«Lakhdher», «3icha makrouna», «Tunis 2050», «Barhouma Barhouma» font désormais partie des personnages et des séries que la rue tunisienne connaît ou affectionne. C’est depuis 2007, que la conquête de l’image animée dans le paysage publicitaire tunisien se met en place.
Cette tendance n’est pas propre au marché local. Elle hisse ses voiles dans le monde entier. Pourquoi la publicité se tourne t- elle vers cette nouvelle technique et cela coûte t-il moins cher que la publicité classique ?
L’animation en 3D dans la publicité en Tunisie, date depuis un peu plus longtemps que cette récente vague. Certains, ont encore le vif souvenir d’une animation qui a toujours été présente dans le paysage publicitaire audiovisuel avec notamment, le spot qui loue les attraits de la réclame dans les salles de cinéma dans les années 70. Ce n’est que dans les années 90, avec l’arrivée des logiciels de synthèse d’images qui sont intégrés aux ordinateurs que la technique devient relativement plus accessible. Tout comme l’avènement de la PAO pour l’édition –Publication Assistée par Ordinateur, celle-ci vulgarise les films d’animations.
La Présidente du SAPA, Afifa Chihaoui (Groupe McCann Tunisie) se souvient : «En 1997 et à mon retour de l’étranger avec FP7, nous avons commencés a travaillé la 3D dans les « packs shot » et dans les animations promotionnelles (jeux) des spots publicitaires. La 3D en Tunisie a beaucoup évolué depuis. Elle progresse vite et bien. Les divers programmes et films publicitaires en sont la meilleure des preuves. Les potentialités sont énormes et aujourd’hui, notre souci est la disponibilité du matériel technique. Il faut vraiment davantage d’investissements dans la technologie. Les compétences sont en place et il y’ a énormément de jeunes qui ont beaucoup de talent et une soif d’apprendre infinie. Ils sont vraiment doués. Il suffit de les encadrer et de leur donner les moyens afin de les aider à percer».
Au jour d’aujourd’hui, les annonceurs sont aussi une catégorie qui se passionne pour la 3D. De plus en plus séduits par la technique, ils ont les budgets qu’il faut pour passer les commandes et soutenir la créativité. Ils voient en la 3D, un moyen privilégié de toucher une cible sur un ton ludique. Si cette recette a visiblement le vent en poupe, c’est parce qu’elle est très proche du public tunisien et de son humour principalement. Elle touche surtout un segment jeune en s’appuyant sur les nombreuses références à son quotidien, reprenant son vocabulaire et se rapprochant au maximum de lui.
Enseignante et chercheur, Amira Trabelsi (ISG Tunis et ww.marketeuz.com ) a crée un blog qui traite des nouvelles technologies. Elle résume la situation comme suit : «le tunisien s'est familiarisé avec la 3D. Il l’apprécie vraiment et cela explique le recours des entreprises à cette technologie. C'est simple, beau, pas cher, proche de notre quotidien (surtout si le discours des personnages est bien fait) et ça l'air "IN" nouveau et plutôt branché»
Pour expliquer l’engouement des annonceurs pour la 3D, Nejla Chaar, Directeur de la communication de «Tunisiana», est on ne peut plus claire. : «Une marque peut se tourner vers l’animation 3D pour être plus contemporaine et plus innovante par un traitement de l’image différent et différentiateur. Le but d’une marque n’est-il pas de toujours se« démarquer» ? Cette technique permet d’être plus réactif et ne pas avoir à subir la lourdeur d’une réalisation cinématographique traditionnelle avec son lot d’impondérables : conditions météorologiques pour le tournage, disponibilité des acteurs et figurants, stylisme, maquillage.... Il faut aussi retenir que lorsqu’une marque mise beaucoup sur la publicité on-line, la 3D s’avère être la technique la plus appropriée en termes de compatibilité de formats et de poids».
Cependant, produire une pub en 3D, coûte t-il moins cher pour les entreprises ? Pour CGS et son Directeur Général Riadh Ghariana, la réponse est affirmative. «Généralement, la 3D est moins chère que le tournage réel, mais le recours des annonceurs à des pubs en 3D n'est pas lié uniquement au coût.
Le prix se détermine à partir de plusieurs critères, tels que le nombre de décors, de personnages, de la durée du spot,...C'est une équation entre différents paramètres. Il faut compter, entre 15 000 d à 50 000 d pour un spot d'une certaine complexit»
Du côté des annonceurs et des décideurs qui gèrent les budgets de création, on refuse de se contenter de répondre par l’affirmative. Najla Chaar rétorque activement : «Ce n’est ni plus cher, ni moins cher. Cela coûte le coût de l’art, du temps, de l’innovation et de l’imagination. Réaliser une idée forte et différente coûte aussi à une marque les moyens qu’elle a consentie à mettre pour atteindre un objectif»
La question qui reste en suspens est alors, sans appel : Quel est le coût de l’art ? Celui du temps, de la réussite et du prix à mettre pour créer la différence entre les entreprises ?
Le cas des pâtes « Rose Blanche » est l’un des plus édifiants. La marque parie sur un feuilleton télévisé depuis 3 ans pour traiter avec humour et dérision la vie d’une famille tunisienne moyenne. La série qui dure deux minutes, passe durant le mois de ramadhan qui représente un pic dans l’investissement publicitaire au sein des entreprises tunisiennes. La marque semble satisfaite de sa stratégie. Son taux de notoriété pourrait atteindre 50 ou 60 % pour cette année. Zied Lazghab, responsable du Marketing de la société alimentaire déclarait dans le magazine Jeune Afrique «notre feuilleton a permis d’accéder à une notoriété généralisée avec plus de 60% des personnes interrogées qui ont regardé au moins un épisode ; Plus un seul tunisien n’ignore notre série. Et à un cout abordable. Le prix d’un épisode de deux minutes d’icha Makrouna équivaut à un spot de 30 secondes de 100 000 d à 160 000d»
Pour les professionnels, le marché de la publicité en Tunisie est en train de mûrir. Selon Hassen Zargouni, patron de Sigma Conseil, ceci témoigne «de la place qu’il y’a pour une vraie industrie de la production audiovisuel» Il lui reste, entre autres, à passer à une vitesse supérieure : Investir complètement l’approche interactive.
Il semble que l’un des avenirs possibles de la publicité, se trouve dans l’interactivité. Le consommateur ne pourra, ni voudra, subir plus longtemps les messages publicitaires. Najla Chaar précise à ce sujet, que le consommateur «voudra agir de plus en plus. D’ailleurs, cela fait plusieurs années que l’on parle de «consommateur». Les exemples de jeux publicitaires en ligne (Advergames) sont nombreux à l’étranger. En Tunisie, quelques marques s’en sont un tout petit peu rapproché. Quoiqu’il en soit, si l’interactivité est l’avenir de la publicité, la technique d’animation 3D est pour le moment, la technique qui lui est la plus approprié».
Loin d’être une technique pour amateurs, vulgarisée par des logiciels accessibles à tous l’animation 3D est un univers de créativité. Les animations 3D sont des œuvres artistiques à part entière. Les plus enthousiastes estiment que l’image virtuelle serait même un atout pour l’Art. N’étant pratiquement pas soumise à l’impondérable, elle peut repousser les limites de l’imagination. Un fait est désormais certain, elle est désormais l’un des alliés majeurs de l’entreprise.
Au jour d’aujourd’hui, la question est de savoir si la créativité tunisienne est arrivée à maturité. La qualité des films tunisiens est –elle en mesure d’être reconnue par les publicitaires européens et ceux du monde entier ? Peut-elle envisager de s’exporter ?
Par Amel Djait - Source de l'article Webmanagercenter