dimanche 20 avril 2008

Arrêt de "Métro" en Egypte : encore des dessins censurés !

Le 15 avril dernier, au Caire, la maison d’édition Malameh (ملامح) a reçu la visite de la police égyptienne. Cela n’a pas vraiment dérangé son propriétaire, Muhammad Al-Sharkawi (محمد الشرقاوي), car il se trouve déjà en prison. 


Il lui est reproché, avec d’autres blogueurs qui relaient sur internet les protestations de l’opposition égyptienne, d’avoir appelé à la grève du 6 avril dernier (une autre est prévue le 4 mai prochain, pour “fêter” les 80 ans du raïs Moubarak : on en reparlera sans doute…)

En fait, les forces de l’ordre venaient saisir les exemplaires restant d’un livre intitulé Métro, publié il y a un peu plus d’un an. “En vertu” des dispositions très particulières de la censure locale (voir ce billet), il s’est en effet trouvé un honnête citoyen pour s’offusquer du langage utilisé dans cet ouvrage dont la couverture précise pourtant qu’il est destiné à un public adulte. L’auteur – et son éditeur – doivent donc répondre d’”atteinte aux bonnes mœurs pour cause d’utilisation d’expressions dialectales” (impossible de vraiment traduire la charge officielle, que les arabisants apprécieront : خروجها عن الآداب العامة لاعتمادها اللغة والألفاظ العامية الدارجة في سياق أحداثها).

Métro n’est pas une publication ordinaire. Cet album est le premier “roman graphique” (graphic novel) arabe. Son auteur, Magdy El Shafee (مجدي الشافعي), a débuté dans une publication pour enfants (Alaa Eddin) où il a fait la connaissance d’Ahmed Ellabad – et de son père, la mémoire du graphisme contemporain arabe, Mohieddine Ellabad : leurs encouragements étaient nécessaires pour que l’auteur aille au bout de son ambitieux projet.

Car il aura fallu cinq années de travail pour produire les 92 planches de cette histoire policière qui se déroule dans un Caire ultra contemporain et tout sauf exotique. Shihab, un jeune informaticien financièrement aux abois, attaque une banque et planque son butin dans une station du métro du Caire.

Tout le problème, pour le héros deMétro, est d’arriver à en sortir, et à s’en sortir. Pour lui, dans cet album qui se veut l’expression fidèle de l’Egypte d’aujourd’hui, avec ses manifestations où les journalistes se font sexuellement agresser par les petites frappes (بلطجة) à la solde du pouvoir (un fait-divers authentique dont a été victime une journaliste proche du mouvement Kefaya), il n’y a pas encore vraiment de lumière au bout du tunnel.

Comme pour le reste du peuple égyptien d’ailleurs…

Maintenant qu’il a été saisi, pas facile de trouver l’oeuvre de ce dessinateur qui revendique sa filiation avec Hara-Kiri et Charlie Hebdo… On peut admirer la qualité de son graphisme grâce à une bonne série de planches, traduites en anglais et visiblessur le net, ainsi que quelques dessins (cette Oraison funèbre pour un homme ordinairepar exemple. Magdy El Shafee a un site, avec son blog qui évoque (en anglais) l’interdiction de son livre. 
Enfin, pour les « Facebookers », un entretien sur la chaîne Al-Jazeera.

Pour lire plus de détails sur cette affaire, voir le blog d’un jeune écrivain contemporain, Muhammad Aladdin, et dans la presse (en arabe : akhbar al-adab, Middle-East Online et al-Hayat; en anglais, cet article).

Mentionné par Magdy El Shafee, on peut apprécier également le travail du Libanais Mazen Kerbaj, mieux connu des lecteurs français, sur ces planches déjà un peu anciennes, et sur son blog.

Illustrations : dessins de Magdy El Shafee (www.magdycomics.com) et affiche – retouchée ! – d’une exposition à la galerie Townhouse du Caire (www.thetownhousegallery.com) en février 2008.
Par Yves Gonzalez-Quijano - Source de l’article CPA Hypotheses 

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