mardi 22 avril 2008

Le FICAM célèbre l'Afrique


Meknès sera à l'heure africaine en ce mois de mai. L'Institut français de la ville et les Conserves Aïcha organisent, en partenariat avec le Service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Rabat, la huitième édition du Festival international de cinéma d'animation de Meknès (FICAM).

Consacré en grande partie à l'Afrique, l'événement se tiendra cette année du 8 au 16 mai. Projections de films, expositions, tables rondes et formations sont au menu de cette édition en plus d'une grande nouveauté qui n'est autre que «La compétition africaine». Un nouveau trophée qui se rajoute au Grand prix Aïcha, lancé il y a trois ans maintenant.
Après huit ans d'existence, le jeune festival qui a grandi au fil des éditions, célèbre cette année l'Afrique. «La nouveauté de cette année se présente sous forme d'une grande section de la programmation consacrée à l'Afrique et à ses créateurs. Ceci en plus du lancement lors de cette édition de la nouvelle compétition africaine», nous annonce Jean-Florent Filtz, directeur de l'Institut français de Meknès. Une initiative qui a apparemment charmé plus d'un puisque déjà pour cette «première fois», la compétition africaine verra la participation de 12 courts métrages «Made in Africa».

Venant d'Algérie, de Tunisie, d'Egypte, du Maroc, du Burkina Faso, de Belgique et du Sénégal, les réalisateurs qui sont des professionnels et «semi professionnels» vont concourir pour remporter le Trophée du FICAM et un prix offert par TV5 dont «la nature reste encore secrète». En plus de la compétition, l'Afrique sera largement représentée à travers des avant-premières marocaines, des cartes blanches, des leçons de cinéma, des ateliers de formation et bien évidemment de tables rondes. Pour sa huitième édition, le FICAM invitera des artistes et des professionnels venant des pays du Maghreb (Algérie, Tunisie), d'Egypte, du Sénégal, du Ghana, du Zimbabwe. La production marocaine ne sera pas en reste et aura sa place dans la programmation. Les hommages seront également l'occasion de rappeler le talent des pionniers de l'animation africaine.
Le public pourra découvrir enfin le travail du réalisateur zimbabwéen Roger Hawkins, auteur de «La légende du royaume du ciel», premier long-métrage africain d'animation. La réalisatrice burkinabé Cilia Sawadogo, réalisatrice de nombreux courts-métrages et des deux longs-métrages, «La femme mariée à trois hommes» et «L'arbre aux esprits», sera de la fête et confirmera le talent de la femme créatrice africaine. Ceci sans oublier le réalisateur tunisien, Zouhaieir Mahjoub, l'une des plus importantes signatures arabes d'animation.
Fidèle à ses objectifs premiers, le FICAM offre au public un beau tour d'horizon. Pour cette édition, le festival propose à son public de plus en plus large, une programmation aux allures internationales. Les multiples avant-premières marocaines seront des moments forts à ne pas rater.

Les amateurs pourront découvrir pour la première fois sur le grand écran (et en présence des réalisateurs) des films à succès comme «La traversée du temps», venant du Japon, «Nocturna» (France- Espagne), «Max and Co» (France) et «Les chasseurs de dragons» (France). Cela en plus de la projection de «La reine soleil» à la place L'hdim dans le cadre de la section «Ciné-médina» inaugurée lors de cette édition. Côté compétition, le Grand prix Aïcha, la fierté du FICAM, consacrera pour la troisième année un jeune talent. Né de la volonté de promouvoir la création nationale, ce prix est doté de 50.000 DH et viendra récompenser la meilleure prestation. Le jury de cette édition est composé de Jihane El Bahar, scénariste et réalisatrice, Amine Beckoury, réalisateur de films d'animation et Adil Semmar, journaliste.
«Depuis le lancement de ce prix, nous avons observé une belle évolution que ce soit en terme quantitatif ou qualitatif. De six courts-métrages en 2006, nous en sommes à une dizaine aujourd'hui et avec une meilleure qualité», nous explique Filtz, qui rappelle par la même occasion le rôle primordial que veut jouer le festival dans la création de réseaux professionnels. D'ailleurs, les organisateurs annoncent que pour cette 8e édition, ils accueillent les studios Ebisoft, le seul éditeur de jeux vidéo au Maroc. «Une occasion pour les jeunes étudiants de rencontrer les responsables et les créateurs du studio tout en découvrant l'univers du jeu vidéo et du cinéma numérique», lance le directeur.

En plus des projections, des tables rondes et des différents ateliers (story board…), le festival propose deux expositions : «La mémoire de l'ombre» de Madghis Afoulay et qui rappelle l'univers de son long- métrage du même titre et l'exposition signée Hamid Benali retraçant les différentes étapes de création d'un film d'animation. Rappelons que le FICAM partira en tournée nationale avec six programmes de courts et de longs-métrages dans douze villes marocaines.
2006 : le nombre des entrées a dépassé 12.000.
2005 : 9.000 entrées, 61 projections, 33 programmes, 2 diffusions en moyenne par film.
2 salles principales : le Théâtre de l'Institut français de Meknès (370 places) et le Théâtre de la délégation de la Culture (500 places) accueillent chaque année le public meknassi.
Les places illimitées du jardin de l'Institut français offrent à un large public la possibilité de participer à la fête, en accueillant des projections et des soirées musicales.
15.000 personnes est le nombre des entrées gratuites, des visiteurs des expositions ainsi que le public de la soirée Vision Sonore.
En 2007 : le festival a réalisé plus de 15.000 entrées. Un record pour cette édition consacrée aux liens entre bande dessinée, illustration et cinéma d'animation.
Par Hayat Kamal Idrissi – Source de l’article Maghress

dimanche 20 avril 2008

Arrêt de "Métro" en Egypte : encore des dessins censurés !

Le 15 avril dernier, au Caire, la maison d’édition Malameh (ملامح) a reçu la visite de la police égyptienne. Cela n’a pas vraiment dérangé son propriétaire, Muhammad Al-Sharkawi (محمد الشرقاوي), car il se trouve déjà en prison. 


Il lui est reproché, avec d’autres blogueurs qui relaient sur internet les protestations de l’opposition égyptienne, d’avoir appelé à la grève du 6 avril dernier (une autre est prévue le 4 mai prochain, pour “fêter” les 80 ans du raïs Moubarak : on en reparlera sans doute…)

En fait, les forces de l’ordre venaient saisir les exemplaires restant d’un livre intitulé Métro, publié il y a un peu plus d’un an. “En vertu” des dispositions très particulières de la censure locale (voir ce billet), il s’est en effet trouvé un honnête citoyen pour s’offusquer du langage utilisé dans cet ouvrage dont la couverture précise pourtant qu’il est destiné à un public adulte. L’auteur – et son éditeur – doivent donc répondre d’”atteinte aux bonnes mœurs pour cause d’utilisation d’expressions dialectales” (impossible de vraiment traduire la charge officielle, que les arabisants apprécieront : خروجها عن الآداب العامة لاعتمادها اللغة والألفاظ العامية الدارجة في سياق أحداثها).

Métro n’est pas une publication ordinaire. Cet album est le premier “roman graphique” (graphic novel) arabe. Son auteur, Magdy El Shafee (مجدي الشافعي), a débuté dans une publication pour enfants (Alaa Eddin) où il a fait la connaissance d’Ahmed Ellabad – et de son père, la mémoire du graphisme contemporain arabe, Mohieddine Ellabad : leurs encouragements étaient nécessaires pour que l’auteur aille au bout de son ambitieux projet.

Car il aura fallu cinq années de travail pour produire les 92 planches de cette histoire policière qui se déroule dans un Caire ultra contemporain et tout sauf exotique. Shihab, un jeune informaticien financièrement aux abois, attaque une banque et planque son butin dans une station du métro du Caire.

Tout le problème, pour le héros deMétro, est d’arriver à en sortir, et à s’en sortir. Pour lui, dans cet album qui se veut l’expression fidèle de l’Egypte d’aujourd’hui, avec ses manifestations où les journalistes se font sexuellement agresser par les petites frappes (بلطجة) à la solde du pouvoir (un fait-divers authentique dont a été victime une journaliste proche du mouvement Kefaya), il n’y a pas encore vraiment de lumière au bout du tunnel.

Comme pour le reste du peuple égyptien d’ailleurs…

Maintenant qu’il a été saisi, pas facile de trouver l’oeuvre de ce dessinateur qui revendique sa filiation avec Hara-Kiri et Charlie Hebdo… On peut admirer la qualité de son graphisme grâce à une bonne série de planches, traduites en anglais et visiblessur le net, ainsi que quelques dessins (cette Oraison funèbre pour un homme ordinairepar exemple. Magdy El Shafee a un site, avec son blog qui évoque (en anglais) l’interdiction de son livre. 
Enfin, pour les « Facebookers », un entretien sur la chaîne Al-Jazeera.

Pour lire plus de détails sur cette affaire, voir le blog d’un jeune écrivain contemporain, Muhammad Aladdin, et dans la presse (en arabe : akhbar al-adab, Middle-East Online et al-Hayat; en anglais, cet article).

Mentionné par Magdy El Shafee, on peut apprécier également le travail du Libanais Mazen Kerbaj, mieux connu des lecteurs français, sur ces planches déjà un peu anciennes, et sur son blog.

Illustrations : dessins de Magdy El Shafee (www.magdycomics.com) et affiche – retouchée ! – d’une exposition à la galerie Townhouse du Caire (www.thetownhousegallery.com) en février 2008.
Par Yves Gonzalez-Quijano - Source de l’article CPA Hypotheses 

La BD marocaine en attente de lecteurs

À première vue, le Maroc peut passer pour un pays où la bande dessinée est reine : le pays abrite plusieurs festivals de bande dessinée (Tétouan, Kénitra, Casablanca) et compte à l’Institut National des beaux-arts de Tétouan, la seule filière BD de tout le continent africain. 
Malheureusement, la production de BD au niveau local ou dans la diaspora reste faible et la BD reste un genre mineur au Maroc, malgré quelques récentes tentatives isolées. Tour d’horizon d’un art qui ne s’est pas encore imposé dans la société marocaine.


Les BD "politiques"

Le Maroc est l’un des très rares pays africains où la BD a servi de relais à des témoignages dénonçant des atteintes aux droits de l’homme et des exactions des forces de police et de sécurité.

En Afrique, si les dessinateurs de presse et caricaturistes ne s’en privent pas, les bédéistes sont en général plus discrets et attendent le plus souvent d’être en exil pour témoigner. Tel n’est pas le cas de Abdelaziz Mouride qui, en 2000, publie "On affame bien les rats !" (Éditions Tarik et Éditions Paris Méditerranée), témoignage poignant de ce que furent les années de plomb au Maroc. Dans la pénombre de sa cellule, l’auteur, membre fondateur du courant d’extrême gauche 23 mars, a dessiné jour après jour toutes les étapes de sa longue et traumatisante détention.

En 2004, Abdelaziz Mouride publie "Le coiffeur" (Éditions Nouiga), chronique douce-amère d’un salon de coiffure pour hommes dans un quartier populaire du Casablanca des années 70. Le propos est plus léger que dans son précédent album mais la critique sociale et politique affleure à chaque planche. Poursuivant sa démarche, Mouride travaille actuellement à une adaptation du roman de Mohamed Choukri, "Le pain nu". Professeur aux beaux-arts de Casablanca, il a également lancé le magazine "Bled’Art", premier journal de BD du pays, qui a malheureusement disparu après quelques numéros.

Autre témoignage des années de plomb, celui de Mohammed Nadranidans "Les sarcophages du complexe : disparitions forcées de" (éditions Al Ayam. 2005) qui, avec un style plus naïf, revient sur cette période et son lot de prisonniers politiques. L’auteur a été incarcéré dans un centre de détention connu sous le nom de "Complexe de Rabat". D’où le titre de la BD, associant les pénibles conditions d’incarcération des jeunes militants des années 1970 à des sarcophages.

Les BD "patrimoniales"

Histoire du Maroc -1- Volume 1La bande dessinée a également été utilisée à des fins patrimoniales, en vue de raconter la culture et l’histoire du pays et d’en dessiner ses figures émergentes.

Ce fut le cas en 1979, avec "Il était une fois … Hassan II" (de Serge Saint-Michel, Bernard Duffosé et Philippe Sternis. Éditions Fayolle) qui relève cependant de l’album panégyrique.

En 1993, la trilogie "Histoire du Maroc en bandes dessinées" (de Ahmed Nouaiti, Wajdi et Mohamed Maazouzi) évoquait l’histoire nationale de la préhistoire à 1961.

En 2004, l’Institut Royal de la culture amazighe publiait la première BD en langue berbère, intitulée "Tagellit nayt ufella" (La reine des hauteurs) qui raconte les aventures d’une jeune reine luttant contre les forces du mal pour protéger son peuple. L’objectif premier de cet album d’une vingtaine de pages, réalisé par Meryem Demnati, était d’aider à la promotion de la langue et de la culture amazighe.

Mohamed Nadrani a sorti en 2007 un second ouvrage où il se penche sur un pan récent de l’histoire marocaine : la guerre du Rif. Cet album, "L’émir Ben Abdelkrim" est sorti en deux versions, arabe et française.

Enfin, le nouveau code de la famille a fait l’objet d’une adaptation bilingue (arabe dialectal et français) intitulée "Raconte moi la nouvelle moudawana" afin de le rendre plus accessible à la population aussi bien résidente au pays qu’immigrée.

D’autres productions sont également à remarquer comme celles de Jean François Chanson qui publie en 2006, "Maroc fatal" (Éditions Nouiga). L’album est constitué de quatre nouvelles racontant le destin singulier de marocains et leur rencontre souvent violente avec la mort. Le titre est un clin d’œil au célèbre "Major fatal" de Moebius. Ces histoires en noir et blanc n’hésitent pas à évoquer des thèmes dérangeants comme le hrig, les problèmes de prostitution, l’alcoolisme, les nouveaux rapports hommes-femmes, les tensions arabo-amazighes ou la corruption policière. Une des nouvelles, "Destins Symétriques", croise les destins similaires d’un occidental et d’un marrakchi. En arabe et en français, le récit est organisé en miroir, jouant sur les sens convergents de lecture des deux langues. L’auteur est en préparation d’un nouvel album, suite de "Maroc fatal", intitulé "Nouvelles maures", qui devrait sortir en juin 2008 aux éditions Nouiga.

L’Hadj Belaïd de Larbi Babahadi (Éditions Sapress, 2008) relate l’incroyable destin du chanteur marocain L’haj Belaïd, devenu une légende dans son pays. Après de nombreux petits boulots, le souissi décide un jour de se consacrer à sa passion : la musique. Il se lance en chantant l’amour et la beauté des femmes, et devient bientôt une célébrité, apprécié de Lyautey et de Mohammed V. Il enregistre de nombreux disques avec le label français Pathé Marconi. Il s’éteint en 1946 et ses chansons sont souvent reprises par la jeune scène musicale marocaine. Ce premier album au dessin simple et efficace est une réussite. Les textes sont en français, amazigh et arabe. L’auteur prépare avec son frère d’un nouvel album "Les racines d’Argania" portant sur la partie marocaine de la mythologie grecque.

L’agence pour l’aménagement de la vallée du Bouregreg a sorti, il y a peu, un album "Tempête sur le Bouregreg" (Dessins : Hassan Manaoui. Scénario : Miloudi Nouiga) pour expliquer aux plus jeunes leurs travaux qui vont profondément modifier les villes de Rabat et de Salé. Miloudi Nouiga a réalisé un album "Les objectifs du millénaire" sur les droits des enfants au Maroc pour le PNUD en 2006. Ces deux albums ont été distribués gratuitement aux écoles marocaines par ces institutions.

Enfin, les étudiants de l’Institut royal des beaux-arts de Tétouan qui publiaient leurs travaux au début des années 2000, au sein du magazine "Chouf", disparu depuis, ont récemment récidivé avec un fanzine en ligne, Livre, dont deux numéros sont déjà parus sur Internet.

À l’étranger, peu de professionnels marocains se sont fait remarquer dans le milieu du 9ème art. On peut citer Youssef Daoudi, qui a terminé en septembre 2007 "Sueur aux tripes" le dernier volume qui complète "La vie est dégueulasse" (2005) et "Le soleil n’est pas pour nous" (2006) ; les deux premiers tomes de La trilogie noire de Léo Mallet, sur un scénario de Bonnifay (éditions Casterman). Installé et publié en Europe, il était dessinateur de presse pour "La vie économique" de 1995 à 1997 sous le nom de "Yozip".

Atif Khaled est diplômé de l’Institut de la Bande dessinée d’Angoulême. Il a publié entre 2005 et 2007 les trois tomes des "Chroniques de Centrum" (Soleil Édition), adaptation du roman de Jean Pierre Andrevon qui en assuré le scénario. Il a également dessiné le tome 8 de la série Kookaburra Universe, (2007).

Othman Berrada, jeune dessinateur débutant, serait en train de travailler sur un scénario de Trondheim. Avant de faire une école d’art en France, il a fait les beaux jours du journal scolaire "Carpe Diem" lors de son passage au lycée Descartes de Rabat.

Signalons encore d’autres dessinateurs en lien avec le Maroc : Daphné Collignon, auteur de "Coelacanthes" (2 tomes) et de "Le rêve de pierres" (avec I. Dethan, aux éditions Vents d’Ouest) réside au Maroc.

Patrick Morin a décroché le premier prix "jeune talent" au dernier festival d’Angoulême avec une BD humoristique sur le Maroc qu’il connaît bien.

Les talents existent, les envies ne manquent pas. Certains éditeurs comme, Miloudi Nouiga, aimeraient publier plus de BD, mais l’absence de marché réel empêche tout développement prévisible du 9ème art dans le pays. La solution passerait sans doute par la production d’ouvrages en noir et blanc, à couverture souple, diffusés hors des réseaux traditionnels du livre.

Par Jean François Chanson (Auteur français de BD, résidant et publiant au Maroc) et Christophe Cassiau-Haurie - Source de l'article Africultures