Le nouveaux films d'animation de la RD Congo, du Burundi et du Rwanda ont été projetés pour la première fois au 19ème Afrika Film Festival de Louvain qui s'est déroulé du 21 mars au 6 avril 2014, en Belgique. Une occasion de découvrir les œuvres de la nouvelle génération de cinéastes en provenance d'Afrique centrale, lors d'une journée entièrement consacrée au cinéma d'animation.
L'initiative Afriqu'Anim'Action
Depuis quelques années déjà, le Festival de film africain de Leuven, l'un des plus importants du genre dans le Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), soutient les films d'animation d'Afrique. En 2009, il s'associe au projet Afriqu'Anim'Action, qui permettra à près d'une dizaine de jeunes artistes de réaliser un court métrage d'animation professionnel ainsi qu'une formation d'enseignants. Le producteur congolais Jean-Michel Kibushi, du Studio Malembe Maa, est à l'initiative d' Afriqu'Anim'Action. Il s'est aussi entouré de Léonce Ngabo réalisateur de Gito, l'ingrat et Président de l'ABCIS (Association Burundaise de Créateurs de l'Image et du Son) et de La Fabrique Imaginaire en Belgique. Ainsi, 9 films courts d'animation ont été réalisés en l'espace de trois ans.
Si Jean-Michel Kibushi a lancé le projet il y a quelques années, c'est pour outiller les jeunes talents qui n'ont pas les moyens de se former. En effet, il n'existe pas de structure en place dans leurs pays respectifs. Pour lui qui a commencé dans les rues de Kinshasa en 1998, alors qu'il n'existait presque rien dans le domaine, il est essentiel d'investir dans ce genre en Afrique. " L'animation permet d'aborder autrement des thèmes importants du point de vue sociétal et même des sujets rendus tabous ", nous confie-t-il. C'est d'ailleurs sous cette optique qu'il a travaillé jusqu'à présent.
Son premier film, Le Crapaud chez ses beaux-parents (1990), est une adaptation d'un conte tetela (groupe culturel congolais). Il sera suivi de Kinshasa, Septembre noir (1992) basé sur les témoignages d'enfants face aux événements tragiques [des massacres perpétrés par des militaires sur des civils, ndlr] survenus dans la capitale congolaise en septembre 1991.
Kinshasa septembre noir | Kibushi Ndjate Wooto & des enfants de Kinshasa | 1992 from Atelier Graphoui on Vimeo.
Ensuite viendront Mwana Mboka (Fils du Pays) en 1999, un film d'auteur (soutenu par le Fonds Francophone cogéré par l'OIF et le CIRTEF) sur l'exploitation des enfants de rue par des femmes d'affaires et Prince Loseno en 2004, un moyen métrage sur une histoire de succession.
Un film en stop motion (en attente de financement)
Prince Loseno |
Aujourd'hui, Jean-Michel Kabuki travaille sur Ngando (Le crocodile), une adaptation libre d'une des premières nouvelles de la RD Congo écrite pendant la colonisation sur le rapt d'un enfant par un crocodile sur le fleuve du Congo. Le film sera réalisé en stop motion (animation en volume, image par image) avec des personnages en silicone, le même procédé utilisé pour Prince Loseno, mais avec 16 images sur 24 au lieu de 12 sur 24, donc plus fluide. Une technique qui nécessite des moyens considérables, ce qui fait que le projet [esquissé en 2008, ndlr] est actuellement en attente de financement : " En général, un long métrage d'animation en stop motion coûte de 25 à 30 millions d'euros à l'image d'Un monstre à Paris ou du Fabuleux Mister Fox ", explique Jean-Michel Kibushi, " Mais avec Ngando, la production devrait prendre 2-3 ans et pourrait nous coûter environ 8 millions d'euros, parce qu'on a déjà effectué une bonne partie du travail durant les 6 dernières années. Tout est pratiquement prêt pour le tournage, l'équipe est déjà en place ", affirme-t-il.
Aussi, le film contiendra davantage de personnages pour lesquels il faut compter entre 24 et 34 masques par personnage, afin de mieux exprimer l'émotion. " Ces masques seront imprimés en 3D ; ce qui permettra de les remplacer plus facilement et beaucoup plus vite qu'à la main ", précise-il. Si ce projet aboutit, il deviendra ainsi le premier long métrage d'animation congolais.
Avec l'internet, l'accès aux ordinateurs et téléphones, la production des cinémas d'animation a véritablement augmenté. Ce genre attire de plus en plus, mais le manque de formations et de moyens faisait cruellement défaut en Afrique centrale.
Président de l'Afrika Filmfestival Leuven (dont Guido Huysmans est le Directeur), l'historien Guido Convents a réussi un travail d'archivage scrupuleux (opéré notamment grâce à l'apport de Jean-Michel Kibushi). Le chercheur belge a pu condenser l'histoire et l'évolution de l'animation dans la région (RDC, Burundi et Rwanda) dans son nouveau livre " Le cinéma en Afrique centrale " dont le lancement officiel a eu lieu lors de cette édition du festival. Un premier du genre.
Par Djia Mambu - Africiné, Bruxelles - Source de l'article Images francophones
Voir les films (en version intégrale, cliquer sur les liens)
Le Crapaud chez ses beaux parents
http://vimeo.com/20552461
Kinshasa septembre noir
http://vimeo.com/20553952
Prince Loseno
http://www.arte.tv/fr/prince-loseno/5000,CmC=1763174.html
La belle & l'oiseau de Pacifique NZITONDA (Burundi).
http://www.youtube.com/watch?v=4zuuwgwNzbw&feature=youtu.be
Sous la ceinture de Pitshou Botulu (R.D.Congo)
http://www.youtube.com/watch?v=6FNPJtzV-fw&feature=youtu.be
Rêve de chien de Jourdain Kielukesu (R.D.Congo).
http://www.youtube.com/watch?v=zbYRpXSss0k&feature=youtu.be
La vie continue de Carlos Kalonji (R.D.Congo).
http://www.youtube.com/watch?v=5j7N41eeRx0&feature=youtu.be
Mr et Mme Kokoriko de Maurice NKUNDIMANA : (Rwanda).
https://www.youtube.com/watch?v=8MCtOWSjIN8
C'est urgent ! de Armel Pululu : (R.D.Congo).
http://www.youtube.com/watch?v=F5q1lnsKQok&feature=youtu.be
Autodestruction de Fabrice IRANZI : (Burundi).
http://www.youtube.com/watch?v=__DefwP9dpc&feature=youtu.be
Impokotoyi : de Bombolo Wathou Hénok (R.D.Congo).
http://www.youtube.com/watch?v=lGx8YZOmGRA&feature=youtu.be
Quelques dates clés du cinéma d'animation africain (extraits)
Avant les indépendances
1935 : En Egypte, les frères Frenkel réalisent des courts métrages comparables au Mickey Mouse de Disney ;
1960 : En Afrique du Sud, début de l'animation avec William Kentridge ;
Après les indépendances
1965 : Le Doyen Moustapha Alassane (Niger) réalise les premiers films d'animation africain La Mort de Gandji ;
2003 : Premier long métrage d'animation réalisé sur le continent La légende du royaume du ciel (The Legend of the Sky Kingdom) de Roger Hawkins (Zimbabwé);
2006 : Les Naufragés de Carthage, premier long métrage en dessins animés par le Tunisien Abdelkader Belhedi ;
2011 : réalisation du premier long métrage africain réalisé en 3D : Jock of the bushveld (Duncan MacNeillie, Afrique du Sud);
2013 : Distribution d'un long métrage d'animation africain dans de grandes salles commerciales européennes et américaines grâce à Drôles d'oiseau (Zambezia) de Wayne Thornley.
Illustration : Guido Convents (écrivain et Président, en cravate), Jean-Michel Kibushi (producteur,Studio Malembe Maa) et Guido Huysmans, Directeur du festival (de gauche à droite).
Crédit : Djia Mambu / Africiné
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