jeudi 23 mars 2017

Cameroun : Super Eto’o Bros… star indémodable




Si Samuel Eto’o a la réputation de s'idolâtrer, l’opinion camerounaise ne se lasse pas non plus de le voir. La carrière de l’attaquant est une succession de cartes postales plutôt hagiographiques…

A 36 ans, les footballeurs de dimension internationale choisissent le clou où raccrocher leurs crampons et se font discrets. Sauf quand ils sont de la même nationalité que Roger Milla qui joua les prolongations au-delà des logiques de calendriers. Son petit (faux) frère du Cameroun, Samuel Eto’o Fils, entend bien rester en pleine lumière ; sur les pelouses, puisqu’il est toujours sociétaire du club turc d’Antalyaspor, mais aussi au cœur d’une actualité protéiforme, comme en témoignent trois apparitions récentes du « goléador », en mode « people », « expertise sportive » ou « star caritative ».

Le 10 mars dernier, c’est le spectacle d’une bataille de parts de gâteau – au sens propre de la tarte à la crème en plein visage – qu’offraient Eto’o et ses coéquipiers, à l’occasion de l’anniversaire de l’international camerounais. Mardi dernier, c’est le spécialiste du ballon rond qui intervenait sur Canal 2 international, distillant, comme à son habitude, des jugements abrupts sur le continent aux « grandes nations de football » mais aux « piètres championnats ». Plus tôt dans la journée, le sportif animait une causerie éducative, avec des jeunes de Yaoundé, afin d’étrenner sa nouvelle redingote d’ambassadeur de bonne volonté de l’Unicef au Cameroun…

Stades, caritatif, BD, jeu vidéo…

Le mythe de Samuel Eto’o Fils continue donc de se construire patiemment. Qu’on l’aime autant qu’il s’aime… ou pas, on ne peut que convenir qu’il est un héros ; un héros des stades (des Lions indomptables au Barça), un héros des œuvres caritatives (de l’initiative « Yellow Whistler Blower FC » au programme « 11 contre Ebola »), un héros de la bande dessinée (neuf tomes de la dessinatrice camerounaise Joëlle Esso) et même un héros de jeu vidéo (développé par le studio de création SDK de Johannesburg).

Samuel Eto’o n’est pas toujours étranger à la valorisation médiatique de sa propre légende. Il a pour lui un portefeuille bien garni, lui qui fut le joueur le mieux payé de la planète, à l’époque de son passage au club d’Anzhi Makhachkala. Auto-culte indécent de la personnalité ou valorisation bienvenue d’une success-story utile à la jeunesse désœuvrée ? Chacun se fera son opinion, car le “goléador” ne semble pas près de disparaître des écrans…

Par Damien Glez - Source de l'article Jeune Afrique

mercredi 22 mars 2017

Anthony Van Den Reysen : « Ces dernières années je suis beaucoup plus inspiré par l'Afrique »


Originaire du Congo-Brazzaville, Anthony Van Den Reysen « Ntocha », 33 ans, est un artiste (dessinateur) prolifique. Graphiste web pendant 10 ans, il est actuellement artiste indépendant et professeur de dessin à l'école supérieure d'art, MJM Graphics, à Paris.

Les Dépêches de Brazzaville : Quelles sont vos différentes réalisations en tant que dessinateur ? Où puisez-vous votre inspiration ?

Anthony Van Den Reysen : Je fais plusieurs représentations dans différentes conventions et expositions parisiennes (Paris Manga, Japan Expo, ComicCon Paris, Paris Comics Expo, Geekopolis...) et étrangères, notamment en Suisse (Polymanga) et Belgique (ComicCon Bxl). Lors de ces représentations, j'expose mes réalisations au public et cela me permet de pouvoir échanger et partager en direct. L'inspiration est en même temps consciente et inconsciente, parfois elle vient "comme ça", parfois déclenchée par un média ou par ce qui nous entoure. 
Mais il faut la stimuler constamment. L'inspiration se travaille aussi, c'est un de mes principes de base. Mon inspiration je la puise dans tout, ça paraît évidemment cliché mais je n’ai pas meilleure définition. Tout ce qui sort de ma tête est le résultat d'un mélange de mes connaissances, expériences, la nature, des sentiments... Ces dernières années je suis beaucoup plus inspiré par l'Afrique en général. Aussi, j'essaie de la mélanger avec d'autres univers, la science fiction par exemple, ou mélanger avec une autre culture comme la culture japonaise, pour essayer de réaliser quelque chose de plus riche et original.

LDB : Quelle est votre démarche artistique ?

AVDR : Ma démarche artistique est assez simple : dessiner, dessiner, dessiner et encore dessiner. Bien sûr c'est un principe et il faut le faire intelligemment, c'est ce que je m'efforce de faire. J'accorde aussi beaucoup de temps à apprendre, revoir les bases parce qu'on ne les maîtrise jamais assez !

Pour une illustration par exemple, je commence toujours par un jet de croquis pour voir ce que j'ai compris du thème, ensuite je fais une recherche approfondie sur le thème, une recherche de références directes ou indirectement concernées et je me relance dans une deuxième phase de croquis.

LDB : d’où vous est venue l’idée de votre personnage « Makaku » ? pourriez-vous nous décrire le profil de ce personnage ? Quels sont ses pouvoirs ou ses caractéristiques ?

AVDR : A l'origine, je suis un fan de la légende du Roi singe, une des légendes chinoises les plus célèbres, qui a donné naissance aux personnages les plus charismatiques. L'idée était donc juste de dessiner ma version de ce légendaire Monkey King, Sun Wukung ou Sun Wukong, Songoku en japonais. De fil en aiguille, j'ai commencé à m'éloigner de la légende pour en faire ce qu'il est devenu aujourd'hui mais au fond, l'esprit y est. Je l'ai donc nommé MAKAKU, qui veut dire singe en Lingala. C'est plutôt un terme péjoratif à la base mais j'aime sa consonance. C'est aussi la représentation de l'animal qui est sans nul doute mon préféré, le gorille, qui est d'ailleurs un fort symbole du Congo. C'est le genre de personnage au mauvais caractère, imposant par son physique mais aussi par son vécu. Il est déjà au maximum de ses capacités mais s'adapte aux situations qui nécessitent l'utilisation de celles-ci.
Makaku est un Bounty Hunter expérimenté dans la traque de créatures rares et dites "légendaires". Il parcourt le monde toujours à la recherche du plus gros butin, mais il finit par se retrouver devant des créatures de plus en plus agressives et féroces. Ces mystérieux évènements attisent sa curiosité, ce qui va le mener dans une aventure pleine de rebondissement au travers de cet univers vaste et méconnu.

LDB : Quel est le principal message que vous faites passer dans vos œuvres ?

AVDR : Je n'ai pas spécialement de message particulier à transmettre si ce n'est que de raconter des histoires, donner vie à mes personnages, montrer leurs aventures... Parfois le message est involontaire mais ce n'est pas forcément mon objectif. Je suis plutôt focalisé sur le fait de faire vivre une expérience émotionnelle, après tout, c'est aussi une forme de message. Bien sûr, une histoire se veut d’avoir un message à transmettre pour que les lecteurs ou spectateurs s'identifient. Tout dépend des moyens mis en œuvre. C'est parfois une bonne chose de laisser la porte ouverte à l'interprétation libre du lecteur. Là aussi c'est une forme différente de susciter l'identification et l'implication à travers l'œuvre.

LDB : Vos œuvres sont-elles également diffusées en Afrique ?

AVDR : Malheureusement non, mais il n'est jamais trop tard !


LDB : Quels sont vos différents projets en général et en Afrique en particulier ?

AVDR : Je suis actuellement sur mon projet Makaku. C'est un projet qui englobe à la fois la bande dessinée, le film d'animation et le jeu vidéo. Pour l'instant, j'en suis à la phase bande dessinée, phase cruciale pour introduire l'univers au public. J'ai déjà publié un premier chapitre en indépendant, la suite suit son cours. Je n'ai malheureusement pas de projet en Afrique, en tout cas pas dans l'immédiat. L'instabilité politique n'y aide pas, ce n’est donc pas évident de s'y projeter et c'est ce qui est malheureux, surtout que j'y suis né et y ai vécu une grande partie de ma vie... Mais qui sait, peut-être qu'un jour Makaku aura assez de succès pour pouvoir s'implanter en Afrique.

Par Patrick Ndungidi - Source de l'article Adiac Congo

lundi 20 mars 2017

Au Sénégal, Karim Gadjigo a créé un personnage pour parler d'écologie aux plus petits.

Résultat de recherche d'images pour "Mia Moke"

Sensibiliser les enfants africains à l'écologie, c'est l'objectif de l'application Mia Moké, que l'on peut télécharger sur tablette. 

Créée au Sénégal par Karim Gadjigo, un communicant, l'idée est de parler environnement, mais avec pour héros des personnages africains.
Mia est une petite fille africaine qui parle d’écologie aux plus petits, et qui enquête sur la déforestation avec sa famille, ses amis et des djin-djin, d'étranges personnages qui vivent dans les arbres


Au Sénégal, comme dans toute l'Afrique de l'Ouest, la question de l'environnement est très peu prise en compte. C'est pourquoi Karim Gadjigo, le créateur de Mia Moké, veut sensibiliser dès le plus jeune âge : « On ne va pas attendre pour qu’ils acquièrent de bons réflexes en matière de comportement et d’environnement. Il faut avoir des matières au niveau du cursus scolaire qui parlent de ça, de la biodiversité, de la pression qu’on met sur les espèces marines ou terrestres ».

Parler d'écologie avec un personnage auquel on peut s'identifier

Mia est Noire et porte un nœud papillon rose dans ses cheveux : « C’est important que les enfants africains puissent avoir des héros qui leur ressemblent, qui correspondent à leur culture et sur lesquels ils puissent se projeter aussi en termes de courage. Mia Moké est une fille intrépide, courageuse, vive, qui a de l’humour etc. ». Et à la fin du jeu, on découvre que c'est la production de charbon qui a fait disparaître tous les arbres.




Source de l'article RFI

jeudi 16 mars 2017

"Nous voulons faire du Maroc le hub africain du E-sport"

GAMING

À l'heure ou les hologrammes s'invitent dans les meetings politiques, on se demande encore ce qui de nos jours n'est plus virtuel. On citerait volontiers l'effort physique, la sueur, le dépassement de soi, la victoire méritée... Autant d'émotions qui semblent être le propre du sport de haut niveau. Mais qu'en est-il du E-sport?

Depuis une trentaine d'années, se jouent à travers le monde de gigantesques tournois de jeux vidéos. C'est de là qu'a jailli l'E-sport, pratique à titre compétitif d'un jeu en ligne obligatoirement multi-joueurs, via un ordinateur ou une console de jeux. Le phénomène est tel qu'il induit aujourd'hui une véritable professionnalisation, rémunérée parfois à coup de millions de dollars.

Si l'E-sport s'invite très officieusement en Afrique depuis quelques années, au Maroc, il n'existe pas de chiffres précis quant au nombre de "gamers". Mais selon une estimation de la World Gaming Federation (WGF), cette communauté rassemblerait au moins un million de personnes. Mehdi Sakaly, PDG et co-fondateur de cette start-up, souhaite développer l'E-sport au Maroc. Entretien avec un passionné du gaming qui a, entre autres, travaillé chez GOA (Orange), qui avait édité "League of Legends" en Europe.


HuffPost Maroc: Comment est née votre passion pour le jeu vidéo?

Mehdi Sakaly: J'ai grandi au Maroc et à l'époque, il y avait les salles d'arcades, à Marrakech et à Casablanca notamment. On mettait une pièce dans la machine et le vainqueur restait pour le tour suivant. On organisait aussi des petits tournois sur la Nintendo. Quand je suis arrivé en France en 1998, j'ai découvert l'univers des grands tournois, des grandes salles d'arcades... Puis après mes études, j'ai été embauché par GOA, le distributeur du célébrissime "League of Legends". Au bout d'un certain temps, je me suis dit qu'il serait intéressant d'initier une plateforme qui permettrait à tous les joueurs de se retrouver, d'échanger et de s'informer sur le gaming à l'échelle mondiale.

Qu'est ce que la World Gaming Federation?

WGF est une plateforme sociale, gratuite, ouverte à tous, qui permettra de valoriser les données de jeu des joueurs. Nous sommes en somme en train de créer un Facebook du jeu vidéo, couplé avec des fonctionnalités LinkedIn, puisque c'est également un lieu de rendez-vous pour les professionnels. La démarche permettra ainsi aux sponsors et aux grosses marques d'identifier des influenceurs avec qui elles pourraient travailler. Notre principal objectif, c'est de générer quelques champions et de montrer aux éditeurs qu'il existe un écosystème puissant et dynamique que l'on peut monétiser. On voudrait organiser un événement gaming par mois en Afrique, et pourquoi pas monétiser également le gaming marocain.

Quel rôle peut jouer un sponsor dans l'E-sport?

Un gamer comme Frionel, qui est un joueur très connu des jeux de combat "Street Fighter V" et "King of Fighter", se rend dans les plus grands tournois français et internationaux. Il a un très bon niveau, mais ce genre de champion n'est pas aidé, pas accompagné, pas financé. Il est obligé de se déplacer aux tournois avec ses propres moyens. Les sponsors permettent aux champions de vivre leur passion et de s'émanciper.

À l'heure qu'il est, aucun serveur n'est présent en Afrique...

Effectivement, les éditeurs ne disposent d'aucun serveur sur le continent africain. Ils n'ont pas investi l'Afrique parce qu'ils savaient techniquement qu'ils n'étaient pas encore abrités. S'il est vrai que nous sommes pour l'instant oubliés, je pense toutefois que nous sommes sur la bonne voie. C'est pourquoi nous allons commencer à recenser des joueurs marocains, par le biais de WGF.

Quel est le jeu vidéo au Maroc le plus pratiqué par les gamers selon vous?

Dans toute l'Afrique, le foot est numéro 1. En particulier le jeu "FIFA 17", qui domine depuis de nombreuses années le marché mondial. Il y a aussi "League of Legends", d'autant que ce jeu est gratuit. Sans oublier les jeux mobiles qui sont également très prisés.

Des évènements au Maroc sont-ils bientôt prévus ?

Nous avons organisé le 11 mars dernier une série de qualification pour la Morrocco LOL Cup, un tournoi en ligne dédié aux adeptes de "League of Legends". 64 équipes de 5 joueurs s'affrontent pour atteindre leur objectif, la finale de la Morrocco LOL Cup, qui réunira les 8 meilleurs équipes du tournoi. Cette finale sera organisée début septembre , à Casablanca à l'occasion du Morrocco Games Show. Il s'agit du plus gros salon gaming et E-sport africain. On espère pouvoir y rencontrer des développeurs et éditeurs du monde entier pour pouvoir démarcher un maximum de partenaires.

Y a-t-il un évènement dont vous n'auriez pas encore parlé publiquement?

Oui. Au mois d'avril, nous nous rendrons à la Paris Ultimate Fighting Arena, un gros tournoi organisé autour du jeu "Street Fighter V". Les 512 meilleurs joueurs mondiaux seront réunis, et je pense que notre Frionel national sera présent. Il faut à présent que l'on voit comment et qui organisera son déplacement. C'est compliqué tant quand on n'est pas sponsorisé.

Par Henri Margueritte - Source de l'article Huffpostmaghreb

Festival Coco Bulles (Côte d’Ivoire) : le crayon plus fort que la kalash

Un an après l'attentat de Grand-Bassam (Côte d'Ivoire), le Festival International du Dessin de Presse et de la Bande Dessinée Coco Bulles ouvre ses portes ce jeudi 16 mars. Plus que jamais, le crayon et l'humour répondent à la barbarie.

Comme un symbole, c’est sur la plage où a eu lieu l’attentat terroriste de Grand-Bassam que la quatrième édition du festival Coco Bulles ouvre ses portes. L’an dernier, le 13 mars 2016, la station balnéaire proche d’Abidjan était la cible d’une attaque djihadiste revendiquée par AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique). Il s’agit là d’un événement sans précédent dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Le bilan est lourd : 19 morts.


Ville historique et première capitale de la Côte d’Ivoire (1893-1900), classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, la station balnéaire de Grand-Bassam est un lieu prisé des Ivoiriens comme des expatriés. Ses dizaines de kilomètres de plage bordés par l’Océan Atlantique d’un côté et de la lagune Ebrié de l’autre, sa population hétéroclite, son patrimoine culturel et architectural exceptionnel qui compte notamment le Phare et le Musée national du costume (ancien palais du gouverneur), ainsi que ses nombreux centres artistiques font de cette ville une destination touristique incontournable lorsque l’on visite le Pays des Éléphants.

C’est aussi là qu’est né Coco Bulles. C’est aussi sur ces plages endeuillées de la cité que les organisateurs du festival ont décidé de maintenir leur rendez-vous, en signe de solidarité avec la population locale et de résistance contre le terrorisme.


Initié par TACHE D’ENCRE, l’association des dessinateurs de presse et de BD vivant en Côte d’Ivoire, Coco Bulles est un rendez-vous biannuel rassemblant les bédéistes et dessinateurs de presse ivoiriens et internationaux. Ce festival est aussi un forum de rencontres et d’échanges entre professionnels et amateurs du dessin, permettant ainsi aux artistes moins aguerris de se mettre à niveau lors des ateliers de formation organisés durant les deux jours du festival. Jean-Claude Fournier y a animé quelques ateliers lors de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire.



Lassane Zohoré et Plantu - 
Lassane Zohoré, Président de Tache d’Encre, Directeur de publication du journal Gbich ! et Ambassadeur Cartooning for Peace pour la Côte d’Ivoire, accueille Plantu à l’aéroport

Le programme du festival

Cette année encore, Coco Bulles propose de nombreuses animations pour le public, parmi lesquelles, des concours de BD et de dessin de presse pour des auteurs confirmés et des écoliers, des spectacles d’humour, un débat autour d’un feu de bois à la plage, ainsi qu’une parade à travers la ville. 
Des conférences sur les thèmes de la BD numérique (“Incontournable Numérique !”), du dessin de presse (“Dessinateur de presse, pyromane ou pompier ?”), ainsi que sur l’économie de la BD “(Les Enjeux économiques de la BD”) seront aussi organisé durant ces deux jours de festivités.

Parmi les nombreux artistes présents durant le festival, citons l’équipe du journal satirique ivoirien Gbich ! (équivalent de Charlie Hebdo), le dessinateur centrafricain Didier Kassaï, Plantu (France), Nicolas Vadot (Belgique), le caricaturiste français bien connu des Africains Damien Glez (France, Burkina Faso), la scénariste franco-ivoirienne Marguerite Abouet (Aya de Yopougon), le dessinateur palestinien Khalil et son homologue israélien Uri Fink, Willis from Tunis et Nidhal Ghariani (Tunisie), Odia (Sénégal) et Oscar (Guinée).


Par Christian MISSIA DIO - Source de l'article  Actuabd

L’arme de la bande dessinée aux mains de la jeunesse égyptienne - Un rôle moteur de la Fondation MAZG



Il y a quatre ans, trois jeunes femmes créent ensemble la fondation Mazg, pour promouvoir la bande dessinée et aider les artistes en organisant diverses activités dans leur local du centre du Caire, mais également dans d’autres villes et gouvernorats. 

Mazg est devenue en peu de temps un rendez-vous incontournable pour tous les professionnels et les amateurs du 9e art.

Fin 2012, Mouna El Masry, sa jeune sœur Sara et Najla Qoura décident de créer un projet artistique. Mais face au foisonnement d’initiatives, elles se démarquent en décidant de travailler sur un genre défini — la bande dessinée — et sur une durée suffisante pour dégager une influence, en échappant autant que possible au centralisme cairote.

À l’époque où elle travaillait dans une association de défense des droits humains, Mouna El Masry était chargée de la rédaction du magazine de BD Douchma1. Il existait en effet quelques tentatives indépendantes de produire des comics pour adultes, alors que le genre était resté longtemps cantonné au public enfantin. Mais bien qu’existant de longue date en Égypte, la production de la BD demeurait insuffisante et les artistes n’avaient pas de soutien. C’est alors qu’en janvier 2013, les trois jeunes femmes décident de lancer leur propre projet, appelé « Mazg » (mélange). Leur première activité est un atelier avec des étudiants sur les libertés académiques et l’expression par la BD.

Pour Mouna El Masry, « la BD est un moyen d’expression différent et attrayant qui intéresse de plus en plus les jeunes. Nous voulons aider les artistes et encourager la production. La BD, c’est comme le cinéma, c’est de l’image, on peut se passer de mots, mais cela reste expressif », insiste-t-elle.

Une si longue histoire

Le premier magazine illustré du monde arabe a vu le jour en Égypte en 1923, sous le titre El Awlad (Les enfants). Les dessins étaient alors rudimentaires et bien différents d’aujourd’hui, et les personnages étaient soit des héros locaux, comme le rossignol et le poussin, soit des étrangers tels que Laurel et Hardy ou Tintinen version arabe. Le magazine a poursuivi sa parution durant une dizaine d’années. Puis, dans les années 1950 est apparu Assindibad (Sindbad), auquel ont participé des dessinateurs tels que Hussein Bikar et qui était distribué dans les écoles. Ensuite est arrivé Samir, alors qu’Assindibad commençait à s’essouffler et devait bientôt disparaître. Le nouveau venu, qui publiait des histoires égyptiennes et étrangères avec la contribution de deux dessinateurs — un Égyptien et un Français — a constitué une école pour de nombreux artistes. La production d’histoires illustrées s’est ensuite déplacée vers le Liban, où elle a fleuri dans les années 1970 avec Bissat Arrih (Tapis volant), Al-Moughamer(L’aventurier) et Al-Foursane (Les cavaliers). Des dessinateurs et dessinatrices égyptiens ont collaboré à ces magazines, qui ont marqué le pas en 1975 avec la guerre civile libanaise.

‫كوميكس بالمصري‬&lrm — YouTube

Telle est l’histoire de la BD racontée par des dessinateurs, des auteurs et des amateurs dans le documentaire Comics Bil masri(Bandes dessinées à l’égyptienne) réalisé en 2014 par le scénariste Mohamed Ismaïl Amin et produit par Mazg avec le concours de l’Arab Digital Expression Foundation (ADEF). Le film, projeté dans plusieurs grands espaces culturels tels que la Maison de l’opéra et au premier festival international de la BD au Caire, nous apprend qu’après avoir reculé au Liban en raison de la guerre, la BD pour enfants a ressurgi aux Émirats arabes unis avec Maged(prénom arabe), en Arabie saoudite avec Bassem (idem) et en Égypte avec Oscar. Ce dernier magazine mettait en scène des personnages égyptiens, jusqu’à ce que les héros étrangers présentés en version arabe viennent envahir le marché.

Les initiatives se sont ainsi poursuivies de façon sporadique jusqu’à l’apparition timide de héros pour la jeunesse, il y a une vingtaine d’années. Plusieurs publications ont vu le jour en Égypte : Autostrade, Khareg Ann Essaytara (Hors contrôle), Enta Horr (Tu es libre), Fi Chiqatt Bab El Louq (Dans l’appartement de Bab El-Louq) et Metro, dont les exemplaires ont été saisis et l’auteur-dessinateur Magdy El Chafi arrêté et interrogé en raison de « certains termes contraires aux bonnes mœurs ». C’est ainsi que la BD a repris vie en Égypte, où sont parus plus tard les magazines Touk Touk et Combo, qui paraissent encore aujourd’hui.

L’art contre la répression

Durant la révolution, Sara El Masry travaille elle aussi dans une association de défense des droits humains, sur la liberté d’opinion et d’expression. Mais du fait de la répression, les militants en sont réduits à faire de simples documentaires, le plus souvent en rapport avec la mort des militants. Elle comprend alors qu’elle ne pourra pas continuer ainsi, dans un contexte aussi déprimant, et elle a envie de faire autre chose, en rapport avec l’art. Sa sœur aînée a constaté elle aussi que son action militante avait un effet néfaste sur son humeur : « Je me suis dit que l’art en général et la BD en particulier permettaient d’influer sur le cours des choses » , dit-elle. « L’art a un pouvoir considérable car il facilite le changement et la transmission des informations », renchérit Sara El Masry. Najla Qoura, quant à elle, est passée de la profession de psychologue à la thérapie par l’art puis à la direction de l’École des arts de Derb Ahmar, qui offre aux enfants démunis de ce quartier populaire des activités telles que le cirque et la musique sur percussions et cuivres. Elle raconte : « L’idée nous est venue de créer notre projet alors que nous discutions toutes les trois. Nous voulions nous concentrer sur une production unique de façon à laisser une empreinte plus profonde. Mouna pensait à la BD, et on s’est dit qu’on pourrait faire cela pendant un an, et passer à autre chose l’année suivante. Mais ce n’était pas aussi simple. On a réalisé des choses et noué des relations auxquelles il est difficile de renoncer. On a donc décidé de continuer la BD jusqu’à ce qu’on ait le sentiment de ne plus rien avoir à proposer » .

Enseigner la BD

Pour commencer, les trois jeunes femmes décident d’organiser en avril 2013 le premier « congrès » de la BD, avec le concours de l’ADEF. Elles accueillent des artistes, des éditeurs et des lecteurs pour débattre, et découvrent l’abîme qui sépare artistes et éditeurs, ainsi que les difficultés de la production. Un album exige en effet toute une année de travail, et durant ce temps l’artiste ne perçoit aucun revenu. « On est sorties du congrès avec plein d’idées, et on a commencé à travailler régulièrement en collaboration avec l’ADEF pour enseigner l’art de la BD. Tous les ateliers que nous avons animés ensuite étaient constitués de deux activités parallèles : scénario et dessin » .

En mettant en place un atelier dans les quatre gouvernorats de Mansoura, Sohag, Alexandrie et El Minya, elles se rendent compte qu’à l’exception d’Alexandrie, il n’existe aucun espace dédié aux pratiques artistiques et que la BD y est inconnue. Elles ont toutefois la satisfaction de voir émerger des auteurs de talent, dont certains préparent actuellement leur premier album. « Nous faisons désormais le lien entre les gouvernorats dans lesquels nous avons travaillé et les acteurs de la BD », explique Najla Qoura. « Entre 2013 et la mi-2014, nous avons produit la revueL’Express, qui est une sorte de recueil de dix histoires illustrées réalisées par des artistes de dix villes différentes sur le thème « une journée dans ma vie » à partir d’une collaboration entre dessinateurs et scénaristes, à part quelques auteurs qui illustraient eux-mêmes leur texte.

Les ateliers ont continué ensuite, mais seulement au Caire en raison du coût élevé des déplacements vers d’autres villes. « Fin 2014, poursuit Sara El Masry, nous avons organisé l’atelier « Info Comics » sur le droit à l’information, avec le concours d’un organisme de soutien aux techniques de l’information. Nous avons ainsi réalisé deux numéros d’un magazine intitulé Houwa allak féne ? (Et il t’a dit où) ? Puis, en 2015, l’atelier professionnel pour des étudiants des Beaux-arts afin qu’ils puissent faire de la BD un métier leur permettant de vivre et de poursuivre leur création. Mazg a également soutenu et conseillé des magazines de BD publiés par des associations de défense des droits humains. »

Un projet d'archives

Fin 2015, Mazg s’est lancé dans un nouveau projet intitulé Barra l’Kader (En dehors du cadre) visant à faire le lien entre BD et presse avec le site allemand correspondents.org, qui couvre la région de l’Afrique du Nord en arabe et en anglais. Le grafic journalism consiste à mettre en dessins des dépêches ne pouvant être illustrées par des photos, autrement dit à permettre de lire entre les lignes. Initié avec quatre artistes égyptiens et quelques dessins postés sur le site d’information, le projet s’est étendu en 2016 à une vingtaine d’artistes arabes, essentiellement d’Afrique du Nord, pour présenter une bande dessinée complète grâce au travail conjoint des artistes et des journalistes. « L’idée était de faire de la BD un média et de présenter la matière de façon plus attractive, car les gens sont lassés de la présentation traditionnelle », explique Mouna El Masry.

Mazg travaille actuellement à un projet d’archivage à travers un site indépendant interactif qui retrace l’histoire du 9e art en Égypte depuis les années 1920 jusqu’à nos jours. Intitulé « Wiki Comics » , le projet est ouvert aux artistes et aux chercheurs, invités à l’enrichir et à l’utiliser comme source d’information, et il est illustré des couvertures des travaux répertoriés. En projet également, la production, en collaboration avec d’autres artistes, de mini-albums composés d’histoires courtes et faciles à imprimer et à distribuer, fabriqués avec du papier bon marché et vendus à bas prix.

Rencontres entre professionnels et amateurs

Le travail réalisé par Mazg durant ces quatre années a été en totalité le fait de ses fondatrices, dont le budget ne permettait pas de recruter des collaborateurs. Mais les liens personnels qui les unissent les ont aidées à poursuivre leur entreprise. Les sœurs El Masry et leur amie Najla Qoura sont en effet d’anciennes camarades de classe venues ensemble au Caire en 2005 pour y chercher le travail qu’elles ne trouvaient pas dans leur ville de Mansoura. Et même si chacune d’elle s’est frayé son chemin, dans le journalisme, le militantisme associatif, l’écriture ou l’art, elles ont toujours eu l’ambition de monter leur propre projet.

Les locaux de Mazg, situés dans le centre du Caire, accueillent chaque mois un auteur invité à s’exprimer sur un sujet donné à travers la BD. Des expositions sont également organisées et les amateurs peuvent venir lire à la bédéthèque, dont le fonds constitué de dons contient quelques ouvrages rares.

Si l’on peut aujourd’hui parler de projets et d’initiatives diverses dans l’art de la BD en Égypte — festivals, publications et logiciels spécialisés —, l’ambition de Mazg reste toutefois, comme l’explique Najla Qoura, de diffuser la culture de la BD et d’impliquer celle-ci dans d’autres domaines, plutôt que de produire nous-mêmes. Nous sommes un organisme de conseil, en relation avec de nombreux artistes, et nous souhaitons coopérer avec d’autres organisations de façon à encourager l’usage de ce média pour s’exprimer sur toute chose, car c’est un art dans lequel interviennent aussi bien des écrivains que des dessinateurs, des journalistes, des architectes, des urbanistes et des publicistes. C’est un média visuel, entre le mot et l’image, qui permet de transformer n’importe quelle idée en histoire .

Si Sara El Masry aspire à renouveler l’expérience avec les gouvernorats, mais cette fois plus nombreux, pour y constituer des groupes intéressés par la production, sa sœur aimerait pour sa part voir prospérer la BD en Égypte, avec un lectorat plus étendu et la possibilité pour les auteurs de réaliser leurs œuvres.

Par Hadir El Mehdaou - Source de l'article Orient XXI


mercredi 15 mars 2017

"Casawa" la BD qui rend hommage à Casablanca et à ses habitants



La nouvelle bande dessinée Casawa de Mohamed El Bellaoui illustre des personnages typiques casablancais qui expriment leurs souhaits, leurs envies et leurs attentes par rapport à la métropole.

Casablanca a désormais sa bande dessinée. Le support, intitulé Casawa, et conçu par l’artiste casablancais Mohamed El Bellaoui, plus souvent connu sous le nom de Rebel Spirit, a été présenté le 14 mars dans la capitale économique. L'oeuvre écrite en darija et en français par le caricaturiste, en partenariat avec la société de développement local Casablanca Events & Animation, célèbre la "vitalité de la métropole, son histoire, ses potentialités et l’énergie de ses habitants", d'après ses initiateurs.

"Cette BD représente des personnages typiques casablancais, par exemple des supporters de foot et des businessmans, des étudiants ou encore des gens des quartiers populaires, qui se font porte-parole citoyens de la ville. On a essayé de viser toutes les catégories de personnes", nous explique Mohamed El Bellaoui. Sur chaque vignette, "les personnages nous parlent de leurs souhaits, de leurs envies, et leurs espérances par rapport à la ville et à leur vie dans la ville", précise le caricaturiste.

                          





À l'origine de cette collaboration avec Wecasablanca, projet de rebranding de la capitale économique, se trouve la volonté de révolutionner le quotidien des Casablancais. "Je partage avec ce projet l'envie de changer le quotidien des habitants de la ville, que ce soit dans les espaces publics, les gestes à s’approprier en matière de tourisme, de transport, de sport, d’enseignement ou encore des valeurs de citoyenneté".

La BD qui met en relief les rues, les places, parcs et monuments de la métropole, est consultable en ligne. Casawa a été distribuée à l’occasion des visites scolaires de l’exposition dédiée au grand dramaturge marocain Tayeb Saddiki, et devrait être prochainement disponible en version papier dans les écoles publiques et privées de la métropole.


Par Christophe Sidiguitiebe - Source de l'article Telquel

Histoire de la bande dessinée en Cote d’Ivoire (1/3)

Peu de gens le savent, mais l’édition ivoirienne est l’une des plus anciennes du continent. Christophe Cassiau-Haurie documente, ici, l’histoire des années 1960 aux années 1990, avant d’explorer dans un second épisode la bande dessinée des années 2000 (Histoire de la bande dessinée en Côte d’Ivoire 2/3).
Les éditions CEDA sont nées en 1961. Elles ont été créées par l’Etat Ivoirien en partenariat avec les éditions françaises Hatier, Didier, Fouchier et Mame. Si l’Etat n’était actionnaire qu’à 25% à l’origine, il est passé à 51% en 1974. En 1972, sont créés à Dakar les NEA (Nouvelles Editions Africaines) avec une direction générale à Dakar et deux antennes à Lomé et Abidjan. Dix ans plus tard, les NEA Abidjan tentent une autonomie qui se solde par un dépôt de bilan en 1989. Les NEA Abidjan deviennent BINEA (Bureau Ivoirien des nouvelles éditions africaines) qui, privatisé, devient les NEI (Nouvelles Editions Ivoiriennes) en 1992. Celle-ci aura une activité importante en matière de littérature pour la jeunesse en lançant des auteurs comme Véronique Tadjo, Fatou Keïta, Annick Assemian, Georges Bada (Bénin), Fatou Ndiaye Sow (Sénégal) etc.
Par la suite, d’autres maisons d’éditions seront créées comme Edilis (1993), PUCI (1998), Eburnie (2001), Les classiques ivoiriens (2004), Calao (2006) fondée par Camara Nangala. En 2006, Les NEI et CEDA s’allient pour occuper les mêmes locaux et services centraux et se coordonnent pour l’édition des manuels scolaires. En 2011, les deux deviennent une seule maison d’édition lorsque les NEI, fortes du succès de la collection à l’eau de rose, Adoras, absorbent entièrement CEDA(1) et ne deviennent le premier éditeur d’Afrique de l’ouest. Cette présence, assez importante à l’échelle de l’Afrique francophone, d’éditeurs locaux, dans le capital desquels les éditeurs français sont présents(2)aura une influence certaine sur la bande dessinée locale. En effet, la Cote d’Ivoire est l’un des rares pays d’Afrique avec le Sénégal, où l’édition de BD par des éditeurs privés sera assez conséquente. C’est le cas avec CEDA qui a édité un premier album en 1996 : Sanaba, qui aurait cru qu’une femme… qui aura beaucoup de succès, avant de retenter l’expérience avec le premier volume de la série de Benjamin Kouadio, John Koutoukou, responsable, irresponsable (1999). Avant de disparaître, les NEA avaient édité quelques bandes dessinées dont certaines étaient d’auteurs ivoiriens comme Yao crack en maths (1985), Kouassi et Ouattara : deux destins (1985). Enfin, les NEI avaient également abordé le domaine de la bande dessinée à la fin des années 90 avec la série Kimboo (deux volumes) qui traitait du problème du Sida ou de la drogue. Plus récemment, les éditions Eburnie ont publié début 2014 trois nouveaux volumes de la série John Koutoukou.
Mais le 9ème art en Cote d’Ivoire est original à plus d’un titre. Vieux de plus de quatre décennies, la BD ivoirienne peut se targuer d’abriter l’une des réussites les plus remarquables du continent, à savoir le magazine de Bd et d’humour Gbich !?, créé en 1999 et qui a tiré jusqu’à 25 000 exemplaires au début des années 2000 avant de se tasser à un montant fort honorable de 15 000 exemplaires après la crise économique née de la situation politique et militaire du pays. Cependant, la bande dessinée ivoirienne a une longue histoire qui ne se résume pas au succès de Gbich !? mais remonte à la colonisation. En effet, l’une des premières bandes dessinées dites « africaine» publiée dans un pays francophone du continent est une publicité pour la marque de bière ivoirienne Bracodi(3) (Société des brasseries de Côte d’ivoire) datant des années 50 et publiée dans la presse coloniale(4): « une boisson magique qui redonne sa vitalité à un ouvrier… ». Par la suite, dans les années 70, Bracodi réalisera un petit film publicitaire reprenant le personnage de Dago.
Les années 70….
La première série non-publicitaire publiée dans le pays l’a été dans l’hebdomadaire  Ivoire-dimanche à compter du 8 août 1971, soit 6 mois après la création du journal. Il s’agissait de Yapi, Yapo et Pipo, œuvre de G. Ferrant (dont on peut penser qu’il était Français). Elle mettait en scène les aventures de Yapi, un chauffeur de taxi, Yapo, son ami et le chien Pipo. Attaqués par des bandits sur une route, ils sont poursuivis jusque dans la forêt vierge où ils découvrent les restes d’une fusée française. Ils finiront décorés pour leur bravoure et leur action « en faveur de la paix ». Peu après, le premier auteur ivoirien de bande dessinée, Jean de Dieu Niazébo faisait paraître trois séries, toujours dans le journal Ivoire dimanche. La première, Hubuc et le travail, est parue en octobre 1971, la deuxième, Tout s’explique, en avril 1972. La troisième série, Les aventures de Grégoire Kokobé, mettait en scène Grégoire Kokobé, Ivoirien moyen, complètement mégalomane,  content de son sort, quand « il a mangé du foutou, bu du Bangui et quand Asec a gagné son match le week-end… ». Par la suite, Jean de Dieu Niazébo illustrera des romans pour la jeunesse comme Au royaume des revenants de Adou Edoukou (NEI, 2004) ou L’enfant de la guerre (S. Mbenga Mpiala, CEDA, 1999).
C’est le 18 mars 1973, dans Ivoire-Dimanche à nouveau, que paraît la première grande série ivoirienne de bande dessinée, Dago, paysan court et trapu, vêtu d’une culotte, d’un pagne et d’un parapluie, parcourant Abidjan sans jamais complètement s’intégrer à l’environnement urbain. « Le jeune Dago, philosophe en herbe, formé dans la tradition villageoise où la solidarité n’est pas un vain mot, constate, au fil de ses démêlées avec les « grotos » de la ville, que la modernité n’offre pas que des avantages lorsque l’on est sans le sou.(5) » Témoin d’une époque (celle de l’exode rural qui a affecté les pays africains après l’indépendance), cette œuvre d’Apollos (scénario) et Maïga (dessins) qui était le nom de plume d’un dessinateur français, Laurent Lalo, installé sur place introduisait pour la première fois le français populaire (le « français moussa ») dans la presse du pays. Le succès populaire ne se démentira pas de 1973 à 1977. Il sera même le personnage principal de nombreuses campagnes de publicité (dont les piles Eveready et la bière Bracodi) ainsi que d’un album en 1973Dago à Abidjan publié par Inter Afrique presse, la société éditrice de Ivoire-Dimanche. Il s’agit du premier album de BD publié en Côte d’Ivoire. Né de père corse et de mère ivoirienne, Jean Louis Lacombe (né en 1950) fait son entrée dans l’hebdomadaire Ivoire-Dimanche en juin 1976 avec Les histoires de Lacombe, série racontant de façon cocasse la vie quotidienne à Abidjan. Par la suite, il publiera également une série de planches racontant les aventures de M. Kouassi. En octobre 1978, Lacombe sort Monsieur Zézé, dans Ivoire dimanche, dans la rubrique réservée au « sourire du journal » et intitulé Le jour. Le succès est immédiat et durera dix années. « Avec son vieux chapeau mou, sa chemise rayée et ses bretelles, « Monsieur Zézé » devient rapidement le représentant pittoresque du petit peuple d’Abidjan en exprimant avec humour, dans « la langue de Moussa » les travers de la société urbaine ivoirienne… (6)».
© Jean Louis Lacombe, « Monsieur Zézé », dans Ivoire dimanche
La série ne fut pas sans créer des polémiques. Diégou Bailly stipule que le héros de Lacombe est un parasite sans emploi qui a pour devise « Paresse – naïveté – gentillesse » (7) Pour Jérôme Carlos (8)« Zézé est un personnage alibi pour s’attaquer à un certain nombre de travers de notre société… C’est le prototype de l’anti-héros… Un peu l’antithèse de ce qu’on peut ou veut aimer, de l’idéal dont on peut rêver. » Diégou Bailly y voit également autre chose : « Toute l’œuvre colporte cependant un relent d’anti-féminisme et s’attache, à travers ses divers épisodes, à magnifier les faits et les gestes des expatriés européens, pendant qu’elle présente invariablement le « petit peuple » de Côte d’Ivoire en situation de perpétuel quémandeur (9) ».
Les années 80….
En mai 1980, sous le nom de Labo, Maïga démarrera une nouvelle série, Waxo, dans le même hebdomadaire et qui sera publiée en alternance avec Monsieur Zézé. Mais Waxo aura moins de succès que Dago. Par la suite, Maïga abandonnera son pseudonyme et signera de nombreuses illustrations en Côte d’Ivoire comme en France (Les classiques africains). Il participera également dans la revue Zazou sous le pseudonyme de Guiho. À partir du début des années 80, Lacombe se partage entre la Corse (île d’origine de son père) et la Côte d’Ivoire et cet éloignement géographique commence à se faire sentir dans la régularité de la livraison des planches, du fait des caprices de certaines compagnies aériennes. L’aventure durera tout de même 10 ans au total pour ce personnage complètement en déphasage avec la vie citadine et dont l’onomatopée favorite était Ziké ! Monsieur Zézé sera même le héros de trois albums édités au Gabon, chez Achka, dans la collection Équateur en 1989 et 1990 Ça, c’est fort !Ça gaze bien bon !Opération coup de poing. En 1984, il prend la tête de Le margouillat un journal de BD et d’humour lancé par Ivoire dimanche qui ne connaîtra que deux numéros. Puis, sous le pseudonyme de Lakote, il dessine et dirige une revue de bandes dessinées, Zazou (1978 – 1986), « bimestriel ivoirien de la bonne humeur », qui durera une dizaine d’années et une vingtaine de numéros avec une périodicité aléatoire. Lacombe a collaboré durant sa période ivoirienne à diverses publications comme Fraternité matin (Ed. Speci), la revue Contact (Air Afrique), L’éclatant (Elvifrance) et même Pif Gadget (n° 909 d’août 1986) où il propose les aventures d’Hercule Babysitter. Il publie Ziu memè en 1988 chez l’éditeur corse Albiana. En même temps qu’Ivoire Dimanche, d’autres titres de presse ont proposé de la bande dessinée à ses lecteurs. C’est le cas de Fraternité-Matin. Deux auteurs y ont suivi le même parcours, à savoir caricaturiste à la rubrique Sourire du jour avant de continuer par la bande dessinée.
Le premier, Jess Sah Bi (Sah bi Dié), a également travaillé pour Le guidoFraternité-hebdo et d’autres organes de presse locaux. Son premier album en 1984 est Imbécile et heureux. Le deuxième, Yao crack en math (Nouvelles Éditions Africaines, 1986), a été fait en collaboration avec Joséphine Guidy Wandja, enseignante à l’Université d’Abidjan. Cet album pédagogique avait pour but de faire progresser les jeunes élèves en mathématiques de façon ludique via la BD. Son album le plus populaire a sans doute été Humour du stade Asec-Africa, un ouvrage en noir et blanc qui traitait de la rivalité entre les deux grands clubs de la capitale. Il a créé, à la fin des années 90, pour Fraternité-hebdo les Zirigbis, série de strips mettant en scène des schtroumpfs africains aux aventures hilarantes. Par la suite, Jess Sah Bi s’orientera vers la musique et fera plusieurs duos à succès de country music avec Peter One. Puis il se produira en solo avant de s’orienter vers la musique religieuse. Il réside aux États-Unis, à Philadelphie depuis 1995 et continue à faire régulièrement des illustrations. Sa dernière apparition locale dans le domaine du 9e art est l’album Kimboo contre la drogue (NEI), qu’il dessine et colorise avec Zohoré en 2001. Le second, Soumaïla Adigun, d’origine nigériane, y fait paraître en 1983, en traduction, un conte de Noël : Le rêve de Denis Kangui. Par la suite, il émigre pour les États-Unis en 1996 et s’installe à New York. Il y continuera en free lance sa carrière de designer, graphiste, illustrateur et professeur de français à l’occasion.
À cette époque, la Cote d’Ivoire attire de nombreux étrangers, attirés par les possibilités de travail, y compris dans le domaine de la BD. C’est le cas de Salia. Bien que né au Mali, celui-ci a vécu toute son enfance à Bouaké. Autodidacte, il commence par raconter au début des années 80, sur du vieux papier recyclé des histoires humoristiques, tournant autour des mésaventures urbaines d’un jeune débrouillard qu’il nomme Fol-Boy. Remarqué par Gérard Clavreuil qui dirigeait à l’époque l’Imprimerie de la Cathédrale de Bouaké, il publie, grâce à ce dernier, un premier fascicule des Aventures de Fol-Boy qui lui vaut un certain succès auprès de la population locale. Il publia ensuite quelques dessins de presse dans l’hebdomadaire La Gazette du Centre, puis un second fascicule des Nouvelles aventures de Fol-Boy dont la diffusion jusqu’à Abidjan, grâce à un tirage plus conséquent, fut un succès populaire. Salia se lance ensuite dans l’adaptation de Quand les flamboyants fleurissent les Blancs dépérissent, roman éponyme publié en 1985 aux éditions Rochevignes, sur un scénario des Français Bréal et Karul (Alain Brezault et Gérard Clavreuil), coauteurs du roman, qui vivaient à l’époque à Bouaké.
© Salia, adaptation BD de « Quand les flamboyants fleurissent les Blancs dépérissent », chez l’Harmattan
La sortie à l’Harmattan en 1985 des deux tomes constitue les premières BD réalisées en France par un ouest africain ainsi que la première réalisation commune entre Européens et Africains. Par la suite, Salia travaillera sur une adaptation du Mandat de Sembène Ousmane, sans qu’aucun éditeur ne se montre intéressé par les quelques planches qu’il proposera. Après une petite carrière dans la chanson (avec en particulier un tube dénommé L’argent, l’argent), Salia disparaîtra du paysage au moment des troubles qu’a connus le pays dans les années 90, sans que l’on ne sache exactement ce qu’il est advenu de lui. Le Guinéen Camara Anzoumana, cousin de Camara Laye, est né à Kouroussa, un village de Haute Guinée. Formé à l’École des beaux-arts de Conakry, il part à Abidjan dans les années 80 où il devient dessinateur de presse pour Fraternité matinpuis Fraternité hebdo, organe pour lequel il crée plusieurs séries comme Konan le brut ou La reine Pokou. Par la suite, il collabore à différentes revues comme Ivoire dimanche ou Yan-Kady pour laquelle il produit la série Zatar. Il retournera par la suite en Guinée où il travaillera dans le cadre de campagnes de lutte contre le Sida, et pour lesquelles il produit une bande dessinée, et collabore au journal L’éducateur avant d’émigrer en France, où il illustrera des livres scolaires pour Hatier Internationalet des contes pour Présence africaine. Enfin, le français Mohiss (Maurice Richard), ancien graphiste-concepteur à la télévision scolaire de Niamey dans les années 70, a vécu au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Il a longtemps produit des cartes postales que l’on trouvait dans Abidjan dans les années 80. Il publiera par la suite au Sénégal quatre albums d’illustrations malheureusement épuisés à ce jour : L’écritoire (1984), Tout passe (Dieu merci) (1983), Baobab n’a pas d’épines (1993) et Petits jobs et gros boulots (1997). Gnénébé Beugré a participé en 1985 à l’édition d’un des derniers albums de BD édités par les Nouvelles éditions africaines (NEA) : Kouassi et Ouattara : deux destins. T.1, La décision, avec les Français Jack Chaboud au scénario et Jean-Bernard Auboin comme co-dessinateur. Il ne refera plus parler de lui par la suite. La fin des années 80 correspond au début de la belle carrière de Benjamin Kouadio (né en 1967). Diplômé des beaux-arts d’Abidjan, celui-ci, qui signe également Kbenjamin, commence sa carrière en travaillant pour Télé-miroir où son personnage principal John Koutoukou naît en gags d’une planche dans la revue Télé miroir en 1989. D’autres dessinateurs comme Benoît Kouamé, aujourd’hui retiré du milieu de la bande dessinée, ont commencé leur carrière en publiant des planches de bande dessinée dans des journaux comme Ivoire dimanche à la même époque.
Les années 90….
Cette décennie, et celle qui suivra, est marquée par le début de l’aventure du journal satirique de bandes dessinées, Gbich !? créé en 1999. Mais avant d’aborder la formidable aventure de cette revue, dont le succès est quasi-unique en Afrique, il convient de se pencher sur le parcours individuel de certains dessinateurs qui mènent leur carrière en parallèle. C’est le cas de Dan N’Guessan (né en 1949). Ancien instituteur et ancien professeur à l’école des beaux-arts puis dessinateur de motifs pour pagnes, il a illustré plus d’une quinzaine d’albums pour enfants dont, entre autres, des albums pour CEDI : Hamid le petit porteur (1997), Demande d’emploi (2001), Le cahier noir (1998) mais aussi pour les NEI (Attauba, le petit malin en 2002), des livres de contes ou Nan la bossue (CEDA, 1988) ainsi que des livres scolaires pour Edilis ou l’Inades… En 1996, il dessine son unique album commercial de bande dessinée, Sanaba, qui aurait cru qu’une femme…(CEDA), sur un scénario de Youkoua Kouassi. Il a également dessiné une autre BD, un album de commande intitulé La chaîne de production, pour CEDA.
Caricaturiste, formé à l’INSAAC (Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle) d’Abidjan, Abraham Niamien crée au début des années 90 le personnage de Kalou le prof dans le journal Univers jeunes. Devenu professeur d’arts plastiques au lycée, Kouadio illustre en parallèle de nombreux ouvrages scolaires ou de littérature enfantine, édités localement (en particulier lesNouvelles Éditions Ivoiriennes) ou à l’étranger (Les classiques africains). Une bande dessinée de sensibilisation de 16 pages intitulée Samba, le bourreau des lamantins est réalisée en 1991, avec le concours du ministère de l’Agriculture. L’année précédente, Kouadio avait dessiné Boubou, un album en noir et blanc de 20 pages, réalisé pour le Centre de Média Baptiste. Son premier album personnel John Koutoukou, Responsable irresponsable paraît en 1999 dans la collection humour des éditions CEDAJohn Koutoukou est un jeune homme amateur de musique. Guitariste et moralisateur, il fustige les différentes tares de la société à travers ses textes. Éveilleur des consciences anesthésiées par les mauvais comportements et les mauvaises habitudes, Koutoukoun’a pas sa langue dans la poche. Pour lui, toutes les vérités sont bonnes à dire. Il le fait ressortir à travers sa devise : « Z’yeux voient bouche parle ». Cela n’est pas pour plaire à tout le monde, en particulier l’agent Srantê Himself, portrait type du flic véreux. Satire sociale dont les thèmes récurrents sont l’injustice, la corruption, la malhonnêteté, la guerre, le sida, le système D (débrouillardise), etc. Après Télé miroir, la série avait été reprise entre 1992 et 1993 dans Le guidoResponsable irresponsable sera la dernière production de Kouadio durant de nombreuses années du fait d’une succession de coups d’état et les années de guerre civile qui vont déstabiliser le pays entre 2002 et 2010. Il se rattrapera par la suite. En Corse, Lacombe continue sa carrière loin du pays de ses débuts, avec une succession d’albums publiés dans des maisons d’édition insulaires : O dumè, les meilleures histoires corses en bandes dessinées n° 1 (Abbià, 1998), Le dossier corse – La contre-enquête (Ed. DCL, 2004, réédition 2009), Zap et Zoulie n°1, Bulabuledda 1 et 2, pour apprendre les premiers mots en corse(10). Après avoir étudié la peinture à l’École des beaux-arts d’Abengourou, Faustin Titi (né Faustin Titi Kouamé en 1973) travaille pour l’agence de communication Nelson McCann et contribue à plusieurs magazines et journaux ivoiriens Liberté, Kabako et La Gazette. Il a également dessiné des bandes dessinées promotionnelles et éducatives. En 1992, il est sélectionné pour le Prix Calao et voit son histoire publiée dans l’album qui en est issu : Au secours ! Il reçoit également le Prix de la meilleure histoire au festival ivoirien Cocobullesen 1999 pour Gris-gris d’amour, scénarisée par Christophe Ngalle Edimo. Par la suite, Faustin titi émigrera pour la France. 1999 est également l’année du premier des deux albums édité autour du personnage de Kimboo. Jeune garçon ivoirien vivant dans son village, celui-ci se bat contre les méchants à travers le monde. Kimboo avait d’abord fait l’objet d’une série de 48 mini-dessins animés de 5 minutes, diffusé sur la chaîne française FR3 en 1989 (11). La productrice, Liliane Lombardo, en fera dix ans plus tard deux albums de BD, qu’elle scénarisera. Cap sur Tombouctou, dessiné par le français Elce, sera suivi par Kimboo contre la drogue (2001), dessiné par Jess Sah Bi et Lassane Zohoré. C’est en 1993, que Marc N’guessan (né en 1965), dessinateur français d’origine ivoirienne, débute sa carrière, aux Éditions Vents d’Ouest avec une série en deux volumes, Gardel le Fou. Par la suite, il collaborera avec Crisse sur Petit d’homme, aventure publiée fin 1996 chez Soleil Productions. Il continuera par la suite chez le même éditeur avec une nouvelle série de genre animalier : Aberzen (4 tomes, 2001 – 2005). Puis ce sera jusqu’en 2008 les quatre tomes d’Arthur et les minimoys (toujours chez Soleil), suivi de Jour de grâce (2010), des deux premiers volumes de Ling ling (Bamboo) et d’une participation à un collectif, Les collectionneurs.
Mais c’est surtout en 1999, qu’est lancée la revue de bande dessinée et d’humour, Gbich! éditée chaque semaine à Abidjan. Baromètre de la vie sociale en Côte d’Ivoire, le journal a tiré jusqu’à 35 000 exemplaires entre 1999 et 2002, année du début de la crise politique ivoirienne. Son tirage moyen tourne aujourd’hui autour de 15 000 exemplaires, ce qui en fait le quatrième titre le plus lu du pays. Gbich! propose des rubriques collant au vécu quotidien des lecteurs. Plusieurs séries BD sont proposées et qui durent encore de nos jours. La règle veut que l’ensemble des dessinateurs est susceptible d’intervenir sur l’une ou l’autre des séries selon les besoins du moment ou les nécessités du bouclage. Le journal a également des chroniques écrites comme Enquête ExprèsEt dit tôtZ’yeux voient pas, Bouche parleCourrier Drap. Ce journal est la plus importante publication satirique de Côte d’Ivoire et d’Afrique de l’ouest. De nombreux journaux calqués sur le modèle de Gbich! sont nés quelques années plus tard mais sans atteindre son succès. Gbich! est la transcription d’une onomatopée. Le journal est né de la volonté commune de Lassane Zohoré, Illary Simplice (dessinateurs), Bledson Mathieu (journaliste) et Adrien Bonné (financier). Lassane Zohoré (né en 1967) commence sa carrière de dessinateur au quotidien ivoirien Fraternité Matin en qualité de caricaturiste. Il y anime durant plus de dix ans la rubrique humoristique Le sourire du jour. Celles-ci feront l’objet d’un recueil en 1991 : Koutoubou ! Les Sourires du jour tome 1. En 1993, il entre dans l’agence McCann Worldwide, et en devient le directeur artistique jusqu’en 1999, année où il fonde le célèbre journal Gbich ! avec Illary Simplice et en devient le directeur de publication. Il y invente un nombre impressionnant de séries. Zohoré a également publié en 1997 chez CEDALe sida et autres affaires le concernant, un recueil de dessins publiés dans Fraternité matin. La principale série qu’il a créée pour Gbich ! est Cauphy Gombo, avec Illary Simplice, en 1999. Cauphy Gombo est un businessman véreux allant d’échec en échec. Toujours à l’affût d’un bon coup, se voulant impitoyable et sans scrupule, sa devise est «No pitié in bizness !» Malgré toutes ses tentatives pour gagner de l’argent, il ne récolte finalement que des miettes pour le plus grand bonheur des lecteurs. Cauphy Gombo compte un album, paru en 2003 : No pitié in bizness ! Dessiné au départ par Zohoré, assisté parfois de Kan Souffle, repris par Willy Zekid dès 1999, ainsi que Miezan, Cauphy Gombo est maintenant animé par Flétcho et Serayé. Cauphy Gombo a également été adapté à la télévision sous les traits de Michel Gohou. Un disque a même été produit reprenant les histoires du personnage (Les 13 commandements de Cauphy Gombo). Enfin, une série dénommée Cauphy Kan était diffusée dans le journal pour la jeunesse Gbichton et proposait les aventures du fils de Cauphy Gombo.
© Lassane Zohoré, « Cauphy Gombo » dans Gbich!
L’autre cofondateur et rédacteur en chef du journal est Illary Simplice (né en 1974). Cet ancien caricaturiste à Fraternité matin est aussi le créateur de la série Tommy Lapoasse. Il a également créé et animé plusieurs autres séries par la suite : Gazou la doubleuz, Eliane Kouett, A.Lasko, Le syndicat des chefs d’États Africains, Son excellence M. et Mme Papagou… Deux autres piliers du journal sont de l’aventure dès le départ. Kan Souffle, diplômé de l’École des beaux-arts d’Abidjan, a créé plusieurs séries dont la plus connue est Gbassman. Autre diplômé de l’Académie des beaux-arts d’Abidjan (en 1989), Mendozza y Caramba a été professeur d’arts plastiques de 1991 à 1999. Cette année-là, avec d’autres dessinateurs de la place, il délaisse l’enseignement et rejoint Illary Simplice et Zohoré Lassane, dans l’aventure Gbich!Au début, rédacteur en chef adjoint, reporter, caricaturiste et dessinateur de BD, il y crée la série Les habits presque neufs du Président devenu Les vieux habits du président qui met en scène avec humour la vie quotidienne de Laurent Gbagbo ainsi que la rubrique Sérieusement qui illustre les proverbes du monde entier. L’un des secrets de la durée du journal tient en particulier à la qualité de ses séries qui sont souvent de parfaits résumés de la société ivoirienne. Certaines d’entre elles continuent d’être diffusées de nos jours. Créé par Illary Simplice dès les débuts du journal Gbich!, Tommy Lapoasse est un jeune étudiant vivant en résidence universitaire et à qui la malchance colle en permanence. Le mauvais sort qui l’entoure déteint même sur son entourage… Si Hermann N’ganza a régulièrement assisté Simplice sur la série durant plusieurs années, Tommy Lapoasse est maintenant dessiné par Serayé. Morris Blant, comme souvent dans Gbich!, fournit régulièrement l’idée de départ ainsi que Jihel. En 2002, un album est sorti, intitulé Ça poisse ou ça casse. Un projet de série animée est en train de voir le jour au studio Afrikatoon. Enfin, une série dénommée Lapoassou était diffusée dans Gbichton et proposait les aventures d’une reproduction de Tommy Lapoasse en plus jeune. Créé par Karlos Guédégou en 1997 dans le journal Actuel, l’inénarrable Jo’Bleck est un Don Juan ivoirien impénitent, qui vit, depuis 2001 (à compter du n°91), ses aventures amoureuses avec la gente féminine au sein du journal Gbich! pour le plus grand bonheur d’un lectorat fidèle. Jo’Bleck compte un album paru en 2009 : L’amour est roi. Plusieurs auteurs suppléent régulièrement Guédégou, entre autres G. Thierry ou Goché aux dessins et Morris Blant au scénario.
© Kan Souffle, « Gbassman » dans Gbich!
Créé par Lassane Zohoré et Willy Zekid dans le journal Gbich!Papou est un petit garçon vif d’esprit mais qui comprend tout au premier degré. Sa naïveté entraîne des situations cocasses et des malentendus pour le plus grand bonheur des jeunes lecteurs. À l’origine Papouavait été créé par Willy Zekid pour le journal JPJ(des Jeunes pour les jeunes) de Brazzaville. Il s’appelait alors Nkrakounia. Zekid l’a alors proposé au journal Gbich! lors de son installation à Abidjan. La série sera reprise par une série d’auteurs après le départ de Willy Zekid pour l’Europe : Miezan, Dan Fabrice, G. Thierry, Jihel, etc…Créé par Lassane Zohoré dans le magazine Gbich! en 2000 (n° 43), Gnamankoudji Zékinan est une véritable force de la nature qui ne perd jamais une occasion de se bagarrer. La force est son principal mode de communication. G. Thierry a dessiné le personnage au départ avant d’être régulièrement suppléé par Miezan, Dan Fabrice et d’autres dessinateurs comme Konan avec quelquefois des idées et des scénarios de Jihel. Enfin, une série dénommée Gnamankoudji Zékitou était diffusée dans Gbichton et proposait les aventures d’un clone de Gnamankoudji Zékinan en plus jeune. Policier véreux, sans scrupule, ne pensant qu’à racketter du matin au soir, Sergent Deutogo(‘deux Togo’ en langage nouchi signifie deux cents Francs CFA, somme qu’il extorque à ses victimes), est né en 2000 (dans le n° 37) de la plume de Bob Kanza, sous la direction de Lassane Zohoré. Après le départ de Bob Kanza pour la France, Goché reprendra jusqu’aujourd’hui le personnage, bénéficiant ponctuellement des idées de Morris Blant. Présent dès les premiers numéros du journal Gbich!, Gazou la doubleuz présente les aventures comiques d’une superbe jeune femme très courtisée par les hommes. Cette série de strips créée par Illary Simplice, a connu plusieurs auteurs (dont Fabrice Sompleny, Aboua Richard, Morris Blant) et a longtemps constitué l’une des séries les plus populaires du journal. Arrêtée en janvier 2006 (n° 326), la série sera reprise en 2010 sous la plume de G. Thierry.  Créé – on l’a vu – par Kan Souffle pour le journal Gbich! en 1999, Gbassman est un héros typiquement africain, doté de pouvoirs surnaturels. Plusieurs histoires se sont succédé depuis les premiers numéros du journal : Gbassman (1999), Gbassman contre Maury le super dozo (1999), La femme de rêve (1999-2000), L’apprentissage (2000-2001), Pour l’honneur (2001), Le grand prêtre (2002-2003), Passion et ambition (2003-2004). Gbassman a fait l’objet d’un album sorti en 2006 chez Gbich! Éditions. Pendant quelques années, la série n’a plus fait l’objet d’autres histoires. Puis en juin 2008, Kan Souffle a fait paraître une nouvelle histoire, Le nouveau gardien, avant de récidiver en 2009 avec La sirène des eaux.
D’autres séries nées avec le journal ont eu une durée de vie plus courte. La série de strips Ferplé ne durera que la première année (jusqu’au N°40). Série humoristique composée de strips en trois cases, Filo et Zofy mettait en scène deux personnages masculins confrontés aux douces péripéties de la vie. La série a été créée en 1999 par Zohoré, le dessin a été poursuivi par Béhouna, puis par Ben Sylla, avec des scénarios de Morris Blant, entre autres. Elle s’arrêtera en 2005 pour reprendre en 2014 jusqu’à nos jours. Strips paraissant dans le journal durant trois ans, la série Les gens, créée et dessinée par Karlos Guédégou, se penchait avec humour sur la vie ordinaire des gens communs. Créée par Illary Simplice et Zohoré, la série Gas-blo mettait en scène un bluffeur qui aimait frimer et épater la galerie avec son téléphone portable. Le titre Gas-blo est d’ailleurs un diminutif de « Gaspard Bloffeur » (déformation de ‘bluffeur’). À une époque où le nec plus ultra était d’avoir le plus petit téléphone doté du maximum d’options high-tech, l’excentrique Gas-Blo, personnage excentrique, possédait un téléphone d’un autre temps : énorme, il pesait lourd et avait des options complètement ridicules et invraisemblables. La série s’arrêtera durant l’année 2002. Dessinée et scénarisée par T-Gbalin, la série Docteur Trouve-tout a été publiée de 1999 à 2002. Présent dès le premier numéro du journal Gbich! avec l’histoire Escale fatale à Abidjan, A.Lasko est une série d’Illary Simplice et Konan Béhouna présentant les aventures d’un gangster repenti. Après deux autres histoires (Gbangban sur la ville, La tigresse de Treichville), la série s’arrête à la fin de l’année 2000. D’autres dessinateurs ont travaillé pour le journal dès sa création. Ce fut le cas de Konan Béhouna qui y créa dès les premiers numéros la série policière A.Lasko sur des scénarios d’Illary Simplice et reprit, après Zohoré, la série Filo et Zofy. Son départ pour l’Europe à la fin des années 2000 a interrompu ses activités dans la bande dessinée. En même temps que Gbich!, naît Tache d’encre, une association de dessinateurs de presse et de bande dessinée. L’association a pour objectif de promouvoir les métiers de dessinateurs de presse et de bande dessinée, favoriser le rapprochement des artistes entre eux, tisser des relations d’échange et de travail, organiser des séminaires de formation, créer des plateformes d’expression, sensibiliser et informer par le dessin. Tache d’encre a organisé plusieurs éditions du festival Coco bulles, des expositions, des campagnes de presse, des ateliers, etc. Très active, elle s’appuie sur l’ossature de l’équipe de Gbich!Le président est Lassane Zohoré, le commissaire aux comptes, Jean Thomas Gbalin. La décennie suivante s’annonçait sous d’heureux auspices. Malheureusement, la situation politique allait entrainer une forte instabilité du pays et entraîner de gros problèmes socio-économiques. Le milieu de la BD comme l’ensemble de la société ivoirienne allait en payer le prix.
Par Christophe Cassiau Haurie - Source de l'article Africultures
(1) Leur site est sur http://neiceda.com/.
(2) C’est d’ailleurs le cas des NEI avec le français Edicef (filiale du groupe Hachette) avec l’ivoirien Edipresse et l’Etat ivoirien.
(3) Bracodi a été créé en 1949. Elle a fusionné avec l’autre grand brasseur du pays, la Solibra, en 1994.
(4) G. Retord, les débuts de la publicité en Côte d’Ivoire, Communication audio-visuelle N°4, Abidjan-Inades, 1980, p.20.
(5) Cf. notice sur Maïga par Alain Brezault : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=personne&no=26399
(6) Cf. notice sur Lacombe par Alain brezault : http://www.afribd.com/personne.php?no=26283
(7) Diégou Bailly, La bande dessinée comme moyen de communication : l’exemple de monsieur Zézé, Mémoire de maîtrise – Université d’Abidjan, juin 1983, pp. 98-109.
(8) Jérôme Carlos, Zézé, qui es tu ?Ivoire-Dimanche, N°678 – 5 février 1984.
(9) Diégou Bailly, Les bandes dessinées in Notre librairie N°87, avril – juin 1987.
(10) Depuis, avec Madeleine Colombani, il a installé son studio à Aix en Provence où il travaille pour différents clients. Ils illustrent en particulier des contes (u ciquantottesimuGhjaseppu è u catellu muntagninuSawa et le peuple sauterelle…) pour le CRDP de Corse.
(11) En 1989, Kimboo avait également fait l’objet d’un livre pour la jeunesse écrit par Caya Makhele et illustré par Laurent Lalo : Boubou et Ako chez EDICEF.