Ces dernières années, l’eSport en Afrique a connu une croissance massive. Toutefois, les joueurs de cette région du monde sont trop peu représentés sur les scènes compétitives. Nous allons étudier les raisons de ce manque de présence dans les tournois internationaux.
Avant propos – Nous sommes conscients que l’article analyse un continent et non une nation. Chaque pays a une culture différente vis-à-vis de l’eSport et il existe des disparités d’infrastructures assez fortes. De même, il comporte entre les patries des dissemblances sur le processus de professionnalisation (pour l’ensemble des professions de l’eSport). Pour la réalisation de cet article, nous nous sommes appuyés sur une source vidéo et des interviews d’acteurs de la scène eSport en Afrique. Notamment celle de Youssef Mohsen, fondateur de la plus grande structure d’Egypte, Anubis Gaming. Ainsi que de De Wet Lombard-Bovey, alias Ridditz, caster et streamer Dota2.
On a souvent l’habitude de penser que le monde de l’eSport ne tourne qu’autour de l’Europe, de l’Amérique et de l’Asie. Pourtant, le monde est vaste, ses contrées nombreuses, et autant d’endroits où l’actualité du sport électronique s’étend et s’agite. Alors tournons-nous ailleurs, dirigeons-nous en Afrique.
Ce bien beau continent nous a habitué à envoyer chaque année quelques représentants nationaux lors de grands évènements comme l’ESWC, ESEA Global Premier Challenge, WESG… Le développement de l’eSport en Afrique grandit de jour en jour. Mais c’est un point rarement abordé car il reste encore peu visible.
De l’eSport en Afrique ?
Ceci pourrait en faire sourire certains qui estiment que les jeunes d’Afrique ne sont intéressés que par le foot, mais cela reste une vision assez erronée. L’eSport est bel et bien existant sur le continent, et pas seulement dans les pays riches comme l’Afrique du Sud, le Maroc ou la Tunisie. Il l’est également au Cameroun, Ghana, Sénégal, Gabon, Mali. Bien sûr, cette liste des pays où se pratique l’eSport est non-exhaustive.
Une étude sur l’intérêt de l’eSport en Afrique du Sud a été réalisée par BtoBet, pour témoigner du phénomène. Nous pouvons remarquer que l’eSport intéresse une tranche d’âge sensiblement plus jeune qu’à internationale. Nous apprenons que 30% des africains de 18 à 24 ans sont intéressés par l’eSport.
D’ailleurs, l’ESL est bien présent avec des événements réguliers, et diffuse même des compétitions sur l’une des chaînes principales d’Afrique du Sud.
L’Afrique du Nord n’est pas en reste non plus. Récemment, une compétition majeure sur les plus gros titres (LoL, CSGO ou SC2) a eu lieu : la North African Cyber League.
Toutefois, la popularité de l’eSport ne provient pas uniquement des jeux PC. La console, avec notamment le jeu FIFA 17, et le mobile, avec Clash of Clans, ont eux aussi leur mot à dire. Par ailleurs, la popularité est bien plus forte sur FIFA console pour des raisons qui seront précisées plus tard dans l’article.
Des pro-gamers en Afrique ?
A l’échelle internationale, des joueurs gagnent des millions de dollars grâce au sponsoring et aux salaires payés par leur structure respective. En Afrique, il existe quelques structures importantes comme Energy Esports ou Bravado Gaming. Aussi étonnant que cela puisse paraître, elles ne suffisent pas à faire carrière dans l’eSport.
L’un des problèmes clés, que nous pouvons aussi voir en occident dans les équipes amateurs et semi-pro, c’est qu’avant d’être joueurs, ils sont surtout étudiants ou jeunes travailleurs. Sur la scène internationale, dans les équipes professionnelles, ils jouent pour gagner leur vie. Cela signifie plus de temps d’entraînement et plus de motivation.
Il ne faut également pas oublier l’obstacle parental à surmonter. Selon les propos de Youssef Mohsen :
Les parents ne comprennent pas comment les jeux vidéo peuvent amener à une carrière.
En Afrique, laisser les enfants faire carrière dans l’eSport serait un pari beaucoup trop risqué.
L’autre problème pour le moment, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de grands tournois ou ligues internationales en Afrique pour les équipes.
Pourquoi un tel manque de visibilité ?
Avez-vous déjà entendu parler d’un évènement eSport qui se passe en Afrique ? Avez-vous déjà suivi un événement eSportif africain ? Si la réponse est non, c’est normal !
Une blogueuse eSport de renommée en Afrique du Sud, Sam ‘Tech Girl‘ Wright, dont nous reprenons les analyses, est revenue sur les raisons de ce manque de visibilité.
Plusieurs facteurs sont nécessaires pour la médiatisation de l’eSport. Les streams doivent être réguliers et planifiés, et doivent être réalisés par des personnalités eSportives locales. Malheureusement, comme expliqué par l’intervention du YouTubeur, George ‘GeeMax‘ Smith, il est difficile de s’y faire une place. En outre, très peu d’efforts sont consacrés à la constitution de personnalités des joueurs. Il y a très peu de joueurs en Afrique qui font l’objet de représentant marketing, de porte-drapeau de leur activité.
La diffusion en ligne est également un problème. D’après le joueur CS:GO, Richard ‘DeviaNt‘ Groves, la qualité du streaming n’est pas comparable à celle des pays occidentaux, et visuellement pas aussi bonne. Les commentateurs sont des amateurs passionnés mais restent non payés. Il n’y a aucune incitation à réaliser la même qualité qu’une équipe de production étrangère. De plus, l’infrastructure (débit internet ou performances du PC) ne permet pas à beaucoup de joueurs de diffuser les événements en direct.
Il y a aussi un manque de circulation de l’information concernant l’eSport sur leur propre sol. Des événements sont effectués sans être relayés ou même suivis par des rédacteurs pros ou amateurs. Aucun public ne peut suivre une compétition s’il n’y a aucune régularité éditoriale pour informer les gens de ce qui se déroule. Pas d’article, pas de public. Pas de public, pas de pub ou de marque.
Ces problèmes cités plus haut sont aussi dû à un manque d’accès à Internet en Afrique, comme le souligne une étude réalisée par l’université d’Oxford. Une inégalité flagrante.
On constate que le monde est globalement coupé en deux : l’hémisphère nord, où se concentrent les pays les plus avancés technologiquement, qui bénéficient le plus d’un accès internet (entre 60% à 100%). A contrario, les pays du sud en disposent moins (entre 20% à 60%). Dans d’autres pays, notamment en Inde et en Indonésie, le pourcentage de personnes connectés est extrêmement faible (0% à 20%).
D’ailleurs, au sein d’un même continent, par exemple en Afrique, les inégalités entre les pays en matière d’accès à internet est une réalité. Le Maghreb et l’Afrique du Sud ont deux à trois fois plus de personnes connectées que les autres pays du continent.
Les joueurs d’Afrique moins bons que les autres ?
Il est difficile d’évaluer le niveau africain avec aussi peu de visibilité. De plus, peu d’équipes sortent des événements locaux pour raisons financières. Et elles n’ont pas la possibilité d’affronter de grosses équipes occidentales à cause de leur réseau.
L’un des principaux problèmes de l’Afrique est le lag. Les équipes d’Amérique, du Sud ou du Nord peuvent s’affronter, tout comme l’Australie peut se permettre d’affronter des équipes de l’Asie du Sud-Est, tout ceci avec une latence de jeu tout à fait convenable. Toutefois, en Afrique, ils doivent se connecter sur des serveurs européens ou d’Amérique du Sud, et ceci avec une latence rendant le jeu inégal. Le problème se résume à ce que l’on appelle le ping. Il détermine la rapidité avec laquelle votre connexion répond à une commande.
Un écart se creuse entre un groupe de pays et un autre. Il y a d’un côté ceux qui ont rarement les capacités de se montrer et d’affirmer leurs qualités, et ceux qui en possèdent de très importantes. Cela démontre l’énorme manque de moyens que connait le continent. Un manque bien plus criant et important que celui que nous connaissons parfois chez nous, en France.
Des responsables ?
Comme tous joueurs, nous aimons les défis. On souhaite affronter les meilleurs pour être plus performants, et participer à des tournois internationaux. Malheureusement, les joueurs africains sont exclus de la scène mondiale. La raison ? Le manque de support et d’investissement en Afrique des principaux éditeurs de jeux comme Blizzard et Riot Games.
Ces éditeurs proposent des compétitions comprenant un mélange d’équipes nationales et internationales. Mais les joueurs africains sont remarquablement absents des listes des participants. Ce n’est pas par manque de compétences ou d’efforts. L’Afrique représente un bassin inexploité de talents. Mais l’ensemble du continent est essentiellement écarté des tournois internationaux en raison d’un manque de serveurs spécifiques aux jeux.
Jusqu’à ce que l’Afrique obtienne ses propres serveurs pour améliorer le ping, les équipes de cette partie du monde ne pourront pas se qualifier pour les tournois internationaux des gros hits eSport : LoL et Overwatch.
Dans un poste officiel sur Reddit, l’un des responsables de chez Riot, Nicolo, a exposé les raisons pour lesquelles il n’y avait toujours pas de serveur dédié pour LoL. Ce message est toujours d’actualité. D’après Nicolo, il y a plusieurs années, ils ont effectué une étude du nombre de joueurs susceptibles de jouer à leur jeu. Cela a abouti à un refus de la direction d’intégrer des serveurs car il n’y avait pas assez de joueurs potentiels pour maintenir les serveurs dans un confort optimal.
On peut aussi constater que finalement, les éditeurs ne sont pas seuls responsables, mais l’infrastructure internet est aussi remise en cause.
Ainsi, les africains, pour passer outre ce problème de lag, ont préféré se porter sur la compétition console avec FIFA et Call of Duty. Et pour ceux ayant des moyens financiers trop limités, il reste le mobile avec les jeux du développeur finlandais, SuperCell, Clash of Clan et Clash Royale. Comme présenté sur le panorama de l’eSport en Afrique, réalisé par beIN Sport, ces jeux ne demandent presque aucun investissement, en dehors de l’acquisition d’un smartphone. Côté PC et consoles, le prix est bien plus élevé. Il l’est d’autant plus si l’on compte les supports externes nécessaires (écran, souris, clavier, manette, télévision).
Une lueur d’eSpoir ?
L’eSport est l’un des marchés à plus forte croissance dans le monde d’après l’étude réalisée par Newzoo. Il attire plus de téléspectateurs que la NBA.
Valve est le seul des principaux éditeurs ayant mis à disposition des joueurs africains des serveurs, Counter-Strike : Global Offensive et Dota 2. Ils sont rapidement devenus deux des jeux de compétition PC les plus populaires du continent. C’est d’ailleurs via CS:GO que nous pouvons voir des équipes Sud-Africaine sortir du lot pour réaliser l’exploit en international, telle que Bravado Gaming.
L’Afrique souhaite faire du bruit afin que la communauté internationale des jeux la remarque. Elle souhaite prouver que le jeu vidéo et l’eSport sont en train de grandir là-bas. Il ne manque plus que l’intervention de Blizzard et Riot pour structurer les équipes et les tournois et ainsi aller en ce sens.
Notons tout de même que le jeu compétitif de Blizzard, Hearthstone, a bien ses compétitions eSportives. En effet, les jeux au tour par tour ne demandent pas d’avoir une latence rapide.
Au niveau local, de plus en plus de marques s’impliquent sur le marché de l’eSport africain. Elles réalisent son immense potentiel inexploité. En conséquence, d’autres tournois sont organisés, les cash prize augmentent et plus d’équipes africaines se qualifient pour participer à des tournois mondiaux. C’est le cas de l’équipe Armoured Brothers, championne Nord Afrique sur League of Legends. Elle ira courant novembre, en Corée du Sud pour participer à la Fédération Internationale d’eSport (IeSF).
L’Afrique n’est donc destinée qu’à évoluer si l’on en croit la tendance actuelle. Nul doute qu’elle pourrait, elle aussi, être représentée par de grands joueurs à l’international.
Cela étant dit, posons-nous la question suivante : pourrait-on voir des équipes africaines concourir en international et avoir plus d’informations sur leur actualité ? Très certainement !
Par ShowMe - Source de l'article Connectesport
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