionnier de cette scène ; son écriture est d’emblée expérimentale. » Pour Beirut Srip Extended, ce dernier présente Un an, qui correspond à un défi qu’il s’est lancé en 2012 : faire un dessin par jour sur un agenda. D’où 382 dessins utilisant des techniques variées, traitant de sujets divers : les voyages, les soirées dans les bars de Beyrouth, les affres du « freelance », la guerre en Syrie…

Le collectif Samandal, également invité par le festival, est, selon Russel, emblématique d’une ouverture culturelle fondatrice : « À l’ origine, ce sont des artistes graphistes et leur culture de la BD n’est pas franco-belge mais internationale : américaine, japonaise, avec l’héritage arabe moderne en plus. Dans les années 2 000, ce magazine se lance et a une ambition esthétique internationale aussi bien pour sa sélection que pour sa réception. Ils font appel à des artistes de tous les horizons. La revue est trilingue, c’est une spécificité libanaise d’évoluer autour de trois cultures. » 

Ainsi que sur plusieurs continents, pourrait-on ajouter.

Par Joséphine HOBEIKA - Source de l'article l'Orient le Jour
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Teddy Kossoko, ou quand l'Afrique s'invite dans le jeu vidéo


Défendre une Afrique vidéoludique : la partie était loin d’être gagnée, Teddy Kossoko y est arrivé. Portrait d'un jeune entrepreneur pour qui le jeu vidéo est avant tout une histoire que l'on se raconte au coin du feu.


Croyez-le ou non, mais "le plus vieux jeu du monde" est disponible sur votre smartphone depuis le 17 février. Si si. Il s'agit du Kissoro, jeu de plateau ancestral de la culture africaine, adapté au monde numérique par un entrepreneur à l'imagination fertile. La verve enjouée et chaleureuse, soufflant ses mots avec assurance et passion, Teddy Kossoko a en lui la niaque débordante du "jeune kinenveut" - du genre à ponctuer ses envolées optimistes par des spontanés "c'est un truc de ouf". 
23 ans au compteur, à peine sorti de ses études et déjà un pied dans l’industrie du vidéoludisme, ce diplômé en informatique souhaite nous familiariser avec l'histoire de son pays en lui attribuant les logiques du gameplay. A l'heure de Black Panther, pop culture et légendes africaines n'ont jamais fait aussi bon ménage.

"Les occidentaux méconnaissent le continent africain"

"Si je devais définir ce premier projet qu'est Kissoro, je dirais qu’il m’est venu par bifurcations" hésite Teddy au bout du fil. Un bien joli mot pour résumer le parcours de cet autodidacte frondeur, débarqué dans l'Hexagone en 2012 après avoir passé son enfance en Centrafrique. Si après son DUT Teddy décolle sur Toulouse pour suivre un Master en informatique, l'enseignement qu'il tire de ses flâneries dépasse le cadre académique. 
"C'est en arrivant en France que j'ai compris que le jeu vidéo n’était pas qu'une activité mais une passion globale à l'impact inouï" résume-t-il. Celui qui ne s'était jusqu’alors abîmé les pouces que sur Pro Evolution Soccer et Fifa décide durant son Master d'abandonner un vague projet de logiciel pour entamer une belle aventure de quatre ans : Kissoro. Pour ce tout premier jeu vidéo, Teddy souhaite bousculer la culture des geeks occidentaux en s’appropriant l'un des jeux de plateau phares du continent africain, "auquel tout le monde joue, surtout la classe populaire". 
Sur le papier, une simple ritournelle - récupérer tous les pions de l'adversaire pour l'empêcher de se déplacer et le faire échouer - malicieusement déclinée à la sauce vidéoludique, entre modes Campagne, Challenge et Conquête, affrontements de Boss, duels en ligne, stratégies en équipes et défis avec limite de temps imparti.

Son astuce ? "Penser le jeu comme le ferait un non-joueur". Néophyte du joystick, Teddy s’est nerdisé en explorant les forums spécialisés et les playlists de tutos vidéos, avant de trouver deux graphistes et de faire tester la bête à son entourage - l’idéal pour corriger ses erreurs, griffer des plans et peaufiner. Les douze premiers mois de gestation le laissent à terre, face à l'ampleur d'un projet auquel personne ne croit. Mais le bouche à oreille aidant, le stakhanoviste finit par présenter son ébauche dans les festivals : récompensé à la Geek Touch à Lyon et lauréat d'un Tongolo Awards, le projet s’achève après deux ans de bidouille grâce à l'aide financière du CROUS toulousain et un crowdfunding Ulule. Si aujourd'hui son tribal game aligne sept mille téléchargements sur plateformes mobiles, c’est parce qu’il comble un sérieux fossé.


A son niveau, Teddy s’immisce dans la lignée de ceux qui ont fait le jeu vidéo en Afrique, de la création de Celestial Games en 1994 à l'ambitieuse saga d’héroic fantasy camerounaise Aurion, fruit de dix ans de développement acharné dans les locaux de Kiro’o Games, en passant par l'implantation d’Ubisoft Casablanca - qui fermera ses portes en juin 2016. Si cette petite histoire trop méconnue du gaming le captive, le jeune homme déplore "l’absence de l’Afrique dans les jeux vidéo mainstream". Il l'affirme sans filtre, cela va de pair avec "l'ignorance des occidentaux, qui ne la connaissent la Centrafrique que par le biais des journaux qui relatent ses crises". Avec Kissoro, il est bien déterminé à la faire rentrer dans la partie.

"Le jeu vidéo est un outil de remise en question !"


"Meme si l'on trouve des petits studios en Côte d'Ivoire, la culture geek peine à exister en Afrique. C'est très compliqué de vivre du jeu vidéo : le pouvoir d’achat est faible dans ces territoires-là, mais surtout, les gens ont une très mauvaise image du gaming" m'explique Teddy au téléphone. Ironie ou non, c'était déjà le cas du Kissoro originel, qu'on pourrait presque considérer comme le Ouija du continent africain. "On l'associe à plein de superstitions : si tu y joues, tu risques de perdre ton emploi, accumuler la malchance, te ruiner. Mes parents m’ont dit de laisser tomber : “ce jeu est maudit, ca te portera préjudice !”. Ils refusaient de me l'envoyer. C’est un truc de malade !" s'esclaffe-t-il avec le ton de celui qui sait. Cette sale réputation, il en fait un symbole d'union. Kissoro nous met dans la peau d’un orphelin qui souhaite sauver son royaume de la guerre. Pour cela, il doit remporter un tournoi. Le ludisme devient dès lors le moyen de résolution de tous les conflits. "Le jeu vidéo est révélateur d'une époque où, malgré les drames et les polémiques, les gens tendent à s’ouvrir aux autres" observe-t-il. S'il se sert du "plus vieux jeu du monde", c'est finalement pour laisser filtrer à travers les pixels une réalité bien présente.


Car pour Teddy, le ludique, c'est politique. On le devine lorsqu'il émet des réserves quant au mastodonte afro-friqué Black Panther, dont il salue le succès sans pour autant s'extasier face à ce qui ressemble un peu trop à un exercice de dépossession culturelle - "je n’aimerais pas que nos mythes soient réappropriées dans des séries de films occidentaux uniformes" me confesse celui qui du haut de ses vingt trois printemps rêve déjà de "créer des univers alternatifs assez puissants pour concurrencer Marvel !". De cette culture occidentale, Teddy rejette les topos post-coloniaux. Pas question de résumer l'Afrique à une zone belliciste (celle des Medal of Honor et des Call of Duty) ou à une grosse savane pour safaris (indice : tous les jeux avec "safari" dans le titre). Non, car plutôt que de penser le joueur en consommateur d'images (d’Épinal), Teddy l'imagine en empêcheur de tourner en rond.
«Le jeux vidéo exige un recul de la part de ceux qui y jouent. C'est un outil de contestation qui t’oblige à remettre en question tes choix et les situations dans lesquelles tu te retrouves. Cette faculté qu’ont les jeux vidéo à te propose une multiplicité de solutions dans un système donné, les autorités en ont peur, car elle est subversive»
"La jeunesse africaine est somnolente"


Loin de croire que le jeu vidéo rend amorphe, le toulousain l'envisage en éveil des consciences, m'assure-t-il :
«La jeunesse africaine est forte mais c'est une jeunesse fracturée, en manque d’histoire, et donc d'identité. elle croule sous le poids du colonialisme, ce passé qui a détruit les mentalités. C'est comme s'il n’y avait rien eu avant. C'est ce qui la rend somnolente. Elle dort. Pour la réveiller, il suffit juste de l'embarquer dans un monde différent»
Pour trouver ce "monde différent", Teddy a plusieurs projets. L'un d'entre eux sera une enquête en point & click à base de voyage dans le temps, supervisé par des historiens et blindé "de grigris, fétiches et totems de la culture africaine". Car, explique-t-il, "Tu peux croire que c'est un cliché, et pourtant j'ai grandi avec les contes locaux que l'on te narre le soir au coin du feu dans les villages...et rien que d’en reparler là, ça me manque" s'amuse-t-il. S'il pourchasse l'innovation, ces souvenirs ne sont jamais loin: "le jeu vidéo est un medium de transmission et de partage, qui fait rêver, quelque chose de beau et d'humain. L'air de rien, on en revient aux histoires au coin du feu...". 

Par Clément Arbrun - Source de l'article Lesinrocks

vendredi 20 avril 2018

Bande dessinée : cahier d’un départ du pays natal


La chronique BD de Kidi Bebey. Dans « Un voyage sans retour », l’auteur camerounais Gaspard Njock raconte les désillusions d’un migrant en Italie.

Chronique. Après une traversée de tous les dangers, des migrants font naufrage au large de l’Italie. Quand leur embarcation chavire, c’est la panique. Nombreux sont ceux qui disparaissent, happés par le gouffre aquatique. Quelques-uns sont repêchés in extremis par un bateau de garde-côtes qui les emmène sur l’île de Lampedusa.

Parmi les rescapés se trouve Malik, un jeune homme frêle, trop légèrement vêtu d’un short, d’une chemisette et de simples sandales. Les yeux encore emplis d’épouvante, il avance, mâchoire serrée, vers son destin. Pour lui, dès ses premiers pas sur la terre ferme, le futur s’annonce amer. Car le jeune garçon se confronte à la raideur des hommes en uniforme et à la dureté d’une administration qui place les arrivants en zones de rétention.

Lorsque Malik parvient à échapper à ce cantonnement, c’est par une solitude sans nom qu’il doit payer la rançon de sa liberté. En passionné de cinéma, il rêvait d’un avenir en technicolor, mais il découvre que certains rêves s’avèrent de mauvais films teintés de sépia. Comment ne pas penser alors avec nostalgie aux couleurs du pays laissé derrière soi ? Vu de loin, il n’est plus que fantasias chatoyantes, marchés traditionnels et dolce vita.Mais le voyage a fermé des portes derrière Malik. D’autres s’ouvriront-elles devant lui ?

« Fantasme absolu »

« L’Europe est devenue le fantasme absolu de trop nombreux jeunes qui n’arrivent plus à se projeter chez eux. C’est ainsi que je m’explique qu’on puisse être capable à 16 ans de tout quitter en laissant derrière soi une famille, des amis, un toit et en prenant des risques extrêmes, tout ça pour essayer de connaître autre chose que l’on croit mieux… », explique l’auteur et illustrateur Gaspard Njock. Il lui aura fallu dix ans pour mettre la bulle finale à ce Voyage sans retour.

Gaspard Njock n’a pas vécu le destin de Malik, même si au Cameroun, lorsqu’il était adolescent, le désir d’un ailleurs le tenaillait parfois comme un fantasme. « Entre potes, au quartier, on parlait de partir. Autour de nous, ça pullulait d’exemples de ce qu’il fallait faire pour rater sa vie… » New Bell, son quartier natal à Douala, mélange trépidant de bars mal famés et d’espaces interlopes, regorge sans aucun doute de « débrouillards » de toutes sortes. « Moi, j’ai grandi au sein d’une famille modeste, raconte Gaspard Njock. Ma mère était ménagère et mon père simple tailleur. J’adorais sa façon de faire naître des vêtements entre ses mains. Il rêvait les yeux ouverts et c’est ce qu’il m’a appris. Il me disait toujours : “Tout ce que tu veux vraiment, tu peux faire que ça arrive”. »

Pendant que papa coud, Gaspard dessine, lit, étudie et se repaît des bandes dessinées qui lui passent entre les mains. Après son bac, il s’inscrit à la fac de médecine mais assiste également, en curieux, aux réunions de Traits noirs, une association d’illustrateurs camerounais. Un jour, il participe à un concours de dessin. Bingo ! On lui propose une bourse d’étude à la Scuola Romana dei Fumetti, la prestigieuse école italienne de bande dessinée. Après trois ans d’hésitation familiale, en 2008, Gaspard Njock prend finalement l’avion pour Rome. Il a 21 ans.

« Faire l’aventure »

Après un premier album signé d’un scénariste italien paraît enfin, début 2018, Un voyage sans retour, qu’il a entièrement écrit et dessiné. Entre-temps, il a eu la tristesse de voir un très proche ami partir « faire l’aventure » ainsi qu’une cousine enceinte, qui y a, elle, perdu la vie.

« Je portais cette histoire, mais j’ai mis du temps à savoir ce que je voulais dire. Je n’avais pas envie de raconter encore une fois une traversée tragique. D’ailleurs, elle tient en très peu de pages dans la BD. Avant tout, je voulais poser des questions. Est-ce que risquer la mort est vraiment choisir sa vie ? Comment donner de la valeur à ce qu’on a autour de soi pour qu’on ne s’en aperçoive pas seulement une fois qu’on est au loin ? Je me demande aussi si on est vraiment maître de ses choix ou si le hasard et la chance ne font pas tout, car le départ ferme des portes derrière soi, mais devant il n’en ouvre pas toujours… Au fond, je n’ai pas vraiment de réponses… »

Et c’est tout le charme de cette BD dont le héros ouvre sur le monde de grands yeux étonnés, curieux et naïfs. De son trait vigoureux, adouci par l’aquarelle, Gaspard Njock nous rappelle que la vie n’est pas toujours un songe et que la réalité peut dépasser, souvent, la fiction.

Par Kidi Bebey - Source de l'article Le Monde Afrique

Un voyage sans retour, de Gaspard Njock, éditions Nouveau Monde, 104 pages.



samedi 14 avril 2018

Côte d'Ivoire: Lancement d'Orange Gaming Tour pour les adeptes de jeux vidéos

E-sport et jeux vidéo: OCI lance sa plateforme « Orange Gaming »

Samedi 14 avril 2018 – Passé l'expérience du festival de l'électronique et du jeu vidéo (FEJA) qu'elle a parrainée, l'entreprise Orange-Ci remet le couvert avec une nouvelle aventure de jeux vidéos regroupant tous les talents nationaux.

"Orange gaming tour 2018"; la compétition e-sport dont il s'agit. Jeudi matin à Marcory, son lancement s'est fait en présence des professionnels du domaine, des partenaires et de la presse, comme constaté sur place par Koaci.com.

À l'affiche deux jeux de football (fifa 2018 et pes 18) et deux jeux de combats (street fighter et teken 7) pour les compétiteurs. L "Orange gaming tour" sillonnera d'abord d'avril à juin, trois communes d'Abidjan (Cocody 28 avril, Marcory 19 mai, Yopougon 16juin) et trois villes du pays (Bouaké 05mai, San pedro 26mai, Yakro 09juin) à la recherche de talents.
" En 2018, nous voulons affirmer le positionnement d'Orange-Ci comme la marque au cœur du quotidien de ses clients. Et cela passe par une forte présence en e-sport " s'est exprimée à cette oocasion Fanta Sidibié, la directrice de la communication externe d'Orangeci.

Au terme de la grande finale prévue le 30 juin à Abidjan, les sept lauréats seront éligibles à participer aux compétitions de gaming internationales telles que l'Africa Game Show. 

Les inscriptions débutent ce samedi sur le site internet du groupe mobile: 2500 Fcfa pour les candidats d'Abidjan par ailleurs gratifiés d'un bonus sur le compte Orange money et, 500 Fcfa pour ceux à l'intérieur du pays. Sont attendus plus de 3000 participans à ce grand rendez-vous né d'un partenariat avec l'association "Gamers CI".

Par Adriel - Source de l'article Koaci

vendredi 13 avril 2018

Digital Lab Africa Selects 30 Projects for Pitch Competition

Digital Lab Africa
Digital Lab Africa has selected 30 finalists across five media categories for its 2018 pitch competition for emerging talent. The selection committee reviewed 730 entries from more than 30 Sub-Saharan African countries (200 more than last year). 

Finalists include startups, entrepreneurs and up-and-coming creatives from South Africa, Cameroon, Ivory Coast, Ethiopia, Ghana, Kenya, Malawi, Mozambique, Nigeria, Senegal, Tanzania, Zambia and Zimbabwe, who represent the new generation of talent in VR, web creation, digital music, video games and animation.
Nwavo
Nwavo
From April 26, video pitches for the competitors will be available to view on vote.digilabafrica.com, a dedicated platform developed by Quant and presented in partnership with Dailymotion Africa. Internet users can anonymously vote for their favorite pitch until May 9.

The DLA Selection Committee will announce their 10 winners at NEXT, the innovation hub of the Cannes festival market, on May 10 at 4 p.m. The project with the most online votes will receive a special Audience Award, including an invitation (for one person) to attend a DLA Industry Event in France or Sub-Saharan Africa, including flight, accomodation and accreditation.

Additionally, the winner of the first edition of DLA, VR project Un-Human by Shariffa Ali and Yetunde Dada, will be introduced by its producer, Antoine Cayrol of Atlas V.

All 10 winners will receive a 3,000 euro cash prize and a tailored-made incubation program to accelerate their project development with two mentors from the French and Sub-Saharan creative industries (producers, distributors, broadcasters, experts, artists, etc.), a residence period in France within a digital cluster/hub, and participation in industry events in France and/or in Sub-Saharan African.

2018 DLA finalists listed below; more information available online.

Issa et l'arbre perdu
Issa et l’arbre perdu
ANIMATION
  • Dimbit by Feben Elias (ETHIOPIA)
  • Nwavu, the Blind Man by João Graça (MOZAMBIQUE)
  • Tales of Shaa by Rodney Masanga (ZIMBABWE)
  • The Brats Movie by Nildo Hassane Essa (MOZAMBIQUE)
  • Rapulani and Rapunzel by Yolanda Keabetswe Mogatusi (SOUTH AFRICA)
  • Issa et l’arbre perdu by Arthur Ella (CAMEROON)
VIRTUAL REALITY
  • Last Night A Haircut Saved My Life by Roxanne Dalton (SOUTH AFRICA)
  • II Worlds by Arnaud van Vliet & Naomi van Niekerk (SOUTH AFRICA)
  • Re-Inventing The Cross by Awuor Onyango (KENYA)
  • Cause and Effect by Francis Kamibili-Mzembe & Rodney Jonathan Likaku (MALAWI)
  • Street Hoopz by Amaebi Pere-Albert (NIGERIA)
  • Lucy Tour Guide by Abel Adane Seyoum (ETHIOPIA)
Tales of Shaa
Tales of Shaa

WEB CREATION
  • Man Must Chop by Razahk Issaka (GHANA)
  • Future Lab Africa by Jepchumba & Tegan Bristow (KENYA)
  • African God by Taf Hove (SOUTH AFRICA/ZIMBABWE)
  • The Spams by Howard James Fyvie (SOUTH AFRICA)
  • The Foxy Five by Jabulile Nadia Newman (SOUTH AFRICA)
  • Mission K-danse by Marina Niava (IVORY COAST)
DIGITAL MUSIC
  • Request Africa by Ali Dennis (KENYA)
  • Mbira Online by Tafadzwa Sharaunga (ZIMBABWE)
  • JokkoText by Mamadou Dione (SENEGAL)
  • Digital DJ by Chukwudi Obila (NIGERIA)
  • m-MuZiik by Patrick Mveng (CAMEROON)
  • The Rotoscope Orchestra by Magalela Mtshali (SOUTH AFRICA)
The Brats
The Brats
VIDEO GAME
  • Shadow Tongue by Alex Robert Ynclan & Thuso Terence Sibisi (SOUTH AFRICA)
  • Drive Jozi by Ben Myres & Cukia Kimani (SOUTH AFRICA)
  • Project Lumpa by Mwaaba Alec Mugala (ZAMBIA)
  • The Orchard by David Kamunyu (KENYA)
  • Jilinde Game by Musafiri Mbilinyi (SOUTH AFRICA)
  • Rigobert’s Goat by Patrick Nguiamba Nloutsiri (CAMEROON)
By Mercedes Milligan - Source of article Animationmagazine

mercredi 11 avril 2018

Masseka Game, le studio qui crée des jeux vidéo 100% africains

Deux avatars jouant au Kissoro. © Masseka Game Studio

Un jeune informaticien à Toulouse vient de lancer son studio de production de jeux vidéo uniquement consacrés aux univers africains. L’objectif du « Masseka Game Studio » est de faire découvrir les mythes et les personnages légendaires qui ont forgé l’Histoire plurimillénaires du continent.

A l’origine du projet, le jeune diplômé en informatique Teddy Kossoko qui a quitté la République Centrafricaine en proie à la guerre civile en 2012, pour poursuivre ses études à Toulouse en France. Il constate alors que « l’Afrique n’est jamais représentée dans les jeux vidéo ».

Sa première création qui se nomme « Kissoro Tribal Game » est une adaptation pour mobile du Kissoro, l’un des plus vieux jeux au monde, qui se pratique quotidiennement dans tous les pays africains. « C’est un jeu de stratégie, ça vient de chez moi, explique Teddy Kossoko. 

Au Sénégal, c’est le Mankala, en Côte d’Ivoire, l’Awalé, etc. Le but, c’est vraiment créer un univers autour de ce plateau et transmettre un message. Il y a par exemple une histoire qui met en avant deux royaumes qui vont s’affronter pour contrôler un fleuve qui est super riche et à un moment, il y a un jeune orphelin qui va arriver et va voir son roi pour lui dire : ‘’nous n’avons rien en commun avec l’autre royaume, à part ce jeu de plateau. 

Pourquoi on l’utiliserait pas pour faire face au conflit ?’’ Je voulais faire écho à tous les conflits que la Centrafrique a eus. Derrière mes projets, il y a une dimension historique et, si on pousse un peu loin, des dimensions politiques. »

Aujourd’hui, le studio de création Masseka (qui veut dire jeune en sango) travaille sur d’autres productions comme Les aventures de l’inspecteur Guimonwara, un policier centrafricain qui, avec l’aide d’un marabout, mène ses enquêtes en voyageant dans le temps et à travers le continent. En préparation, La Légende de Mulu, l’histoire d’une petite fille qui sauve son village des griffes d’une confrérie de sorciers.

Teddy Kossoko compte aussi déployer des salles de jeux vidéo partout en Afrique, afin que la jeune génération redécouvre et partage son héritage culturel avec le reste du monde.

L'adaptation pour mobile du Kissoro, l’un des plus vieux jeux au monde
© Masseka Game Studio

Par Dominique Desaunay - Source de l'article RFI

jeudi 5 avril 2018

L’auteur Lazhari Labter l'a déclaré à Bouira - “La BD est un rempart contre l’obscurantisme”


Dans le cadre de la cérémonie de clôture du Festival national de la bande dessinée de Bouira, l'écrivain-éditeur, Lazhari Labter, est revenu sur l’histoire de la BD algérienne, et ce, à travers ses pionniers, notamment Ahmed Haroun, Slim et Maz.

L'écrivain-éditeur, Lazhari Labter, était hier, à la maison de la culture Ali-Zamoum, dans le cadre de la cérémonie de clôture du Festival national de la bande dessinée. À l’occasion, cet ancien journaliste au quotidien l’Opinion, retracera l’histoire de la bande dessinée algérienne, à travers ses pionniers, notamment, Ahmed Haroun, Menouar Merabtène, alias Slim, et Mohamed Mazari dit Maz et leurs personnages respectifs tels M’quidèche, Bouzid et Zina, ainsi que le chat dégoûté de Maz, des personnages qui sont jusqu’à aujourd’hui, ancrés dans la culture populaire algérienne.

“Cette bande de copains ont un beau jour décidé de mettre leur talent de dessinateur à la contribution de la culture algérienne et ce fut une totale réussite”, dira le conférencier, auteur du Panorama de la bande dessinée algérienne 1969-2009, un livre paru en 2009 et qui tend à être complété selon l’écrivain. Pour ce dernier, la genèse de la bande dessinée algérienne se situe en 1967, où Mohamed Aram faisait paraître Naâr, une sirène à Sidi Ferruch dans l'hebdomadaire Algérie Actualité. “Cette BD sera suivie par Moustache et les frères Belgacem de Slim, d'après une idée originale du cinéaste Merzak Allouache. 

Une BD dont l'histoire se passe à La Casbah d'Alger durant la bataille d'Alger, et dans laquelle, derrière le personnage falot de Mimoun, un comparse, se profile déjà son héros populaire Bouzid qui défrayera la chronique, deux ans plus tard”, a-t-il indiqué. Et d’enchaîner sur 1969, une année charnière pour le 9e art algérien selon l’orateur. “En février 1969, avec l'arrivée de M'quidèche qui portait en sous-titre, Le journal illustré algérien. M'quidèche est né de l'heureuse rencontre de cinq dessinateurs, alors inconnus : Mohamed Aram, Ahmed Haroun, le père du personnage M'quidèche et maître du dessin de presse, Mansour Amouri, futur créateur de la série Richa, Mohamed Mazari dit Maz”. Lazhari Labter, soulignera également que “l'aventure intellectuelle et artistique” de ces “pères fondateurs” de la bande dessinée algérienne se poursuivra, avec succès jusqu'en 1974, année de parution du 34e et dernier numéro de M'quidèche. 

Salon national de la bande dessinée

Avant d’expliquer un point capital, qui mit à mal l’essor de la BD nationale. “La politique irréfléchie d'arabisation et ensuite la crise économique qui frappa l'Algérie de plein fouet au milieu des années 80 seront fatales à la BD algérienne, à l'édition et à la culture de manière générale. Les priorités se sont déplacées pour les décideurs qui, d'ailleurs, n'ont jamais accordé l'importance voulue au secteur de la culture”, a-t-il déploré. 

Mais après la révolte populaire d’octobre 1988, où on pouvait s’attendre à la renaissance de cet art libérateur, il n’en fut rien. Pourquoi ? À cette question, le conférencier précisera non sans un certain dépit : “La tendance était à la caricature et c’est tant mieux. Néanmoins, la bande dessinée a été fortement délaissée par les journaux et les éditeurs”, a-t-il expliqué. Pour lui et à l’époque, soit dans les années 1988 à 1991, les seules initiatives intéressantes furent les publications satiriques de Baroud, qu'anima pendant une courte période avant sa disparition le journaliste et chroniqueur Saïd Mekbel et El-Manchar qui tint la route beaucoup plus longtemps, sans publicité et sans soutien financier.

Enfin, Lazhari Labter fera remarquer que la bande dessinée algérienne fut un “catalyseur” pour la génération qui a fait 1988 et celle ayant combattu l’obscurantisme religieux. “La BD à travers ses bulles, ses dessins et ses messages, peut vaincre toutes les idéologies obscurantistes et c’est à vous (s’adressant aux jeunes, ndlr) de faire de la bande dessinée l’instrument d’espoir et de toutes les aspirations”. Un message qui en a marqué plus d’un.

Par Aamdane BOURAHLA - Source de l'article Liberté Algérie

DigiGaming : Vers la création d’une centaine de maisons des jeunes dotées de salles de gaming


C’est au siège de l’UTICA que Spoot s’est rendu pour enregistrer ce nouvel épisode de DigiGaming. Retour sur les moments forts du “best of three” ,l’un des plus grands événements de gaming en Tunisie.

Abdelkoudous Saadaoui, secrétaire d’Etat à la jeunesse, présent à l’évènement, est revenu sur le volet économique des e-sports. “Une opportunité énorme en terme d’employabilité avec trente deux nouveaux corps de métiers vers lesquels les jeunes peuvent être orientés et des revenues monstres”. “Nous sommes passés à une autre dimension et nous avons la chance, en Tunisie, d’avoir une population jeune à 60%, connectée et qui n’a rien à envier aux autres jeunes générations dans le monde”.

Pour encourager davantage la jeunesse, le secrétaire d’Etat à la jeunesse a indiqué que le ministère de tutelle “a achevé la vision stratégique pour la jeunesse. Une vision qui comporte quatre axes : citoyenneté, employabilité, mobilité et créativité”, soulignant que “dans l’axe créativité, il n’y a pas que le sport et la culture, il y a aussi les e-sports. L’une des grandes composantes des maisons des jeunes nouvelle génération est la présence d’une salle dédiée au gaming et au coding”.

Dans ce sens, Saadaoui a annoncé que le ministère de tutelle travaille actuellement sur un projet de création de 24 maisons des jeunes nouvelle génération à raison d’une pour chaque gouvernorat.

“Nous souhaitons atteindre une centaine de maisons des jeunes sur la totalité du territoire tunisien. Il y a d’ailleurs plusieurs acteurs du secteur privé, des bailleurs de fonds étrangers et des fondations qui ont montré leur intérêt à financer ce projet”, a-t-il assuré.

Cette vision stratégique sera prochainement présenté au conseil ministériel, selon le secrétaire d’Etat à la jeunesse.


Spoot a également rencontré le capitaine d’une des équipes finalistes Geeker’Z. Cette équipe a remporté, depuis sa création en décembre 2016, la quasi-totalité des compétitions League of Leagends auxquels elle a participé.

Lokmays, le capitaine de Geeker’Z, a déclaré au micro de DigiGaming, que les grandes entreprises en Tunisie, notamment les opérateurs téléphoniques, commencent à porter un intérêt particulier aux e-sports et à investir davantage dans ce domaine.

Il a fait savoir que la concurrence entre les sponsors et investisseurs dans le gaming a été l’un des facteurs qui a poussé le secteur vers une grande évolution, notamment les compétitions et les prix qui sont accordés aux gagnants.

Il convient de noter que Geeker’Z a remporté le premier prix du tournoi League of Legends.

Pour écouter le podcast, veuillez cliquer ici.

Source de l'article THD

Le jeu vidéo, voix naissante des peuples marginalisés

« Mulaka », premier jeu vidéo entièrement consacré à la mythologie du peuple Taharumara.

Qu’elles soient autochtones, descendantes d’esclaves ou de colonisés, plusieurs cultures cherchent à exister dans le numérique, où règne l’emprise culturelle de l’Occident.

« Il y a sept réserves indiennes au Montana, certaines aussi grandes que des Etats américains, terres de huit nations indigènes. Aucune n’est représentée dans “Far Cry 5”. C’est un manque. »
La critique, publiée vendredi 30 mars sur le site PC Gamer, est certainement l’une de celles auxquelles Ubisoft s’attendait le moins, après avoir mis en scène, à travers son jeu, une critique à peine voilée de l’Amérique blanche et conservatrice.

Depuis quelques années, pourtant, le jeu vidéo est parcouru par une nouvelle tendance, qui cherche non plus seulement à montrer la variété ethnique des pays les plus riches, mais aussi à mettre en scène les invisibilisés de l’histoire occidentale : peuples colonisés, parqués, marginalisés, souvent écartés de la pop culture.

Le 1er mars, le studio mexicain Lienzo publiait ainsi Mulaka, premier jeu vidéo d’aventures consacré à la mythologie du peuple Taharumara. Le 6 février, c’est un studio brésilien qui lançait Dandara, aventure acrobatique dont l’héroïne, guerrière noire, est une figure historique de la lutte contre l’esclavage en Amérique du Sud. Dès 2014, Never Alone présentait dans un jeu de plateforme l’imaginaire folklorique du peuple autochtone Iñupiat, en Alaska.

L’excellent jeu de plateforme « Dandara » ne met pas en scène une héroïne anodine : il s’agit d’une figure historique légendaire du combat des esclaves noirs sud-américains. LONG HAT HOUSE

Cette nouvelle approche du jeu vidéo s’inscrit dans un mouvement plus général, le courant postcolonialiste, qui a fait l’objet d’une conférence le 21 mars à la Gaité lyrique à Paris. Il cherche entre autres, pour reprendre les mots de Mehdi Derfoufi, chercheur en études cinématographiques, à « décoloniser l’histoire du jeu vidéo » en la sortant des biais d’une approche centrée sur l’Occident.

L’Inde et le syndrome Dhalsim

Les études postcoloniales sont nées avec Edward Saïd et son livre L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident paru en 1978, et puisent dans les essais du psychiatre martiniquais Frantz Fanon dans les années 1950. Elles s’intéressent historiquement à la double emprise des peuples dominants sur les peuples dominés, à la fois par l’imposition d’une langue et d’un imaginaire communs et par la marginalisation de leur folklore dans la littérature ou le cinéma mainstream. C’est, en somme, l’idée qu’à une colonisation administrative s’est substituée une nouvelle forme de colonisation plus insidieuse, car culturelle.

Dans le monde du jeu vidéo, les études postcoloniales sont jeunes. En 2000, Lisa Nakamura, dans l’article universitaire Race in Cyberspace, a été l’une des premières à relever les stéréotypes raciaux sur les mâles asiatiques diffusés sur LambdaMOO, un monde persistant textuel. Par la suite, les essais Gaming at the Edge, Gaming Representation, ou encore Devine qui vient jouer ce soir ? mettent chacun à sa manière l’accent sur une culture du jeu vidéo centrée sur l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Océanie.

Dhalsim, exemple le plus célèbre de personnage indien présenté de manière exotique. CAPCOM

Le chercheur Souvik Mukherjee, dans son livre Videogames and Postcolonialism : Empire Plays Back, souligne avec précision comment un pays considéré comme périphérique – en l’occurrence, l’Inde – peut être négligemment traité par des développeurs en position de mainmise culturelle. Dhalsim, le combattant indien de la série Street Fighter, est ainsi représenté de manière caricaturale comme un fakir, et son nom est formé de la contraction d’un nom de plat de lentilles et de haricots – comme si un personnage français avait été baptisé Raclettecamembert – là où les héros Ryu et Ken ont d’authentiques prénoms.

Même des productions sérieuses et a priori renseignées multiplient les erreurs. Dans l’articlePlaying Subaltern, il donne l’exemple du jeu de stratégie Empire : Total War, qui se déroule au XVIIIe siècle mais arbore le drapeau indien, alors qu’il n’est adopté qu’en 1947 ; et montre des plantations de thé mais aucune plantation d’indigo, pourtant à l’origine de la révolte du Bengale en 1859. « La manière dont ces jeux dépeignent les colonies est souvent simpliste et contient des imprécisions qui sautent aux yeux des joueurs de ces régions », relève Souvik Mukherjee.

D’« écrire en pays dominé » au jeu « Africa’s Legends »

Face à ce type de raccourci, toute une gamme de productions locales ont émergé. Le duo martiniquais Patrick Chamoiseau, auteur de Ecrire en pays dominé, et Muriel Travis, conceptrice de jeux vidéo, signe dès 1987 Méwilo, un programme dédié à une légende martiniquaise, et surtout Freedom, en 1988, dans lequel le joueur doit mener une révolte d’esclaves. Mais c’est surtout avec l’arrivée de l’Internet haut débit et des circuits de distribution dématérialisés que ces initiatives se multiplient.

Le jeu martiniquais « Freedom », en 1988, pionnier avant-gardiste du jeu vidéo postcolonial. COKTEL VISION

Plusieurs approches coexistent. La plus belliciste renverse les antagonismes traditionnels. Dans 7554, un jeu de tir vietnamien sur la bataille de Diên Biên Phu de 1954, le joueur combat l’armée française. Dans la production syrienne Under Siege (Taht-al-Hissar en arabe), il incarne une famille palestinienne opposée aux forces israéliennes. Mais, le plus souvent, c’est par une pacifique stratégie de valorisation locale et culturelle que se démarquent ces productions, comme les nombreux jeux de taxi-brousse au Sénégal, de jeux de plateau traditionnel au Botswana, ou basés sur la mythologie perse en Iran.

La volonté est souvent autant de donner une présence numérique à une culture que de lui donner une exposition internationale. C’est le cas de Mulaka, avec son peuple autochtone mexicain, explique au Monde Guillermo Vizcaino, son concepteur narratif :
« C’est incontestablement un jeu qui cherche à montrer la beauté d’une culture méconnue. Même s’il cherche à divertir, il a une composante éducative et culturelle très importante. [...] Nous espérons qu’il fera prendre conscience aux joueurs du monde entier de l’existence de cultures différentes, uniques et spéciales comme l’est la nôtre. »

Si ces productions offrent des modèles positifs à des peuples marginalisés, elles n’en conservent pas moins certains codes occidentaux. Au Kenya, un jeune studio a ainsi lancé Africa’s Legend, un jeu de réflexion mettant en scène des superhéros africains inspirés du modèle de Marvel. « C’est un exemple intéressant, relève Mehdi Derfoufi. On voit une volonté de construire des contre-récits face aux récits occidentaux dominants, mais en même temps une volonté de s’inspirer de ses modes de production. »

« Africa’s Legend » mêle références africaines et modèle de superhéros inspiré de Marvel. LETI ARTS

Confidentialité et angle mort japonais

Cette production aussi politique qu’hétéroclite reste encore confidentielle. Ainsi, des jeux sud-africains, le public international connaît surtout Genital Jousting, jeu d’arcade bariolé, ou Broforce, jeu d’action ultra occidentalisé. Qui sait que, depuis 2015, le modeste Nguni Warriors, sur smartphone, rend hommage à l’iconographie de la principale famille ethnique du pays ?

Parfois, certains jeux postcoloniaux percent médiatiquement, mais sans que leur dimension identitaire soit entendue, à l’image de Dandara, le jeu noir-brésilien. « C’est un cas d’école, soulève Mehdi Derfoufi. Quand on regarde la réception de la presse occidentale, la figure de l’héroïne noire est citée mais vite évacuée, on parle prioritairement de gameplay [de mécaniques de jeu] ».

Dans l’ombre de « Broforce » et « Genital Jousting », principaux succès internationaux sud-africains, « NguniWarrior » met en avant l’imagerie de l’ethnie Nguni, majorité discrète du pays. GLOMOTECH GAMES

La démarche politique n’est par ailleurs pas toujours présente. Ainsi du jeu d’horreur taïwanais Detention, qui revisite le passé de la République démocratique de Chine dans les années 1960, en pleine dictature militaire. « Nous n’étions pas au courant de l’approche “postcolonialiste”. Nous nous disions juste qu’il serait plus simple pour nous d’employer des ingrédients avec lesquels nous sommes familiers et qui résonnent en nous », minimise ainsi Tiff Liu, la porte-parole du studio Red Candle Games, estimant qu’il s’agit d’un réflexe « naturel » pour des créateurs.

Historiquement centré autour des colonies britanniques et françaises, le mouvement postcolonial peine enfin à intégrer à sa réflexion le Japon – rare pays asiatique qui fut à la fois soumis par les puissances occidentales au XIXe, puis puissance colonisatrice en Corée, en Mandchourie ou encore à Taïwan jusqu’en 1945. Un angle mort dans les études postcoloniales d’autant plus dommageable que la production nippone est, de loin, celle qui a le plus influencé l’histoire du jeu vidéo.

Par William Audureau - Source de l'article Le Monde