Étonnant Festival international de la BD d'Alger (FIBDA) qui a eu lieu voici quelques jours où près de 40 nationalités étaient représentées.
Des grandes signatures internationales aux auteurs à la notoriété plus réduite, du bédéiste au journaliste en passant par le dessin d'humour, un riche échantillonnage du World Comics était offert au public. Qui sait les répercutions collatérales générées par ces rencontres ?
Pour conclure notre présentation du quatrième FIBDA qui s’est tenu à Alger du 5 au 8 octobre dernier, après un panorama de la BD algérienne, nous vous proposons de découvrir les impressions de quelques invités internationaux de la manifestation.
Certains sont des novices du rendez-vous, d’autres des habitués, la plupart espèrent bien y revenir.
Le dessinateur gabonais Pahé |
Nos lecteurs connaissent Pahé
, pétillant dessinateur de presse et bédéiste gabonais (La Vie de Pahé, Dipoula, Éd. Paquet), venu de Libreville, dont les bandes dessinées avaient été adaptées pour la télévision en France et dont la présence dans un Festival ne passe jamais inaperçue : « Cette année le village du FIBDA s’est agrandi et j’ai été surpris par l’affluence nettement plus importante. Je retiens le nombre important de femmes, intéressées par la BD. Jeunes ou âgées, elles m’ont posé des questions pertinentes. Elles veulent savoir comment faire de la bande dessinée. J’ai remarqué qu’elles sont plus attirées par le visuel, elles sont fondues de dessins ! »
Chennaoui, du collectif égyptien Toktok |
L’Égypte a été au centre des préoccupations ces derniers mois avec le dramatique Printemps arabe, il était temps de découvrir ce pays autrement qu’à travers l’actualité ou des clichés touristiques avec Chennaoui, bédéiste membre du collectif égyptien Toktok :
« C’est épatant. Je n’imaginais que ce serait aussi grand. C’est profitable de rencontrer autant d’auteurs internationaux. L’année prochaine, j’aimerais participer plus activement, proposer une exposition.
Je veux faire savoir en Égypte que quelque chose comme ça existe dans le monde arabe. Ca m’a donné une petite idée de ce qu’on pourrait faire au Caire, en plus modeste bien sûr,… »
Le journaliste belge Thierry Bellefroid |
On sait quel rôle la Belgique a joué dans l’histoire de la bande dessinée francophone. Pas étonnant que nous ayons plusieurs de ses représentants, et notamment l’une de ses personnalités les plus charismatiques, Thierry Bellefroid, journaliste à la télévision belge (Livré à domicile ) et scénariste, membre du Jury du FIBDA 2011, venu de Bruxelles : « C’est un super-festival où je me suis beaucoup amusé.
J’en retiens en premier la rencontre avec les jeunes dessinateurs du collectif Montres coachés parÉtienne Schréder. Nous avons discuté avec eux pendant une bonne heure. Ils sont passionnants et passionnés avec une soif d’apprendre phénoménale. »
Li Lung-Chieh recevant le prix du Dessin pour son compatriote Ju-Lung Chiu, absent lors de la cérémonie. |
Taïwan est de plus en plus en recherche de visibilité dans le monde francophone. Déjà présente en France au début de cette année, elle sera l’invitée de la prochaine édition du Festival d’Angoulême. Elle était à Alger avec le dessinateur Li Lung-Chieh , venu de Taipeh :
« C’est extraordinaire. Sans le FIBDA, je n’aurais pas pu venir à Alger, ni même ailleurs sur le continent africain car il n’existe pas de relations diplomatiques entre Taïwan et la plupart de ses pays. Chez nous, on pense que les gens sont différents en Afrique. J’ai déjà pu voir que nous aimons tous la bande dessinée. Je ne sais pas si ce voyage influencera mon travail mais j’espère que d’autres de mes collègues pourront aussi faire ce voyage. »
Le dessinateur ivoirien Mendoza |
La Côte d’Ivoire faisait aussi acte de présence avecMendoza, venu d’Abidjan, rédacteur en chef adjoint de l’hebdomadaire Gbich !, le grand journal satirique ivoirien tiré à 37.500 exemplaires : « Le FIBDA, c’est toujours l’occasion de rencontrer de nombreux auteurs. C’est le seul festival qui fonctionne encore en Afrique.
J’ai profité de l’édition 2011 pour apprendre les rudiments de l’animation en ateliers.
Et j’ai eu la surprise qu’on me propose de participer à un projet d’adaptation de conte traditionnel d’Afrique de l’Ouest en dessins animés. »
L’Américain Steve Lieber |
Steve Lieber , dessinateur américain, auteur de Whiteout (Éd. Akileos), venu de Portland, Oregon, représentait le monde des comics : « Le souvenir le plus marquant de ce festival, sera probablement ma rencontre avec les jeunes auteurs algériens du collectif Monstres.
Ils déploient autant d’énergie que de talent. Ils m’ont posé des questions très pointues.
Par ailleurs, j’ai été flatté lorsque quelqu’un m’a parlé de mon travail qu’il avait vu sur 4chan. Avec le web, je suis passé de 2000 lecteurs aux États-Unis à des dizaines de milliers dans le monde.
Enfin j’ai assisté à mon premier cosplay algérien. Il ne m’en fallait pas plus pour me rendre heureux ! »
Grand Prix d’Angoulême, l’Argentin José Muñoz |
Jose Muñoz, l’immense bédéiste argentin, orfèvre du noir et blanc, Grand prix de la ville d’Angoulême, était quant à lui venu de Paris où il réside par intermittence avec Milan : « Ce bouillon de culture, ce mélange cosmopolite m’a donné beaucoup de plaisir. C’est un rendez-vous positif pour la jeunesse algérienne et africaine. Mais je regrette de gros manques d’organisation.
Je ne figurais pas au programme, la conférence à laquelle je devais participer a été annulée. J’ai eu l’impression d’être un invité clandestin. Je suis attristé.
Quand on investit beaucoup dans l’invitation de ma personne, il est dommage de ne pas mieux faire profiter de l’expérience et du savoir que je représente. Reste que mon ignorance de la BD africaine a diminué. Tout cela permet de diminuer l’état d’ignorance collectif. »
Agata Badalyan et Salim Brahimi éditeur du magazine algérien {Laabstore} |
Même l’Arménie était présente ! Agata Badalyan, bédéiste venue d’Erevan témoigne également les découvertes que lui ont valu ce festival : « Beaucoup de choses m’ont étonné très favorablement. Toutes les générations étaient représentées ici.
J’ai aimé ce grand hall d’exposition. J’ai aimé également la remise des prix dont les lauréats venaient de Taïwan, d’Afrique, d’Europe,… J’ai été surprise de voir la Ministre de la culture venir deux jours de suite et discuter avec tout le monde, auteurs, organisateurs, visiteurs,...
Et en plus, le public s’est déplacé en masse ! Le moment le plus fort restera celui où nous avons exposé quelques BD arméniennes hors de notre pays, c’était une première ! »
Quelques grands médias français étaient là, notamment en la personne de Tewfik Hakem, journaliste à France Culture (Un Autre Jour est possible), surpris par la popularité des mangas en terre africaine :« Cette année, je reste marqué par l’arrivée en force des auteurs égyptiens.
Ils arrivent avec leur personnalité dans un marché dominé par l’école algérienne et libanaise. Par ailleurs, après la découverte l’an dernier du manga made in Algeria, j’ai découvert le manga made in USA, ce qui prouve la place prédominante qu’occupe ce style dorénavant. »
Slim et Bado, deux figures du dessin de presse, l’un algérien, l’autre canadien |
Autre grand représentant de l’Amérique du Nord, le Canada. Bado, dessinateur de presse, venu de Montréal nous livre lui aussi ses impressions : « J’ai été marqué par les nombreuses rencontres d’auteurs sympathiques que je ne connaissais pas. Ici, je me suis rendu compte que beaucoup d’Algériens résident au Canada.
De nombreuses personnes sont venues me voir pour me dire qu’ils y ont un frère ou un cousin. J’ai découvert aussi l’album Les Passants du Marocain Raïs Brahim (Éd. Dalimen).
D’un autre côté, j’ai été surpris que tant de gens ici nient les attentats du 11 septembre. J’ai également remarqué qu’on accuse facilement les USA de tous les maux. »
La France, où la communauté d’origine algérienne joue un rôle très important, y compris dans le rugby et la bande dessinée, grâce à Mourad et Farid Boudjellal, a fourni son contingent d’auteurs concernés par la rencontre algéroise et notamment Redouane Assari, bédéiste venu de Paris : « J’étais hanté par l’idée que mon nouvel album, la Planète du Chomorkoul (Éd. Dalimen, ndlr) ne serait pas prêt à temps pour le festival. En voir soudainement arriver des centaines d’exemplaires le troisième jour m’a définitivement comblé ! »
La dessinatrice libanaise Joumana Medlej |
D’autres représentants du pourtour de la Méditerranée marquaient la manifestation de leur présence, par exemple le Liban. Joumana Medlej, bédéiste, auteur de Malaak, premier super-héros libanais était venue de Beyrouth : « Cette année, j’ai été très intéressée par les expositions qui, comme les conférences, ont fait appel à plus d’artistes anglophones. Du coup, on a eu un bel équilibre entre les deux grands pôles occidentaux de la BD. Et puis les visiteurs sont devenus des habitués maintenant, ça introduit un autre genre de dynamisme. Mon souvenir le plus marquant ? La grande participation du public à la conférence sur les super-héros, ça faisait plaisir ! »
Le dessinateur et scénariste Lax |
Le grand auteur français Lax, dessinateur entre autres d’Azrayen’, (scénario Frank Giroud, Éd. Dupuis), était quant à lui venu de Lyon.
L’occasion de présenter au public algérois une rétrospective de son travail et pour le dessinateur de découvrir un pays qu’il avait dessiné : « Pour des raisons techniques, mes livres ne sont pas arrivés à temps à Alger. Azrayen’, notamment était ici l’album idéal. Il y a tout de même eu une exposition réalisée par Francis Groux qui a eu le mérite de mettre en évidence tout mon parcours. Ce n’est que partie remise. Du coup, j’ai surtout fait du tourisme. J’ai pu découvrir enfin la Casbah, la basilique Notre-Dame d’Afrique, le bastion 23,… Je me suis régalé d’autant plus que j’avais dessiné Azrayen’ sans avoir pu venir en Algérie. »
La graphiste Native Maqari |
Il n’y avait pas que le 9e art qui était présent. D’autres arts graphiques faisaient bonne figure sous le soleil d’Alger avec des talents comme Native Maqari, artiste calligraphe américain, venu de Paris, encore surpris par la mixité des créations et des genres qui caractérisait la rencontre :
« Ce qui m’a le plus dans ce festival, c’est que contrairement à d’autres, toutes les classes se mélangent. J’ai vu des dieux de la BD discuter avec des fanzineux. Sur un plan personnel mon meilleur moment restera une conversation précieuse avec Jose Muñoz. »
L’Espagnol Alberto Jimenez Abulquerque |
Enfin, la bande dessinée espagnole avait aussi son représentant en la personne d’Alberto Jimenez Abulquerque, bédéiste (Elle, Éd. Soleil), venu de Madrid : « Je ne connaissais pas la culture de la BD en Algérie. Finalement c’est un peu comme en Espagne : tout le monde se rappelle de la BD d’autrefois. Ce festival m’a permis de m’ouvrir sur divers pays. C’est étonnant de faire un événement comme ça dans une ville où la bande dessinée n’a pas encore retrouvé son importance. Je garderais comme souvenir le plus marquant, le moment où je suis allé dans un kiosque pour acheter le quotidien El Watan où étaient publiées les trois premières planches de ma BD sur le 17 octobre 1961 scénarisée par Albert Drandov. »
Par Laurent Mélikian - Source de l'article Actuabd