À 24 ans, le geek et dessinateur nigérien est à la tête de MOGMedia Design, une agence spécialisée dans la conception et la réalisation de jeux vidéos, de films d'animation et de bande dessinées, qu'il a créée il y a deux ans.
C’est au fond d’une cour, dans une pièce exiguë, que se trouvent les bureaux de MOGMedia Design. En gros, on y trouve une chaise, une table, une imprimante, une table lumineuse, une tablette graphique avec écran et, surtout, un ordinateur à l’abri de la poussière sous une housse en plastique. « Mon PC, c’est ma vie », avertit Mahamane Sani Housseyni, 24 ans, directeur général et fondateur de l’agence.
Entrer chez lui, c’est un pénétrer dans l’univers de ses jeux vidéo, films d’animation et autres bandes dessinées. Alors qu’assis dans un fauteuil, son grand-père, regard digne et bienveillant, prie en égrainant son chapelet, son petit frère Rilwane, âgé de 9 ans, sautille en vous accueillant avec un sourire d’ange.
« C’est lui qui teste mes jeux, précise Mahamane Housseyni – deuxième d’une fratrie de cinq enfants. Il a même écrit une partie de la bande dessinée et du film d’animation Shamsou, le guerrier soleil. » Un héros national qui utilise l’énergie solaire pour combattre et un bouclier en forme de croix de Tahoua pour combattre ses ennemis.
Dans ses animations, on retrouve le chapeau conique des Peuls, l’épée des Haoussa, la croix de Tahoua touarègue…
Une histoire qui lui a inspirée son premier jeu vidéo, « Les Héros du Sahel ». Conçu en 2016, il est depuis peu disponible sur Androïd et PC et a déjà été consulté près de 9 000 fois : son super-héros, Ashirou, vit dans un village de cases et doit faire face aux assauts d’un homme possédé par une entité reptilienne… qui se transforme en margouillat géant.
C’est l’un des amis de Mahamane Housseyni, Flovic, jeune rappeur d’origine congolaise, qui a assuré l’animation sonore. Il vient aussi de lancer « Kashe Macizai » (« Tue les serpents »), un jeu de shooting (« tir ») payant – moins de 1 euro –, qui met en scène un chasseur à l’arc magique.
Toutes les séquences de ses jeux ou de ses films d’animation, qu’il dessine lui-même, sont remplies de détails de la vie quotidienne africaine. On y retrouve le chapeau conique des Peuls, l’épée des Haoussa, la croix de Tahoua touarègue, etc.
"En général, tous les jeux vidéo viennent des États-Unis ou du Japon et aucun ne fait référence à notre continent"
« En général, tous les jeux vidéo viennent des États-Unis ou du Japon et aucun ne fait référence à notre continent, déplore le jeune patron. Alors, pour beaucoup, c’est non seulement gratifiant de savoir qu’un Nigérien fait du jeu vidéo, mais en plus, c’est rassurant de se retrouver un peu dedans. »
Si, dès l’âge de 4 ans, le petit Mahamane défiait l’interdiction parentale pour jouer secrètement à Final Fantasy, Naruto ou Mortal Kombat sur les consoles de ses amis, il lui faudra attendre ses 18 ans pour enfin se procurer sa première PlayStation portable. « Ce qui me fascinait, c’était la façon de pouvoir incarner les personnages fictifs », se rappelle celui qui a pris des cours de dessin dès l’âge de 6 ans, jusqu’à faire sa passion et son métier.
Projet de village intelligent
Fils d’un père diplomate – décédé trop jeune il y a quelques mois -, Mahamane Housseyni a eu la chance de voyager très jeune. Première destination : l’Égypte. « J’en garde les plus beaux souvenirs de ma vie. Au lycée français du Caire, il y avait une super ambiance. J’avais des amis japonais, italiens, allemands… Tout cela était très stimulant. »
Aujourd’hui, Mahamane parle sept langues, dont plusieurs locales. Il a aussi vécu en Arabie saoudite, où il s’est perfectionné dans l’animation, avant de revenir au Niger pour passer le bac et obtenir une licence en communication des entreprises à l’École des techniques économiques comptables commerciales et de communication (Etec).
Mahamane Housseyni a créé MOGMedia Design en juillet 2015 et, en deux ans, il s’est déjà fait un nom dans le milieu des jeux vidéos et de l’animation en Afrique. En mai dernier, il était invité au Transform Africa Summit de Kigali, au Rwanda, parmi les 50 meilleurs jeunes entrepreneurs du continent.
"Ce que vous faites, c’est bien, et cela peut devenir utile pour notre programme de renaissance culturelle"
Le président Mahamadou Issoufou en personne lui aurait dit : « Ce que vous faites, c’est bien, et cela peut devenir utile pour notre programme de renaissance culturelle. Vous allez jouer un rôle dans l’éducation. »
Depuis, le jeune patron planche sur un projet de village intelligent en partenariat avec le Haut-Commissariat à l’informatique et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Comme quoi on peut être mordu de jeux vidéosans être un cancre !
Par François-Xavier Freland - Source de l'article Jeune Afrique
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