vendredi 19 septembre 2014

Une BD purement « Tounsi »

Pendant la dernière foire du livre, un groupe de dessinateurs ont installé un stand devant la porte d’entrée, proposant aux passants une BD « moins chère qu’un makloub ». Le « Lab619 » était à ce moment-là à son deuxième numéro.
 
 Quatrième numéro de Lab619
Une BD purement « Tounsi » 
 En juillet 2014, le quatrième numéro est sorti, marquant un tournant dans cette expérience autogérée et autofinancée. « Le magazine a finalement défini sa personnalité et ses choix », nous raconte Need All, dessinateur et coordinateur du projet. « Auparavant distribué dans plusieurs librairies en Tunisie, nous avons opté pour une distribution réduite et de multiplier les rencontres-dédicaces avec le public », ajoute-t-il.
Après le 14 janvier 2011, les plumes des dessinateurs se sont libérées. Avec une quinzaine d’entre eux, le collectif Koumik est né, publiant en octobre de la même année un livre sur les élections. Presqu’un an plus tard, ils se sont revus afin de réfléchir à une suite à cette aventure. « A part les magazines qui ont bercé notre enfance, comme « Kaous Kouzah », il n’y avait rien en matière de BD en Tunisie », raconte Need All. Cette rencontre a donné naissance à « Lab619 », une BD pour adultes qui se veut un laboratoire expérimental pour ses faiseurs, avec une appellation annexée du code à barres tunisien. Mais, surtout, le prix de cette BD ne doit pas dépasser celui d’un « makloub escalope » (sandwich tunisien populaire), pour être autant accessible pour les Tunisiens.
Dans ce quatrième numéro, des coups de crayon aux personnalités différentes s’expriment en arabe, en français, en anglais et en dialecte tunisien. « On se rapproche de nos lecteurs grâce au tunisien et cela donne des histoires qui lui ressemblent», raconte Need All. L’édito du Lab619 est d’ailleurs en tunisien. Les BD, sur divers thèmes sociaux, culturels et politiques d’actualité, se déclinent avec des dialogues où l’humour n’a pas froid aux yeux. Leurs auteurs, tous passionnés de BD, ont entre 12 et 60 ans. Grâce à cette expérience, certains d’entre eux se sont lancés dans leurs propres projets.
L’aventure a été passionnante mais pas de tout repos. « Nous avons, ensemble, beaucoup appris et découvert tant de nouvelles choses sur le monde de la BD, comme le métier de scénariste », nous déclare Need All. La sortie des premiers numéros a été ponctuée d’événements marquants : l’assassinat de Chokri Belaid et puis celui de Brahmi. Il fallait trouver l’énergie pour continuer. Certains sont partis, d’autres sont restés et pour ces derniers, il fallait marquer le coup, poursuivre… Le troisième numéro est sorti avec une nouvelle vision, qui privilégie la rencontre avec le public. Le quatrième n’y a pas dérogé. Depuis sa parution, des séances de dédicace ont eu lieu. Le Lab619 a participé à différents événements, et prendra part au Bazar de la galerie Agora le 13 septembre.
L’engouement pour ce livre d’images dépasse nos frontières. Need All nous explique, en effet, que le Lab619 reçoit des propositions pour exposer en Europe. La BD attire la curiosité de chercheurs et d’universitaires étrangers, travaillant sur la transition en Tunisie, nous apprend-on. « Notre objectif est de transmettre cette expérience à d’autres », nous assure Need All. Il est convaincu que l’heure du retour du 9e art en Tunisie viendra. « Il faut créer le marché. Les jeunes Tunisiens achètent la BD étrangère, alors quand l’offre locale atteindra le niveau, ils l’achèteront », résume-t-il.
Par Narjès TORCHANI  - Source de l'article La Presse

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