vendredi 6 février 2009

La vision des Arabes dans une bande dessinée des années 1930


Une bande dessinée nous a été gentiment prêtée par un restaurateur de Forcalquier, qui l’a lui-même trouvée dans une brocante. 
Que nous révèle cette album sur la vision du monde arabe par un dessinateur de BD, connu, reconnu, lu et abondamment publié ?



Mais d’abord, qui est son auteur ?  
Robert Dansler est né en 1900 et mort en 1972. Il a publié régulièrement sous le pseudonyme de Dan Bob. Il se lance dans la BD dans l’entre deux guerres mais trouve son heure de gloire après la Deuxième Guerre mondiale où il devient un des plus prolifiques auteurs de BD. 
Il apprend le dessin et la sculpture à l'école Bernard-Palissy de Paris. Après la première guerre mondiale, il se tourne vers la peinture et la publicité. Au début des années 30, il se lance dans l’illustration et fait partager ses premiers gags (Tel Quelle Hérisson). Il devient artiste producteur de bandes dessinées et collabore à des magazines comme JeudiJean-Pierre et plusieurs almanachs. Après la Seconde Guerre mondiale, Dansler intensifie sa production. Il devient l'un des principaux artistes des éditions Artima où il restera jusqu'à sa mort en 1972. Il y crée des personnages comme Bill TornadeJack Sport et Tarou.


Que nous raconte cette bande dessinée ? 

Marius et Fil de fer sont deux pescadous marseillais qui échouent avec leur bateau (la girelle) sur les côtes barbaresques. Zone géographique floue s'il en est. Cette BD retrace les tribulations de deux pescadous dans le monde arabe. Suite à un excès de vitesse en âne ils échappent de peu à un horrible supplice… Heureusement l’armée française intervient…


Une population arriérée et violente

Les Arabes nous sont présentés comme agressifs. A peine le pied posé sur cette fameuse côte barbaresque qu’une horde armée attaque, sans raison, nos pêcheurs inoffensifs. Cette violence barbare se retrouve dans les principes et les pratiques de la justice du calife. Justice tyrannique et arbitraire dans son fonctionnement et barbare dans ses punitions (supplice du pal). Le cadi est dessiné sous les traits d’un homme perfide et manipulateur. 


Le vocabulaire est d’ailleurs révélateur de ce mépris : le terme "barbaresque" est utilisé à maintes reprises et revient comme un leit motiv. Or, ce terme est désuet à cette époque où l’on désigne clairement les lieux : Algérie, Maroc etc. Il y a donc sans doute la volonté d’assimiler Arabes et barbares. D’ailleurs ils sont qualifiés de sauvages par fil de fer et la ville du calife n’est autre que "Krouiahabad". On reconnaît bien dans ce néologisme un des mots insultants pour désigner les Arabes, "crouilles". 


Une population naïve, inculte et finalement inoffensive
Les Arabes ne sont finalement pas si méchants. Ils sont seulement naïfs. C’est en tous cas la vision qu’en donne l'auteur à la page 3 : « vous avez vu ? Il tue les lions avec son derrière ! ». 


Mais les Arabes ont beau être des sauvages ils n’en sont pas moins poltrons. Cette poltronnerie se retrouve à deux reprises. La fuite de la horde armée lorsque Marius tue un lion avec son derrière : « Par le prophète! Sauve qui peut! » et surtout la dernière scène. Cette scène nous montre des Arabes fuyant les troupes françaises. Leurs visages sont apeurés, terrifiés. Derrière, l’armée française est joyeuse, rigolarde, tellement sûre de sa force et de sa victoire que fusils et épée sont levés. D’ailleurs, ils ne tuent pas vraiment, on a l’impression qu’ils jouent avec les Arabes. Bref, un jeu d’enfant, comme semble le suggérer la dernière case : « En avant les enfants !». A moins que cette dernière ne suggère aussi le « Allons enfants de la patrie … ».


   


En définitive, une situation de sauvagerie qui justifie la colonisation comme "mission civilisatrice" (Jules Ferry). La colonisation souvent présentée comme une libération est ici présentée comme une double libération : libération de la sauvagerie mais aussi de nos deux héros marseillais.
Est-ce une vision raciste ? Peut-être, mais elle correspond certainement à ce que pensait la population de l’époque car on a vu que R. Dansler est un dessinateur connu qui a du succès. Et finalement en matière de cliché sur les civilisations différentes il n’a rien à envier à un auteur plus connu : Hergé.


Par Eric Gevia, Mathieu Anselmino, TigranYeghiazarian et Eddy élèves de 1ère ES 1- Lycée Saint-Charles Marseille - FRANCE

L'auteur publie des BD régulièrement inspirées par les horizons exotiques (résurgence de son passé d’officier dans la marine pendant Première Guerre mondiale ?) : Pomme et roudoudou dans la jungle en 1946 ; Dans les griffes du serpent vert en 1941 ; Le bal des serpents en 1942, ou encore par Marseille :Almanach Escartefigue en 1938. Il publie une petite bande dessinée bourrée de clichés sur les Arabes : Mohamed fil de fer et Ali boubou Marius. Nous n’avons trouvé aucune information sur cette BD, aucune référence. La date de publication n’est pas indiquée mais c’est probablement juste après 45 puisque c’est édité chez Artima. Peut être avons-nous mal cherché, peut être y a-t-il volonté de ne pas écorner un auteur connu.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire