samedi 3 mars 2007

Fekri et Kaslane, un cartoon de Yosri Bouassida,

Leçon de vie
Enfin, une production cartoon 100% tunisienne, nourrie par des ingrédients de nos trésors patrimoniaux, est programmée prochainement sur les écrans de notre chaîne nationale. Fekri et Kaslane est le nouveau-né engendré par Yosri Bouassida dans le domaine cinéma pour enfants, en matière de dessins animés, et qui sera diffusé en feuilleton.
Des personnages prisés par l’innocence enfantine, plus proches de l’imaginaire que du réel. Le scénariste Yosri et son équipe, emplis de ferveur et de dynamisme, n’ont oublié aucun atout, ou support d’instruction qui peut renseigner l’enfant sur ses racines, et mieux connaître ses ancêtres. Valeurs qui ne viennent pas d’ailleurs, puisque architecture, costumes, décor et environnement sont inspirés de notre civilisation séculaire. Tout en fusionnant les exigences de notre modernisation.
Cela fait chaud au cœur de rencontrer ce souci pour la génération de demain. Une génération qui reprendra le flambeau pour hisser notre culture au plus haut niveau. C’est le souci de Yosri Bouassida, aspirant à une nation saine épargnée de toute déviance. Une question qui n’a cessé de ronger l’existence de Yosri Bouassida qui, par ailleurs, a réussi à donner naissance à une revue pour enfants intitulée Faracha.
C’est aussi un support que l’auteur va exposer à la prochaine Foire du livre de Sfax. Faracha, portant également des instructions, faciles à mémoriser, surtout que les parents d’aujourd’hui ploient sous le poids de la responsabilité quotidienne. Alors, une leçon du respect du code de la route, par exemple, sera la bienvenue.
 
L’oiseau au portable… occupé en ce moment
Et que dire de ce dessin animé, typiquement et purement tunisien, qui essaie de remplacer les hamburgers par market khodhra, sauce de blettes, et pain cuit tabouna ? N’est-il pas mieux d’accompagner le bourgeonnement de nos progénitures par les soins et les apports de notre culture patrimoniale et authentique ? Imaginez que l’attention d’un spectateur étranger, qui assiste à la première projection de ce cartoon, se porte sur le pourquoi de la petitesse de la table à déjeuner ? Alors que c’était l’un de nos précieux legs traditionnels : la mida. Cela n’est rien devant les autres surprises, telles les briques architecturales, les voûtes, les cascades, les sources d’eau et, cerise sur le gâteau, l’articulation géniale entre les animaux et la technologie de pointe. Un coup de cœur lorsque Kaslane (le personnage principal du film) a reçu un coup sur la tête, et ces oiseaux venant tourner autour de lui. Et l’un d’eux s’excusant même en répondant sur son portable et se désolant d’être très occupé ! Cela a fait rire tout le monde!
Fekri et Kaslane est une enjeu de taille. Surtout que cette réalisation cartoon a été conçue avec les nouvelles technologies et sans aide extérieure. Tout simplement en faisant appel à des jeunes doués et passionnés, nos jeunes maîtrisards, informaticiens et techniciens. Autrement dit, c’est jouer dans la cour des grands, c’est un défi à gagner ! A vrai dire, personne ne peut nier que les dessins animés sont les plus difficiles à réaliser, surtout la constitution ou le tissage de l’histoire ou du scénario. Sans oublier les éléments pédagogiques (de chasse), axant sur l’esprit captif et l’intelligence de l’enfant.
 
Influence indésirable…
Et pour Yosri Bouassida, c’est un rêve qui ne fait que commencer, puisque il pétille de détermination tenace, d’énergie et d’inspiration inépuisable.
Pour cela, il ne cesse de souligner que Fekri et Kaslane, Faracha et bien d’autres surprises sont pour lui «une manière d’inculquer à l’enfant la fierté de ses origines et de lui insuffler son histoire culturelle. Autrement dit, le protéger des déséquilibres ou des influences indésirables dont souffrent certains de nos ados. C’est aussi le sauver du déracinement et de semer en lui à petites doses le sens du patriotisme. Ces récits cartoons contemporains sont basés sur la fluidité de la compréhension, pilotés par une pédagogie adéquate à l’environnement de l’enfant du nouveau millénaire, tout en prenant en considération des enjeux de la nouvelle technologie. Nous voulons que nos bourgeons éclosent en assimilant les bonnes manières et de bien se comporter en société. Et ce, en leur inculquant les valeurs incontestables d’échange en matière de respect, tout en les motivant pour éveiller en eux le désir d’être ambitieux, généreux et tolérants. C’est leur inculquer le sens de la responsabilité, de l’entraide et de la solidarité».


Source de l’article La Presse &  Jetsetmagazine

jeudi 1 mars 2007

L’histoire de la bande dessinée algérienne


La bande dessinée voit le jour en Algérie à travers la presse coloniale des années 1950 qui publie quelques caricatures, mais il faut attendre l’Indépendance de 1962 pour que son histoire débute vraiment.

En effet, le pays va utiliser ce moyen d’expression afin d’illustrer la fierté de sa libération. Plusieurs magazines de presse, comme Algérie-Actualité font alors appel à des dessinateurs tels que Haroun et Chid. C’est d’ailleurs à cette époque qu’apparaît un des personnages phares de la bande dessinée algérienne, crée par Slim : « Mimoun » qui deviendra plus tard « Bouzid » un pauvre habitant de Oued Besbes qui doit affronter Sid Sadik, le seul riche du douar aussi affairiste qu’intégriste qui essaie de lui ravir sa compagne, Zina.

En 1969 apparaît la première revue de bandes dessinées sous le nom de M’quidech (nom d’un personnage mythique des contes populaires algériens) créée par un groupe de « bédéistes », et publiée en français et en arabe par la SNED (Société Nationale d’Edition et de Diffusion) afin de concurrencer les nombreuses publications françaises de l’époque. Pour cela, ils décident de privilégier les héros de type algérien, les décors et les costumes nationaux et narrent de manière distrayante l’histoire de l’Algérie. Par exemple, une des rubriques, intitulée « De nos montagnes », retrace les hauts faits de la guerre de libération. Ce qui est le plus étonnant dans ce projet c’est que la moyenne d’âge des dessinateurs est alors de 16 ans !

Daiffa, L’Algérie des Femmes
Mais, en 1972 la SNED décide d’interrompre la publication de la revue. D’autres périodiques suivront avec un moindre succès. Pendant ce passage à vide, seul Slim continue de publier régulièrement dans différentes revues officielles.
Il faut attendre les années 80 pour voir un nouvel essor comme le prouve le premier festival de la bande dessinée et de la caricature de Bordj El Kiffan en 1986. L’Etat recommence alors à aider financièrement certaines publications. Les thématiques, elles, sont toujours très liées à l’actualité de la société algérienne notamment la question de la parité.

Daiffa, L’Algérie des Femmes
Après les manifestations de 1988 contre le parti unique, le président Chadli Ben Djedid qui désire une démocratisation du pays autorise la presse indépendante à critiquer librement le régime. Cela provoque un foisonnement de publications et favorise l’apparition de nouveaux talents. Parmi eux, la dessinatrice Daiffa qui est la première femme à s’être lancée en autodidacte dans le dessin de presse. Ses planches (regroupées dans le recueil L’Algérie des femmes) témoignent de la vitalité de la lutte des femmes algériennes et de leur humour féroce lors des situations difficiles.

Certains « bédéistes » décident de créer un nouveau périodique El Manchar(« la scie ») qui mélange textes et dessins satiriques. Cette revue tirée à 200 000 exemplaires connaît un franc succès et fait découvrir de futurs grands dessinateurs tel que Gyps même si sa ligne éditoriale, libre et rebelle, effraie certaines personnalités du pouvoir qui essaient de museler le magazine.

Gyps, Algé Rien

Malheureusement, tout cet élan créatif s’écroule lors du déclenchement de la guerre civile en 1991. Les premières cibles des islamistes sont les intellectuels, les journalistes et les dessinateurs de presse. Certains sont assassinés, d’autres contraints à s’exiler. C’est le cas du bédéiste Gypsqui autoéditera en France des albums sur la guerre civile (FIS and love), ou encore sur la vie sexuelle des Algériens (Algé rien).
L’installation en France de nombreux dessinateurs fait alors connaître la bande dessinée algérienne de l’autre côté de la Méditerranée. Parmi les plus célèbres, Jacques Ferrandez et ses Carnets d’Orient qui retracent, depuis les années 1830 jusqu’à la guerre de libération, l’histoire de l’Algérie à travers un kaléidoscope d’histoires fragmentées, de personnages divers qui n’exclut ni les préjugés ni les violences mais qui échappe brillamment aux caricatures (à noter que le 9ème tome doit paraître en mai 2007).

Ali Dilem, caricature de Bouteflika  
Citons également Farid Boudjellal. Né en 1953 à Toulon, il est à la fois humoriste, chroniqueur, scénariste et illustrateur de bandes dessinées. Son œuvre généreuse est à la fois humoristique et grave. Toujours innovant, il aborde divers sujets tels que les couples mixtes (Jambon-Beur), l’extrémisme religieux (Juifs-Arabes) ou encore l’histoire partiellement autobiographique d’un garçon atteint de la polio (Petit Polio et sa suite dont le dernier tome paraîtra prochainement et sera consacré à un cousin harki).

Pour en revenir à l’Algérie, depuis la fin de la guerre civile trop peu de choses ont changé concernant la liberté d’expression. Au niveau juridique, un amendement a même été adopté par le parlement en 2001 prévoyant des peines de deux à douze mois de prison ainsi que des amendes de 50 000 à 250 000 dinars (730 à 3 700 euros) pour toute « atteinte au président de la République en termes contenant l’injure, l’insulte ou la diffamation, soit par l’écrit, le dessin ou par voie de déclaration ». Ce genre de préjudices est également condamnable s’il concerne le Parlement, l’armée ou d’autres institutions publiques. Par exemple, Ali Dilem, dessinateur algérien du quotidien Liberté s’est vu assigner 24 procès réclamant des peines de prison ferme ou de lourdes amendes simplement pour avoir caricaturer le président Abdelaziz Bouteflika. Rien d’étonnant alors que l’organisation Reporters Sans Frontières place en 2006 l’Algérie dans son classement mondial de la liberté de la presse au 126ème rang sur 168.

En conclusion, bien qu’il ait été longtemps considéré comme le pays de la bande dessinée au Maghreb, l’Algérie produit actuellement un très faible taux de bandes dessinées, la plupart des planches apparaissant dans des revues et non dans des albums. Paradoxalement, son lien étroit avec l’actualité politique et sociale du pays lui permet de se renouveler et de rebondir constamment.

Par Jessica FALOT - Source de l'article La Plume Francophone