lundi 21 mai 2018

L’industrie africaine du jeu vidéo : de la croissance à la reconnaissance.

Résultat de recherche d'images pour "L’industrie africaine du jeu vidéo : de la croissance à la reconnaissance. Le marché du jeu vidéo en Afrique commence à se construire et se structurer."
L’industrie africaine du jeu vidéo : de la croissance à la reconnaissance.
Le marché du jeu vidéo en Afrique commence à se construire et se structurer.

Les jeux vidéo représentent aujourd’hui l’industrie culturelle la plus dynamique au monde autant en matière de rentabilité que de reconnaissance. Seulement en 2017, le marché mondial du jeu vidéo a généré 78.6 milliards de dollars. Et il est estimé à 82.4 milliards de dollars en 2018 et vaudra 90 milliards de dollars d’ici 2020. Bien plus que les revenus combinés de l’industrie du cinéma et de la musique. Malgré l’essor mondial de cette industrie, le continent africain semblait jusque-là en être épargné. De plus en plus les développeurs africains s’accaparent des parts du gâteau.

L’Afrique, souvent traitée comme un endroit exotique pour les jeux vidéo[i], ne faisait jamais partie des plans des grands éditeurs et développeurs de jeux. Or, aujourd’hui, différents facteurs laissent à penser que le continent est prêt à accueillir ce marché. Nous assistons, d’une part, à l’émergence d’une classe moyenne plus jeune, plus connectée et aspirant à de nouveaux horizons. D’autre part, le marché africain des jeux vidéo est en pleine expansion[ii], notamment avec l’usage croissant des smartphones qui démocratisent l’accès et la pratique du jeu vidéo. On assiste, de par le continent, à la création de studios de développement de jeux vidéo, mais davantage pour les plateformes mobiles que PC ou consoles.

Une dynamique en croissance…

Au Kenya et au Ghana, Leti Arts produit des BD et des jeux vidéo pour mobile comme Ananse : The Origin, basé sur un folklore épique du Ghana. Ils ont également développé Afrocomix[iii], une application mobile qui donne accès à des contenus africains (BD, fonds d’écrans, courtes animations…) inspirés des récits et de la culture africaine (Cameroun, Ghana, Kenya, Egypte, Sénégal, Afrique du Sud, Zimbabwé…) et destiné au public africain, à la diaspora et à toute personne ayant soif de contenus originaux et authentiques sur l’Afrique.

Au Nigéria, Kunle Ogungbamila, est à la tête de Kuluya, une startup avec plus d'une centaine de titres à son actif, et composée d'une équipe diversifiée avec des expériences plurielles. En Afrique du Sud[1], Liebenberg, a fondé en 2013 le studio de développement de jeux mobile Thoopid, connu pour son travail approfondi sur Snailboy. Au Sénégal, Awa C., Awa G. et Binta ont développé Dakar Madness le premier jeu vidéo du pays. Toujours au Sénégal, Seynabou Sylla a créé la start-up Cauriolis dans le but de réinventer le jeu vidéo en lui donnant un sens africain. Cauriolis développe le projet "Mansah", une série de jeux vidéo mettant en scène des héros de l'histoire africaine. En 2016, le jeu Cross Dakar City qui est une forme de sensibilisation par le jeu est mis sur le marché.

Au Kenya, le studio Black Division Games diffuse Nairobi X[2] en août 2015, qui fut téléchargé 21 000 fois en deux mois. Au Togo, LimPio Studio a lancé The Boy In Savannah, le premier jeu vidéo conçu et produit localement en Décembre 2015. Au Bénin, le studio Irooko sort leur premier jeu mobile en aout 2016 : Les Aventures de Béhanzin, qui a reçu un accueil favorable et a suscité un engouement considérable. Ce jeu met en action le Roi Béhanzin, un personnage historique de la résistance africaine contre le colonialisme. Au Cameroun, le studio Kiroo Games diffuse sur la plateforme Steam, le 14 avril 2016, le premier jeu vidéo camerounais : « Aurion : L’Héritage des Kori-Odan ». 

Comme on peut s’en apercevoir, l’industrie du jeu vidéo en africaine est dynamique et l’on dénombre déjà au moins une trentaine de studios répartis sur le continent. Mais de nombreux facteurs entravent l’émergence, la croissance et la structuration de cette filière.

Une faible visibilité et légitimité…

L’organisation Internationale des développeurs de jeux vidéo (IGDA) ne dispose que de sept représentations[iv] à travers l’Afrique : Cameroun, Egypte, Nigeria, Sénégal, Afrique du Sud (Cape Town), Tunisie et Maroc. Une présence évaluée à 7,41% par rapport aux 54 Etats africains. Des 7 représentants, seuls 3 disposent d’une présence en ligne avec l’existence d’un site web (Nigeria) ou sur les réseaux sociaux (Afrique du Sud, Nigeria et Sénégal).

Cette très faible visibilité internationale des acteurs africains de l’industrie du jeu vidéo n’est que la face émergée de l’iceberg. En effet, les entrepreneurs et développeurs africains de jeux vidéo font face à de nombreuses difficultés, notamment au niveau des méthodes de paiement des jeux par les utilisateurs[3], le problème d’accès à internet, l’insuffisance de professionnels et d’une main d’œuvre qualifiée, l’absence de chaine de distribution, l’insuffisance des canaux de distribution et de commercialisation ; et surtout la grande difficulté d’accès au financement.

Selon Olivier Madiba, fondateur de Kiro’o Games, premier studio de jeu vidéo en Afrique centrale, le financement est un obstacle majeur, « la partie la plus difficile [dans la réalisation d’Aurion] était d’avoir les premiers investisseurs ; vous le savez, il y a toujours la crainte que nous soyons une arnaque »[v].

Les décideurs politiques et culturels, ceux de l’industrie des jeux et de l’éducation doivent donc collaborer pour accompagner et soutenir l’entreprise vidéoludique émergente sur le continent. Car au-delà du divertissement, le jeu vidéo constitue un formidable outil pédagogique dans la formation et l’enseignement[vi].

Ce marché demeure encore non-saturé sur le continent et principalement en Afrique subsaharienne, où l’on ne dispose pas encore d’entreprise spécialisée sur la production de jeu sérieux ou d’applications ludoéducatives. Un secteur qui est appelé à se développer au regard des innovations techno-pédagogiques en cours dans le monde de l’éducation et de la formation.

Par Christian Élongué - Source de l'article Cursusedu

Références

[1] En 2012, l'Afrique du Sud était en tête dans l'économie du jeu vidéo des pays d'Afrique, avec 1,7 milliard de rand de chiffre d'affaires au total, et 3,5 millions de joueurs, un chiffre d'affaires deux fois plus élevé que celui de la musique. Le seul magazine en ligne consacré au jeu vidéo du continent, NAG online, est aussi sud-africain.
[2] La presse française le considéra comme le tout premier jeu africain. Toutefois, il n’était pas exact de dire qu’il s’agissait du premier jeu africain. La première expérience, Toxic Bunny, qui mettait en vedette un lapin mutant dans un monde sous-terrain a été créée en 1996 par un studio sud-africain.
[3] La majorité des jeux disponibles sur les plateformes Google Play Store ou App Store ne peuvent être achetés qu’à travers une carte bancaire. Or la majorité de la population n’utilise point ce mode de paiement. Les développeurs ont donc développé des méthodes de paiement alternatifs comme le transfert d’argent par mobile. Nonobstant, cela affecte la distribution effective et rapide de ces jeux auprès de la population.
[i] Roberge Alexandre, « Le jeu vidéo et l’Afrique : une aventure qui commence », Thot Cursus, 2016, https://cursus.edu/articles/35716.
[ii] L’industrie du jeu vidéo vise désormais un public de plus en plus large en recouvrant des formes et des thématiques les plus variées. Destinés à l’origine aux adolescents, la donne a considérablement changé puisque les éditeurs ciblent de plus en plus la gente féminine. Une étude du Entertainment Software Association « 2017 Essential Facts About the Computer and Video Game Industry », The Entertainment Software Association, 2017, http://www.theesa.com/article/2017-essential-facts-computer-video-game-industry/., nous apprend que la proportion de femmes de plus de 18 ans (36%) qui jouent à des jeux vidéo est (de loin) plus importante que celle des hommes de 18 ans et moins (17%). 
[iii] Christian Elongué, « A la découverte d’Afrocomix, application mobile avec des BD et animations made in Africa », Afropolitanis, 25 mars 2018, http://lafropolitain.mondoblog.org/2018/03/25/decouverte-afrocomix-application-mobile-bandes-dessinees-animation-made-africa-afrofuturist/.
[iv] « Chapters - Professional - International Game Developers Association (IGDA) », consulté le 22 mars 2018, http://www.igda.org/?page=chaptersprofessional.
[v] Diakité Kader, « L’essor de l’industrie africaine des jeux vidéo : 5 startups à suivre », Next-Afrique, 2014, http://www.nextafrique.com/l-essor-de-l-industrie-africaine-des-jeux-video-5-startups-captivantes-a-suivre.
[vi] Marie Musset et Rémi Thibert, « Quelles relations entre jeu et apprentissages à l’école? Une question renouvelée », Dossier d’actualité de la VST 48 (2009): 1–15; Vincent Berry, « Jouer pour apprendre: est-ce bien sérieux? Réflexions théoriques sur les relations entre jeu (vidéo) et apprentissage », Canadian Journal of Learning and Technology/La revue canadienne de l’apprentissage et de la technologie 37, no 2 (2011).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire