samedi 2 mai 2015

« Ubongo Kids », un dessin animé tanzanien à la conquête de l'Afrique

La série, dont la production a bénéficié d’un financement participatif via Internet, enregistre un million de téléspectateurs chaque semaine sur la télévision tanzanienne.

Une scène d'un épisode de la série animée tanzanienne "Ubongo Kids".

Une voix éraillée de perroquet résonne dans les bureaux d'Ubungo Media. Dans le petit studio d'enregistrement mal isolé aménagé au fond de l'open space, Cleng'a Ng'atigwa, un des cinq cofondateurs de cette start-up tanzanienne spécialisée dans la production de dessins animés, enregistre les dernières répliques de Mama Ndege, un oiseau au plumage vert et à l'air rieur, tandis que trois animateurs 3D s'affairent derrière leurs ordinateurs. Dans deux jours, un nouvel épisode d'Ubongo Kids sera retransmis sur les ondes de TBC1, la chaîne de télévison publique tanzanienne.

Diffusé pour la première fois en janvier 2014, Ubongo Kids est la première série animée « créée de toute pièce en Tanzanie par des animateurs tanzaniens ». Son contenu éducatif, axé sur les mathématiques et les sciences, met en scène les aventures de trois enfants dans un monde imaginaire où les animaux parlent.



Grâce à une plateforme SMS interactive accessible au prix de 2 centimes d'euros les 24 heures, les enfants peuvent participer à des quiz dont les thématiques ont été abordées lors de l'émission.

« 9 millions de personnes ont un téléviseur et la pénétration mobile est estimée à plus de 65%. Nous avons créé une émission qui s' adapte aux technologies présentes en Tanzanie pour toucher le plus d'enfants possible », explique Cleng'a Ng'atigwa.

Propulsé en quelques mois au rang de programme le plus regardé du pays avec plus d'un million de téléspectateurs chaque semaine, Ubongo Kids est également diffusé en anglais dans toute l'Afrique de l'Est via la chaîne satellite chinoise Star Swahili, explique Nisha Ligon, cofondatrice et directrice exécutive d'Ubongo Media.



Après avoir passé un an à Dar-es-Salaam dans le cadre d'un échange universitaire et validé un master à Londres specialisé dans l'enseignement des sciences via les nouvelles technologies, cette Américaine d'une trentaine d'années, aux cheveux bouclés et au visage enfantin, décide en 2013 de s'installer définitivement en Tanzanie.

« Je voulais mettre à profit mes connaissances et proposer des programmes éducatifs dans un pays où il n'y avait rien de la sorte. Lors de mon année étudiante à Dar-es-Salaam, j'ai été frappée par l'absence de divertissements pour les enfants et par les defaillances du système éducatif tanzanien », raconte-t-elle.

Si l'entreprise emploie aujourd'hui quinze personnes à plein temps et s'apprête à déménager dans de nouveaux locaux plus grands et équipés d'un studio d'animation, Nisha Ligon se souvient de l'époque où les cinq cofondateurs se réunissaient chez elle pour travailler. « Nous avions tous un travail à côté. Nous avons créé les six premiers épisodes sans structure et avec nos propres moyens », se souvient la productrice.

Financé majoritairement par des investisseurs privés et des campagnes de crowdfounding (mode financement participatif via le Web), Ubongo Media a pu se développer ainsi en partie grâce au soutien de la banque tanzanienne CRDB et aux revenus générés par la diffusion de l'émission sur la chaîne satellite Star Swahili.

« Nous avons récolté 50 000 euros grâce à une campagne de crowdfounding et la CRDB nous a alloué une enveloppe de quelques dizaines de milliers d'euros. Mais la majorité de nos revenus sert à payer notre diffuseur principal. Les chaînes en Tanzanie n'ont pas d'argent. La régle c'est payer pour être diffusé », explique la jeune femme.

La start-up recherche des financements pour la seconde saison d'Ubongo Kids. Dans son optique de s’étendre à l’Afrique de l’Ouest francophone, Ubongo Media fait traduire actuellement des épisodes en français. L’agence s'apprête à lancer un nouveau dessin animé éducatif pour apprendre l'anglais aux enfants de 3 à 7 ans.

Par Emile Costard - Source de l'article Le Monde

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