Véritable document historique témoignant de la colonisation française en Algérie, la bande dessinée El Djazaïr rééditée par Raùl Mora (Envie de Lire), sera présentée ce soir (19 septembre) à 18h30 au centre culturel algérien à Paris. |
La bande dessinée El Djazaïr, commandée à la fin des années 70 par le gouvernement algérien pour raconter la présence française en Algérie, avait presque disparue. Rééditée l'année dernière, la BD est présentée en présence de l'un de ses auteurs, ce soir (19 septembre) au centre culturel algérien.
« Pour les personnes férues de BD et d'histoire, El Djazaïr c'est un peu le serpent du Loch Ness » explique Raùl Mora, éditeur (Envie de Lire). Ce dernier a travaillé pendant plus de deux ans pour rééditer la bande dessinée El Djazaïr qui avait quasiment disparu de la circulation pendant plus de trente ans. Pourtant conçu en 1977, cet ouvrage, commandé par le gouvernement algérien, évoque tout un pan de l'histoire algérienne, sa résistance face à la présence française.
Projet algérien, réalisation espagnole
En 1977, le gouvernement du président algérien Houari Boumédiène tient à transmettre la récente histoire d'Algérie à la jeunesse algérienne. L'idée de la bande dessinée arrive très vite, seulement le problème se posait de savoir qui pourrait la dessiner : « A cette période, il n'y avait pas de bédéistes algériens. Il était hors de question de travailler avec les Français, les Belges avaient également un passé colonial en Afrique de l'Ouest, les Américains étaient « le grand méchant loup » et les Argentins étaient sous dictature militaire. Des places fortes de la BD, par élimination il ne restait que l'Italie et l'Espagne » raconte Raùl Mora.
Par un concours de circonstance, grâce à un ami officier algérien, l'auteur espagnol Luis Garcia se voit confier le projet. Ce dernier, avec l'aide de l'auteur Adolfo Usero et du scénariste Felipe Hernandez Cava, dessine cette BD et attend l'édition.
Malheureusement le président Boumédiène meurt et le projet est enterré. Un an, plus tard, un jeune éditeur basque, Ikusager, s'intéresse à la BD et la fait paraître en 1979 « mais ça restera assez confidentiel » précise Raùl Mora.
Le colonialisme en dessins
« Exception faite de courts strips de Breccia [Dessinateur argentin (1919-1993), ndlr], c'était la première fois que le colonialisme (ici le colonialisme français) apparaissait dans des BD » indique Raùl Mora. El Djazaïr devait restituer la représentation qu'avait le pouvoir algérien de l'occupation française, notamment par l'intermédiaire d'Hassan Omar, émissaire d'Alger, qui « encadrait » le projet.
Mais les bédéistes espagnols ne se sont pas laissés faire : « Par exemple, dans la BD, Messali Hadj, une figure algérienne n'apparaissait pas. Il était personna non grata pour le gouvernement algérien » ajoute l'éditeur d'Envie de Lire. Devant les difficultés, les auteurs espagnols ont signé une BD qui s’avérera être « un véritable support pédagogique en couvrant une période allant du début de la colonisation française (1830) au 1er novembre 1954, début de l'insurrection armée contre la puissance coloniale française ».
Une BD qui dérange ?
Fin 2012, El Djazaïr a revu le jour par le biais d'une co-édition entre les maisons Ici même et Envie de Lire. « Nous ne voulions pas juste faire un « reprint », nous avons donc ajouté un dossier très dense pour recontextualiser les faits » tient à préciser Raùl Mora. La maison d'édition a fait un tirage de 4000 exemplaires, ce qui n'est pas négligeable pour une petite structure. En moins d'un an, 2500 exemplaires ont été écoulés « malgré très peu de presse ».
Il semblerait que le sujet et la façon dont il est traité rendent certains mal à l'aise : « Le ton gêne un peu. Il en ressort que la première des violences est le fait colonial et que la réponse du berger à la bergère était l'insurrection armée. C'est important que ça rentre dans les consciences » selon Raùl Mora.
Cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, la France a encore du mal à entendre certaines vérités. La réédition d'El Djazaïr est en cela un véritable document historique, témoignage de la colonisation française en Algérie.
Présentation d'El Djazaïr, ce soir (19 septembre) à 18h30 au centre culturel algérien à Paris. En présence d'Adolfo Usero (co-auteur), de Naïma Yahi, spécialiste de l’histoire culturelle des Maghrébins en France, du bédéiste Farid Boudjellal et de Raùl Mora (Envie de Lire).
Par F. Duhamel - Source de l'article Lecourrierdelatlas
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