Peu de gens le savent, mais l’édition ivoirienne est l’une des plus anciennes du continent. Christophe Cassiau-Haurie documente, ici, l’histoire des années 1960 aux années 1990, avant d’explorer dans un second épisode la bande dessinée des années 2000 (Histoire de la bande dessinée en Côte d’Ivoire 2/3).
Les éditions CEDA sont nées en 1961. Elles ont été créées par l’Etat Ivoirien en partenariat avec les éditions françaises Hatier, Didier, Fouchier et Mame. Si l’Etat n’était actionnaire qu’à 25% à l’origine, il est passé à 51% en 1974. En 1972, sont créés à Dakar les NEA (Nouvelles Editions Africaines) avec une direction générale à Dakar et deux antennes à Lomé et Abidjan. Dix ans plus tard, les NEA Abidjan tentent une autonomie qui se solde par un dépôt de bilan en 1989. Les NEA Abidjan deviennent BINEA (Bureau Ivoirien des nouvelles éditions africaines) qui, privatisé, devient les NEI (Nouvelles Editions Ivoiriennes) en 1992. Celle-ci aura une activité importante en matière de littérature pour la jeunesse en lançant des auteurs comme Véronique Tadjo, Fatou Keïta, Annick Assemian, Georges Bada (Bénin), Fatou Ndiaye Sow (Sénégal) etc.
Par la suite, d’autres maisons d’éditions seront créées comme Edilis (1993), PUCI (1998), Eburnie (2001), Les classiques ivoiriens (2004), Calao (2006) fondée par Camara Nangala. En 2006, Les NEI et CEDA s’allient pour occuper les mêmes locaux et services centraux et se coordonnent pour l’édition des manuels scolaires. En 2011, les deux deviennent une seule maison d’édition lorsque les NEI, fortes du succès de la collection à l’eau de rose, Adoras, absorbent entièrement CEDA(1) et ne deviennent le premier éditeur d’Afrique de l’ouest. Cette présence, assez importante à l’échelle de l’Afrique francophone, d’éditeurs locaux, dans le capital desquels les éditeurs français sont présents(2)aura une influence certaine sur la bande dessinée locale. En effet, la Cote d’Ivoire est l’un des rares pays d’Afrique avec le Sénégal, où l’édition de BD par des éditeurs privés sera assez conséquente. C’est le cas avec CEDA qui a édité un premier album en 1996 : Sanaba, qui aurait cru qu’une femme… qui aura beaucoup de succès, avant de retenter l’expérience avec le premier volume de la série de Benjamin Kouadio, John Koutoukou, responsable, irresponsable (1999). Avant de disparaître, les NEA avaient édité quelques bandes dessinées dont certaines étaient d’auteurs ivoiriens comme Yao crack en maths (1985), Kouassi et Ouattara : deux destins (1985). Enfin, les NEI avaient également abordé le domaine de la bande dessinée à la fin des années 90 avec la série Kimboo (deux volumes) qui traitait du problème du Sida ou de la drogue. Plus récemment, les éditions Eburnie ont publié début 2014 trois nouveaux volumes de la série John Koutoukou.
Mais le 9ème art en Cote d’Ivoire est original à plus d’un titre. Vieux de plus de quatre décennies, la BD ivoirienne peut se targuer d’abriter l’une des réussites les plus remarquables du continent, à savoir le magazine de Bd et d’humour Gbich !?, créé en 1999 et qui a tiré jusqu’à 25 000 exemplaires au début des années 2000 avant de se tasser à un montant fort honorable de 15 000 exemplaires après la crise économique née de la situation politique et militaire du pays. Cependant, la bande dessinée ivoirienne a une longue histoire qui ne se résume pas au succès de Gbich !? mais remonte à la colonisation. En effet, l’une des premières bandes dessinées dites « africaine» publiée dans un pays francophone du continent est une publicité pour la marque de bière ivoirienne Bracodi(3) (Société des brasseries de Côte d’ivoire) datant des années 50 et publiée dans la presse coloniale(4): « une boisson magique qui redonne sa vitalité à un ouvrier… ». Par la suite, dans les années 70, Bracodi réalisera un petit film publicitaire reprenant le personnage de Dago.
Les années 70….
La première série non-publicitaire publiée dans le pays l’a été dans l’hebdomadaire Ivoire-dimanche à compter du 8 août 1971, soit 6 mois après la création du journal. Il s’agissait de Yapi, Yapo et Pipo, œuvre de G. Ferrant (dont on peut penser qu’il était Français). Elle mettait en scène les aventures de Yapi, un chauffeur de taxi, Yapo, son ami et le chien Pipo. Attaqués par des bandits sur une route, ils sont poursuivis jusque dans la forêt vierge où ils découvrent les restes d’une fusée française. Ils finiront décorés pour leur bravoure et leur action « en faveur de la paix ». Peu après, le premier auteur ivoirien de bande dessinée, Jean de Dieu Niazébo faisait paraître trois séries, toujours dans le journal Ivoire dimanche. La première, Hubuc et le travail, est parue en octobre 1971, la deuxième, Tout s’explique, en avril 1972. La troisième série, Les aventures de Grégoire Kokobé, mettait en scène Grégoire Kokobé, Ivoirien moyen, complètement mégalomane, content de son sort, quand « il a mangé du foutou, bu du Bangui et quand Asec a gagné son match le week-end… ». Par la suite, Jean de Dieu Niazébo illustrera des romans pour la jeunesse comme Au royaume des revenants de Adou Edoukou (NEI, 2004) ou L’enfant de la guerre (S. Mbenga Mpiala, CEDA, 1999).
C’est le 18 mars 1973, dans Ivoire-Dimanche à nouveau, que paraît la première grande série ivoirienne de bande dessinée, Dago, paysan court et trapu, vêtu d’une culotte, d’un pagne et d’un parapluie, parcourant Abidjan sans jamais complètement s’intégrer à l’environnement urbain. « Le jeune Dago, philosophe en herbe, formé dans la tradition villageoise où la solidarité n’est pas un vain mot, constate, au fil de ses démêlées avec les « grotos » de la ville, que la modernité n’offre pas que des avantages lorsque l’on est sans le sou.(5) » Témoin d’une époque (celle de l’exode rural qui a affecté les pays africains après l’indépendance), cette œuvre d’Apollos (scénario) et Maïga (dessins) qui était le nom de plume d’un dessinateur français, Laurent Lalo, installé sur place introduisait pour la première fois le français populaire (le « français moussa ») dans la presse du pays. Le succès populaire ne se démentira pas de 1973 à 1977. Il sera même le personnage principal de nombreuses campagnes de publicité (dont les piles Eveready et la bière Bracodi) ainsi que d’un album en 1973, Dago à Abidjan publié par Inter Afrique presse, la société éditrice de Ivoire-Dimanche. Il s’agit du premier album de BD publié en Côte d’Ivoire. Né de père corse et de mère ivoirienne, Jean Louis Lacombe (né en 1950) fait son entrée dans l’hebdomadaire Ivoire-Dimanche en juin 1976 avec Les histoires de Lacombe, série racontant de façon cocasse la vie quotidienne à Abidjan. Par la suite, il publiera également une série de planches racontant les aventures de M. Kouassi. En octobre 1978, Lacombe sort Monsieur Zézé, dans Ivoire dimanche, dans la rubrique réservée au « sourire du journal » et intitulé Le jour. Le succès est immédiat et durera dix années. « Avec son vieux chapeau mou, sa chemise rayée et ses bretelles, « Monsieur Zézé » devient rapidement le représentant pittoresque du petit peuple d’Abidjan en exprimant avec humour, dans « la langue de Moussa » les travers de la société urbaine ivoirienne… (6)».
La série ne fut pas sans créer des polémiques. Diégou Bailly stipule que le héros de Lacombe est un parasite sans emploi qui a pour devise « Paresse – naïveté – gentillesse » (7) Pour Jérôme Carlos (8)« Zézé est un personnage alibi pour s’attaquer à un certain nombre de travers de notre société… C’est le prototype de l’anti-héros… Un peu l’antithèse de ce qu’on peut ou veut aimer, de l’idéal dont on peut rêver. » Diégou Bailly y voit également autre chose : « Toute l’œuvre colporte cependant un relent d’anti-féminisme et s’attache, à travers ses divers épisodes, à magnifier les faits et les gestes des expatriés européens, pendant qu’elle présente invariablement le « petit peuple » de Côte d’Ivoire en situation de perpétuel quémandeur (9) ».
Les années 80….
En mai 1980, sous le nom de Labo, Maïga démarrera une nouvelle série, Waxo, dans le même hebdomadaire et qui sera publiée en alternance avec Monsieur Zézé. Mais Waxo aura moins de succès que Dago. Par la suite, Maïga abandonnera son pseudonyme et signera de nombreuses illustrations en Côte d’Ivoire comme en France (Les classiques africains). Il participera également dans la revue Zazou sous le pseudonyme de Guiho. À partir du début des années 80, Lacombe se partage entre la Corse (île d’origine de son père) et la Côte d’Ivoire et cet éloignement géographique commence à se faire sentir dans la régularité de la livraison des planches, du fait des caprices de certaines compagnies aériennes. L’aventure durera tout de même 10 ans au total pour ce personnage complètement en déphasage avec la vie citadine et dont l’onomatopée favorite était Ziké ! Monsieur Zézé sera même le héros de trois albums édités au Gabon, chez Achka, dans la collection Équateur en 1989 et 1990 : Ça, c’est fort !, Ça gaze bien bon !, Opération coup de poing. En 1984, il prend la tête de Le margouillat un journal de BD et d’humour lancé par Ivoire dimanche qui ne connaîtra que deux numéros. Puis, sous le pseudonyme de Lakote, il dessine et dirige une revue de bandes dessinées, Zazou (1978 – 1986), « bimestriel ivoirien de la bonne humeur », qui durera une dizaine d’années et une vingtaine de numéros avec une périodicité aléatoire. Lacombe a collaboré durant sa période ivoirienne à diverses publications comme Fraternité matin (Ed. Speci), la revue Contact (Air Afrique), L’éclatant (Elvifrance) et même Pif Gadget (n° 909 d’août 1986) où il propose les aventures d’Hercule Babysitter. Il publie Ziu memè en 1988 chez l’éditeur corse Albiana. En même temps qu’Ivoire Dimanche, d’autres titres de presse ont proposé de la bande dessinée à ses lecteurs. C’est le cas de Fraternité-Matin. Deux auteurs y ont suivi le même parcours, à savoir caricaturiste à la rubrique Sourire du jour avant de continuer par la bande dessinée.
Le premier, Jess Sah Bi (Sah bi Dié), a également travaillé pour Le guido, Fraternité-hebdo et d’autres organes de presse locaux. Son premier album en 1984 est Imbécile et heureux. Le deuxième, Yao crack en math (Nouvelles Éditions Africaines, 1986), a été fait en collaboration avec Joséphine Guidy Wandja, enseignante à l’Université d’Abidjan. Cet album pédagogique avait pour but de faire progresser les jeunes élèves en mathématiques de façon ludique via la BD. Son album le plus populaire a sans doute été Humour du stade Asec-Africa, un ouvrage en noir et blanc qui traitait de la rivalité entre les deux grands clubs de la capitale. Il a créé, à la fin des années 90, pour Fraternité-hebdo les Zirigbis, série de strips mettant en scène des schtroumpfs africains aux aventures hilarantes. Par la suite, Jess Sah Bi s’orientera vers la musique et fera plusieurs duos à succès de country music avec Peter One. Puis il se produira en solo avant de s’orienter vers la musique religieuse. Il réside aux États-Unis, à Philadelphie depuis 1995 et continue à faire régulièrement des illustrations. Sa dernière apparition locale dans le domaine du 9e art est l’album Kimboo contre la drogue (NEI), qu’il dessine et colorise avec Zohoré en 2001. Le second, Soumaïla Adigun, d’origine nigériane, y fait paraître en 1983, en traduction, un conte de Noël : Le rêve de Denis Kangui. Par la suite, il émigre pour les États-Unis en 1996 et s’installe à New York. Il y continuera en free lance sa carrière de designer, graphiste, illustrateur et professeur de français à l’occasion.
À cette époque, la Cote d’Ivoire attire de nombreux étrangers, attirés par les possibilités de travail, y compris dans le domaine de la BD. C’est le cas de Salia. Bien que né au Mali, celui-ci a vécu toute son enfance à Bouaké. Autodidacte, il commence par raconter au début des années 80, sur du vieux papier recyclé des histoires humoristiques, tournant autour des mésaventures urbaines d’un jeune débrouillard qu’il nomme Fol-Boy. Remarqué par Gérard Clavreuil qui dirigeait à l’époque l’Imprimerie de la Cathédrale de Bouaké, il publie, grâce à ce dernier, un premier fascicule des Aventures de Fol-Boy qui lui vaut un certain succès auprès de la population locale. Il publia ensuite quelques dessins de presse dans l’hebdomadaire La Gazette du Centre, puis un second fascicule des Nouvelles aventures de Fol-Boy dont la diffusion jusqu’à Abidjan, grâce à un tirage plus conséquent, fut un succès populaire. Salia se lance ensuite dans l’adaptation de Quand les flamboyants fleurissent les Blancs dépérissent, roman éponyme publié en 1985 aux éditions Rochevignes, sur un scénario des Français Bréal et Karul (Alain Brezault et Gérard Clavreuil), coauteurs du roman, qui vivaient à l’époque à Bouaké.
La sortie à l’Harmattan en 1985 des deux tomes constitue les premières BD réalisées en France par un ouest africain ainsi que la première réalisation commune entre Européens et Africains. Par la suite, Salia travaillera sur une adaptation du Mandat de Sembène Ousmane, sans qu’aucun éditeur ne se montre intéressé par les quelques planches qu’il proposera. Après une petite carrière dans la chanson (avec en particulier un tube dénommé L’argent, l’argent), Salia disparaîtra du paysage au moment des troubles qu’a connus le pays dans les années 90, sans que l’on ne sache exactement ce qu’il est advenu de lui. Le Guinéen Camara Anzoumana, cousin de Camara Laye, est né à Kouroussa, un village de Haute Guinée. Formé à l’École des beaux-arts de Conakry, il part à Abidjan dans les années 80 où il devient dessinateur de presse pour Fraternité matin, puis Fraternité hebdo, organe pour lequel il crée plusieurs séries comme Konan le brut ou La reine Pokou. Par la suite, il collabore à différentes revues comme Ivoire dimanche ou Yan-Kady pour laquelle il produit la série Zatar. Il retournera par la suite en Guinée où il travaillera dans le cadre de campagnes de lutte contre le Sida, et pour lesquelles il produit une bande dessinée, et collabore au journal L’éducateur avant d’émigrer en France, où il illustrera des livres scolaires pour Hatier Internationalet des contes pour Présence africaine. Enfin, le français Mohiss (Maurice Richard), ancien graphiste-concepteur à la télévision scolaire de Niamey dans les années 70, a vécu au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Il a longtemps produit des cartes postales que l’on trouvait dans Abidjan dans les années 80. Il publiera par la suite au Sénégal quatre albums d’illustrations malheureusement épuisés à ce jour : L’écritoire (1984), Tout passe (Dieu merci) (1983), Baobab n’a pas d’épines (1993) et Petits jobs et gros boulots (1997). Gnénébé Beugré a participé en 1985 à l’édition d’un des derniers albums de BD édités par les Nouvelles éditions africaines (NEA) : Kouassi et Ouattara : deux destins. T.1, La décision, avec les Français Jack Chaboud au scénario et Jean-Bernard Auboin comme co-dessinateur. Il ne refera plus parler de lui par la suite. La fin des années 80 correspond au début de la belle carrière de Benjamin Kouadio (né en 1967). Diplômé des beaux-arts d’Abidjan, celui-ci, qui signe également Kbenjamin, commence sa carrière en travaillant pour Télé-miroir où son personnage principal John Koutoukou naît en gags d’une planche dans la revue Télé miroir en 1989. D’autres dessinateurs comme Benoît Kouamé, aujourd’hui retiré du milieu de la bande dessinée, ont commencé leur carrière en publiant des planches de bande dessinée dans des journaux comme Ivoire dimanche à la même époque.
Les années 90….
Cette décennie, et celle qui suivra, est marquée par le début de l’aventure du journal satirique de bandes dessinées, Gbich !? créé en 1999. Mais avant d’aborder la formidable aventure de cette revue, dont le succès est quasi-unique en Afrique, il convient de se pencher sur le parcours individuel de certains dessinateurs qui mènent leur carrière en parallèle. C’est le cas de Dan N’Guessan (né en 1949). Ancien instituteur et ancien professeur à l’école des beaux-arts puis dessinateur de motifs pour pagnes, il a illustré plus d’une quinzaine d’albums pour enfants dont, entre autres, des albums pour CEDI : Hamid le petit porteur (1997), Demande d’emploi (2001), Le cahier noir (1998) mais aussi pour les NEI (Attauba, le petit malin en 2002), des livres de contes ou Nan la bossue (CEDA, 1988) ainsi que des livres scolaires pour Edilis ou l’Inades… En 1996, il dessine son unique album commercial de bande dessinée, Sanaba, qui aurait cru qu’une femme…(CEDA), sur un scénario de Youkoua Kouassi. Il a également dessiné une autre BD, un album de commande intitulé La chaîne de production, pour CEDA.
Caricaturiste, formé à l’INSAAC (Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle) d’Abidjan, Abraham Niamien crée au début des années 90 le personnage de Kalou le prof dans le journal Univers jeunes. Devenu professeur d’arts plastiques au lycée, Kouadio illustre en parallèle de nombreux ouvrages scolaires ou de littérature enfantine, édités localement (en particulier lesNouvelles Éditions Ivoiriennes) ou à l’étranger (Les classiques africains). Une bande dessinée de sensibilisation de 16 pages intitulée Samba, le bourreau des lamantins est réalisée en 1991, avec le concours du ministère de l’Agriculture. L’année précédente, Kouadio avait dessiné Boubou, un album en noir et blanc de 20 pages, réalisé pour le Centre de Média Baptiste. Son premier album personnel John Koutoukou, Responsable irresponsable paraît en 1999 dans la collection humour des éditions CEDA. John Koutoukou est un jeune homme amateur de musique. Guitariste et moralisateur, il fustige les différentes tares de la société à travers ses textes. Éveilleur des consciences anesthésiées par les mauvais comportements et les mauvaises habitudes, Koutoukoun’a pas sa langue dans la poche. Pour lui, toutes les vérités sont bonnes à dire. Il le fait ressortir à travers sa devise : « Z’yeux voient bouche parle ». Cela n’est pas pour plaire à tout le monde, en particulier l’agent Srantê Himself, portrait type du flic véreux. Satire sociale dont les thèmes récurrents sont l’injustice, la corruption, la malhonnêteté, la guerre, le sida, le système D (débrouillardise), etc. Après Télé miroir, la série avait été reprise entre 1992 et 1993 dans Le guido. Responsable irresponsable sera la dernière production de Kouadio durant de nombreuses années du fait d’une succession de coups d’état et les années de guerre civile qui vont déstabiliser le pays entre 2002 et 2010. Il se rattrapera par la suite. En Corse, Lacombe continue sa carrière loin du pays de ses débuts, avec une succession d’albums publiés dans des maisons d’édition insulaires : O dumè, les meilleures histoires corses en bandes dessinées n° 1 (Abbià, 1998), Le dossier corse – La contre-enquête (Ed. DCL, 2004, réédition 2009), Zap et Zoulie n°1, Bulabuledda 1 et 2, pour apprendre les premiers mots en corse(10). Après avoir étudié la peinture à l’École des beaux-arts d’Abengourou, Faustin Titi (né Faustin Titi Kouamé en 1973) travaille pour l’agence de communication Nelson McCann et contribue à plusieurs magazines et journaux ivoiriens : Liberté, Kabako et La Gazette. Il a également dessiné des bandes dessinées promotionnelles et éducatives. En 1992, il est sélectionné pour le Prix Calao et voit son histoire publiée dans l’album qui en est issu : Au secours ! Il reçoit également le Prix de la meilleure histoire au festival ivoirien Cocobullesen 1999 pour Gris-gris d’amour, scénarisée par Christophe Ngalle Edimo. Par la suite, Faustin titi émigrera pour la France. 1999 est également l’année du premier des deux albums édité autour du personnage de Kimboo. Jeune garçon ivoirien vivant dans son village, celui-ci se bat contre les méchants à travers le monde. Kimboo avait d’abord fait l’objet d’une série de 48 mini-dessins animés de 5 minutes, diffusé sur la chaîne française FR3 en 1989 (11). La productrice, Liliane Lombardo, en fera dix ans plus tard deux albums de BD, qu’elle scénarisera. Cap sur Tombouctou, dessiné par le français Elce, sera suivi par Kimboo contre la drogue (2001), dessiné par Jess Sah Bi et Lassane Zohoré. C’est en 1993, que Marc N’guessan (né en 1965), dessinateur français d’origine ivoirienne, débute sa carrière, aux Éditions Vents d’Ouest avec une série en deux volumes, Gardel le Fou. Par la suite, il collaborera avec Crisse sur Petit d’homme, aventure publiée fin 1996 chez Soleil Productions. Il continuera par la suite chez le même éditeur avec une nouvelle série de genre animalier : Aberzen (4 tomes, 2001 – 2005). Puis ce sera jusqu’en 2008 les quatre tomes d’Arthur et les minimoys (toujours chez Soleil), suivi de Jour de grâce (2010), des deux premiers volumes de Ling ling (Bamboo) et d’une participation à un collectif, Les collectionneurs.
Mais c’est surtout en 1999, qu’est lancée la revue de bande dessinée et d’humour, Gbich! éditée chaque semaine à Abidjan. Baromètre de la vie sociale en Côte d’Ivoire, le journal a tiré jusqu’à 35 000 exemplaires entre 1999 et 2002, année du début de la crise politique ivoirienne. Son tirage moyen tourne aujourd’hui autour de 15 000 exemplaires, ce qui en fait le quatrième titre le plus lu du pays. Gbich! propose des rubriques collant au vécu quotidien des lecteurs. Plusieurs séries BD sont proposées et qui durent encore de nos jours. La règle veut que l’ensemble des dessinateurs est susceptible d’intervenir sur l’une ou l’autre des séries selon les besoins du moment ou les nécessités du bouclage. Le journal a également des chroniques écrites comme Enquête Exprès, Et dit tôt, Z’yeux voient pas, Bouche parle, Courrier Drap. Ce journal est la plus importante publication satirique de Côte d’Ivoire et d’Afrique de l’ouest. De nombreux journaux calqués sur le modèle de Gbich! sont nés quelques années plus tard mais sans atteindre son succès. Gbich! est la transcription d’une onomatopée. Le journal est né de la volonté commune de Lassane Zohoré, Illary Simplice (dessinateurs), Bledson Mathieu (journaliste) et Adrien Bonné (financier). Lassane Zohoré (né en 1967) commence sa carrière de dessinateur au quotidien ivoirien Fraternité Matin en qualité de caricaturiste. Il y anime durant plus de dix ans la rubrique humoristique Le sourire du jour. Celles-ci feront l’objet d’un recueil en 1991 : Koutoubou ! Les Sourires du jour tome 1. En 1993, il entre dans l’agence McCann Worldwide, et en devient le directeur artistique jusqu’en 1999, année où il fonde le célèbre journal Gbich ! avec Illary Simplice et en devient le directeur de publication. Il y invente un nombre impressionnant de séries. Zohoré a également publié en 1997 chez CEDA, Le sida et autres affaires le concernant, un recueil de dessins publiés dans Fraternité matin. La principale série qu’il a créée pour Gbich ! est Cauphy Gombo, avec Illary Simplice, en 1999. Cauphy Gombo est un businessman véreux allant d’échec en échec. Toujours à l’affût d’un bon coup, se voulant impitoyable et sans scrupule, sa devise est «No pitié in bizness !» Malgré toutes ses tentatives pour gagner de l’argent, il ne récolte finalement que des miettes pour le plus grand bonheur des lecteurs. Cauphy Gombo compte un album, paru en 2003 : No pitié in bizness ! Dessiné au départ par Zohoré, assisté parfois de Kan Souffle, repris par Willy Zekid dès 1999, ainsi que Miezan, Cauphy Gombo est maintenant animé par Flétcho et Serayé. Cauphy Gombo a également été adapté à la télévision sous les traits de Michel Gohou. Un disque a même été produit reprenant les histoires du personnage (Les 13 commandements de Cauphy Gombo). Enfin, une série dénommée Cauphy Kan était diffusée dans le journal pour la jeunesse Gbichton et proposait les aventures du fils de Cauphy Gombo.
© Lassane Zohoré, « Cauphy Gombo » dans Gbich! |
Créé par Lassane Zohoré et Willy Zekid dans le journal Gbich!, Papou est un petit garçon vif d’esprit mais qui comprend tout au premier degré. Sa naïveté entraîne des situations cocasses et des malentendus pour le plus grand bonheur des jeunes lecteurs. À l’origine Papouavait été créé par Willy Zekid pour le journal JPJ(des Jeunes pour les jeunes) de Brazzaville. Il s’appelait alors Nkrakounia. Zekid l’a alors proposé au journal Gbich! lors de son installation à Abidjan. La série sera reprise par une série d’auteurs après le départ de Willy Zekid pour l’Europe : Miezan, Dan Fabrice, G. Thierry, Jihel, etc…Créé par Lassane Zohoré dans le magazine Gbich! en 2000 (n° 43), Gnamankoudji Zékinan est une véritable force de la nature qui ne perd jamais une occasion de se bagarrer. La force est son principal mode de communication. G. Thierry a dessiné le personnage au départ avant d’être régulièrement suppléé par Miezan, Dan Fabrice et d’autres dessinateurs comme Konan avec quelquefois des idées et des scénarios de Jihel. Enfin, une série dénommée Gnamankoudji Zékitou était diffusée dans Gbichton et proposait les aventures d’un clone de Gnamankoudji Zékinan en plus jeune. Policier véreux, sans scrupule, ne pensant qu’à racketter du matin au soir, Sergent Deutogo(‘deux Togo’ en langage nouchi signifie deux cents Francs CFA, somme qu’il extorque à ses victimes), est né en 2000 (dans le n° 37) de la plume de Bob Kanza, sous la direction de Lassane Zohoré. Après le départ de Bob Kanza pour la France, Goché reprendra jusqu’aujourd’hui le personnage, bénéficiant ponctuellement des idées de Morris Blant. Présent dès les premiers numéros du journal Gbich!, Gazou la doubleuz présente les aventures comiques d’une superbe jeune femme très courtisée par les hommes. Cette série de strips créée par Illary Simplice, a connu plusieurs auteurs (dont Fabrice Sompleny, Aboua Richard, Morris Blant) et a longtemps constitué l’une des séries les plus populaires du journal. Arrêtée en janvier 2006 (n° 326), la série sera reprise en 2010 sous la plume de G. Thierry. Créé – on l’a vu – par Kan Souffle pour le journal Gbich! en 1999, Gbassman est un héros typiquement africain, doté de pouvoirs surnaturels. Plusieurs histoires se sont succédé depuis les premiers numéros du journal : Gbassman (1999), Gbassman contre Maury le super dozo (1999), La femme de rêve (1999-2000), L’apprentissage (2000-2001), Pour l’honneur (2001), Le grand prêtre (2002-2003), Passion et ambition (2003-2004). Gbassman a fait l’objet d’un album sorti en 2006 chez Gbich! Éditions. Pendant quelques années, la série n’a plus fait l’objet d’autres histoires. Puis en juin 2008, Kan Souffle a fait paraître une nouvelle histoire, Le nouveau gardien, avant de récidiver en 2009 avec La sirène des eaux.
D’autres séries nées avec le journal ont eu une durée de vie plus courte. La série de strips Ferplé ne durera que la première année (jusqu’au N°40). Série humoristique composée de strips en trois cases, Filo et Zofy mettait en scène deux personnages masculins confrontés aux douces péripéties de la vie. La série a été créée en 1999 par Zohoré, le dessin a été poursuivi par Béhouna, puis par Ben Sylla, avec des scénarios de Morris Blant, entre autres. Elle s’arrêtera en 2005 pour reprendre en 2014 jusqu’à nos jours. Strips paraissant dans le journal durant trois ans, la série Les gens, créée et dessinée par Karlos Guédégou, se penchait avec humour sur la vie ordinaire des gens communs. Créée par Illary Simplice et Zohoré, la série Gas-blo mettait en scène un bluffeur qui aimait frimer et épater la galerie avec son téléphone portable. Le titre Gas-blo est d’ailleurs un diminutif de « Gaspard Bloffeur » (déformation de ‘bluffeur’). À une époque où le nec plus ultra était d’avoir le plus petit téléphone doté du maximum d’options high-tech, l’excentrique Gas-Blo, personnage excentrique, possédait un téléphone d’un autre temps : énorme, il pesait lourd et avait des options complètement ridicules et invraisemblables. La série s’arrêtera durant l’année 2002. Dessinée et scénarisée par T-Gbalin, la série Docteur Trouve-tout a été publiée de 1999 à 2002. Présent dès le premier numéro du journal Gbich! avec l’histoire Escale fatale à Abidjan, A.Lasko est une série d’Illary Simplice et Konan Béhouna présentant les aventures d’un gangster repenti. Après deux autres histoires (Gbangban sur la ville, La tigresse de Treichville), la série s’arrête à la fin de l’année 2000. D’autres dessinateurs ont travaillé pour le journal dès sa création. Ce fut le cas de Konan Béhouna qui y créa dès les premiers numéros la série policière A.Lasko sur des scénarios d’Illary Simplice et reprit, après Zohoré, la série Filo et Zofy. Son départ pour l’Europe à la fin des années 2000 a interrompu ses activités dans la bande dessinée. En même temps que Gbich!, naît Tache d’encre, une association de dessinateurs de presse et de bande dessinée. L’association a pour objectif de promouvoir les métiers de dessinateurs de presse et de bande dessinée, favoriser le rapprochement des artistes entre eux, tisser des relations d’échange et de travail, organiser des séminaires de formation, créer des plateformes d’expression, sensibiliser et informer par le dessin. Tache d’encre a organisé plusieurs éditions du festival Coco bulles, des expositions, des campagnes de presse, des ateliers, etc. Très active, elle s’appuie sur l’ossature de l’équipe de Gbich!Le président est Lassane Zohoré, le commissaire aux comptes, Jean Thomas Gbalin. La décennie suivante s’annonçait sous d’heureux auspices. Malheureusement, la situation politique allait entrainer une forte instabilité du pays et entraîner de gros problèmes socio-économiques. Le milieu de la BD comme l’ensemble de la société ivoirienne allait en payer le prix.
Par Christophe Cassiau Haurie - Source de l'article Africultures
(1) Leur site est sur http://neiceda.com/.
(2) C’est d’ailleurs le cas des NEI avec le français Edicef (filiale du groupe Hachette) avec l’ivoirien Edipresse et l’Etat ivoirien.
(3) Bracodi a été créé en 1949. Elle a fusionné avec l’autre grand brasseur du pays, la Solibra, en 1994.
(4) G. Retord, les débuts de la publicité en Côte d’Ivoire, Communication audio-visuelle N°4, Abidjan-Inades, 1980, p.20.
(5) Cf. notice sur Maïga par Alain Brezault : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=personne&no=26399
(6) Cf. notice sur Lacombe par Alain brezault : http://www.afribd.com/personne.php?no=26283
(7) Diégou Bailly, La bande dessinée comme moyen de communication : l’exemple de monsieur Zézé, Mémoire de maîtrise – Université d’Abidjan, juin 1983, pp. 98-109.
(8) Jérôme Carlos, Zézé, qui es tu ?, Ivoire-Dimanche, N°678 – 5 février 1984.
(9) Diégou Bailly, Les bandes dessinées in Notre librairie N°87, avril – juin 1987.
(10) Depuis, avec Madeleine Colombani, il a installé son studio à Aix en Provence où il travaille pour différents clients. Ils illustrent en particulier des contes (u ciquantottesimu, Ghjaseppu è u catellu muntagninu, Sawa et le peuple sauterelle…) pour le CRDP de Corse.
(11) En 1989, Kimboo avait également fait l’objet d’un livre pour la jeunesse écrit par Caya Makhele et illustré par Laurent Lalo : Boubou et Ako chez EDICEF.
(2) C’est d’ailleurs le cas des NEI avec le français Edicef (filiale du groupe Hachette) avec l’ivoirien Edipresse et l’Etat ivoirien.
(3) Bracodi a été créé en 1949. Elle a fusionné avec l’autre grand brasseur du pays, la Solibra, en 1994.
(4) G. Retord, les débuts de la publicité en Côte d’Ivoire, Communication audio-visuelle N°4, Abidjan-Inades, 1980, p.20.
(5) Cf. notice sur Maïga par Alain Brezault : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=personne&no=26399
(6) Cf. notice sur Lacombe par Alain brezault : http://www.afribd.com/personne.php?no=26283
(7) Diégou Bailly, La bande dessinée comme moyen de communication : l’exemple de monsieur Zézé, Mémoire de maîtrise – Université d’Abidjan, juin 1983, pp. 98-109.
(8) Jérôme Carlos, Zézé, qui es tu ?, Ivoire-Dimanche, N°678 – 5 février 1984.
(9) Diégou Bailly, Les bandes dessinées in Notre librairie N°87, avril – juin 1987.
(10) Depuis, avec Madeleine Colombani, il a installé son studio à Aix en Provence où il travaille pour différents clients. Ils illustrent en particulier des contes (u ciquantottesimu, Ghjaseppu è u catellu muntagninu, Sawa et le peuple sauterelle…) pour le CRDP de Corse.
(11) En 1989, Kimboo avait également fait l’objet d’un livre pour la jeunesse écrit par Caya Makhele et illustré par Laurent Lalo : Boubou et Ako chez EDICEF.
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