Le studio casablancais d’Ubisoft est le seul du genre sur le continent. Immersion dans l’univers décontracté mais exigeant de cette filiale qui conçoit des jeux vidéo de renommée internationale.
Si la plupart des grosses productions visibles à l’E3 proviendront des studios américains ou japonais, l’Afrique est elle aussi représentée, grâce au studio marocain du groupe Ubisoft, le seul du genre sur le continent. Un nouveau jeu conçu et développé à Casablanca – le neuvième entièrement réalisé dans la capitale économique du royaume – et destiné à une console portable dévoilée lors de ce salon par l’éditeur français, qui occupe le quatrième rang mondial avec plus de 150 millions de jeux vendus dans le monde, dont Rayman, Tom Clancy’s…
Installés à Casanearshore, petite Silicone Valley dédiée à l’informatique, près de 150 créateurs de jeux vidéo s’affairent dans des locaux modernes, hyperconnectés et entourés de verdure, dans une ambiance décontractée, cravate bannie et tee-shirt de rigueur. Ces passionnés comptent bien imprimer une touche marocaine au monde du jeu vidéo.
Frédéric Gallemand, directeur général du studio, explique l’intérêt pour Ubisoft de s’implanter au Maroc : « Le pays dispose de bonnes écoles d’ingénieurs, d’une main-d’œuvre qualifiée peu onéreuse, il est proche géographiquement et culturellement de la France, mais il est surtout le plus important bassin de joueurs du Maghreb, ce qui est primordial pour recruter notre personnel. » En l’absence d’une école marocaine dédiée à ses métiers, Ubisoft forme lui-même des employés au cursus généraliste et parie sur leur passion comme moteur d’apprentissage.
Un monde ludique
Pour rester au plus près de la concurrence et trouver l’inspiration, les salariés d’Ubisoft Maroc jouent beaucoup. Ils disposent même d’une console au centre du studio pour leurs pauses. « Je passe plus d’une heure par jour à tester tout ce qui sort pour prendre des idées », explique Abdelwahed Ben Yahya. Mais qu’on ne s’y trompe pas, si le développement de jeux est certes passionnant, c’est surtout un métier exigeant : « Le producteur d’un jeu a la lourde charge de gérer des délais de réalisation d’un à deux ans, des budgets serrés, de 300 000 à 20 millions d’euros, et des équipes de 20 à plusieurs centaines de personnes. Il doit constamment arbitrer, entre les envies des designers, les demandes des graphistes et animateurs, et les contraintes de programmation des informaticiens », détaille Abderrazzak el-Kaouni.
Le célèbre « Prince of Persia »
Ce projet réussi vaut ensuite au studio casablancais d’être choisi pour la conception du célèbre Prince of Persia, sur Playstation 2, en 2005. Quand le projet passe en phase de réalisation, il migre au Québec et embarque avec lui vingt-cinq Marocains pour une année au studio de Montréal, reconnu comme l’un des meilleurs au monde. Une expérience qui a permis d’étoffer encore les compétences de l’équipe et de valoriser certains atouts locaux. « J’ai utilisé mes références culturelles marocaines pour créer une ambiance conforme à l’esprit des Mille et Une Nuits », indique Younes el-Garab. Depuis 2005, le studio de Casablanca réalise intégralement des jeux pour les petites consoles portables comme la Nintendo DS. « Le siège parisien ne nous fournit plus qu’un “mandat”, c’est-à-dire les lignes directrices d’un jeu (univers, personnages principaux et charte graphique). Nous sommes ensuite entièrement maîtres de la réalisation », explique Abdelwahed Ben Yahya. Ubisoft Casablanca a ainsi développé seul la série loufoque des Lapins crétins pour la DS, qui a fait un tabac de 2006 à 2009.
Douze ans après la fondation du studio, en dehors du directeur général et de l’administrateur, tous les membres du personnel, encadrement compris, sont marocains. Certains d’entre eux, tels Younes el-Garab et Jalal Eddine Ben Mansouri, ont même été envoyés comme consultants en Bulgarie et en Inde pour épauler les derniers studios créés par le groupe. Leur rêve est maintenant de développer intégralement un de ces prestigieux « triple A » dans un univers typiquement marocain, comme les villes impériales de Fès et de Marrakech.
Par Christophe le Bec - Source de l'article Jeune Afrique
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