Passionné
de films d’animation, Djillali Beskri, qui a reçu il y a quelques semaines le
Grand Prix de l’Association internationale du film d’animation, revient dans
cet entretien sur un ambitieux projet de mettre en images 54 contes africains,
et sur la situation du film d’animation en Algérie.
Liberté
: Vous
avez remporté dernièrement le Grand prix de l’Association international du film
d’animation. Une importante distinction…
DJILLALI BESKRI : C’est le couronnement de 12 années
de labeur dans la solitude et le doute. Malheureusement, cette reconnaissance
n’est pas venue des miens, tant pis, nul n’est prophète dans son pays.
Aujourd’hui les plus grands studios du monde nous attribuent cette énorme
distinction à laquelle pour la première fois quelqu’un du monde arabe ou de
l’Afrique accède, est pour nous une sublimation et nous réconforte dans notre
démarche, qu’est la persévérance dans la créativité. De toutes les façons je
suis très content, car c’est l’Algérie qui est récompensée à travers ce prix.
Vous
portez un projet des plus ambitieux : réaliser des films d’animation sur la
base de contes en provenance de 54 pays africains. Pourriez-vous en dire
davantage ?
Oui, c’est un projet très ambitieux et surtout très
original parce qu’il s’agit de réaliser une série de 54 épisodes de 13 minutes
en films d’animation. Chaque épisode raconte une histoire ou un conte
appartenant à un pays africain. Et chaque épisode est réalisé par un jeune
cinéaste du pays d’origine. Une fois le savoir-faire est acquis, il retourne
dans son pays et apprend le métier à d’autres jeunes. Un projet par les jeunes
et pour les jeunes, dont l’œuvre artistique est dédiée à la sagesse des peuples
africains et à la culture des Afriques. C’est plus qu’un programme de TV ou un
long métrage d’animation, c’est un projet ! Incontestablement riche en
couleurs, en formes et en sons, l’Afrique nous révèle toute sa grandeur à
travers son oralité que le griot Papa N’Zenu nous conte à chacune de ses haltes
dans une ou dans certaines régions de l’Afrique. Ce programme est conçu pour
divertir, éduquer et promouvoir la culture africaine. Papa N’Zenu est un projet
concret et commun.
Son but est d’affirmer la dignité de l’homme
africain et les fondements populaires de sa culture ainsi que favoriser la coopération
culturelle entre les jeunes des états africains en vue du renforcement de
l’Unité africaine. Le plus important est d’apprendre à travailler ensemble sur
un même projet, échanger les idées et partager les expériences, les
opportunités d’échanges et de mobilité entre artistes africains engendrent un
esprit d’entrepreneuriat qui stimule la croissance régionale et met fin au
bricolage et à la débrouillardise.
Quel
est l’objectif de ce projet ?
Le projet a pour objectif principal la connaissance
de soi : faire découvrir aux Africains leur continent sans pour autant vivre en
autarcie. À l’heure de la mondialisation, l’interculturalité est un devoir de
civisme envers l’humanité. La jeunesse africaine, qui a consommé et assimilé
sans modération la culture occidentale, a envie à son tour de faire découvrir
et partager ses visions avec le reste du monde. Les images véhiculées du
continent sont surtout marquées par les guerres, la famine et les maladies. Le
berceau de l’humanité ne mérite pas un tel traitement. Les Africains ont besoin
de positiver leur vie et rehausser leur image de marque à travers la compétence
de sa jeunesse, la beauté de ses paysages, la diversité de sa faune et sa
flore, la spontanéité de ses citoyens et la créativité de ses artistes.
Comment
vous avez financé le premier film, et comment comptez-vous procéder pour la
suite ?
J’ai claqué mes économies et celles de mes proches
parce que j’ai cru à ma démarche et j’ai été soutenu par ma famille. Dans une
entreprise, il faut prendre son propre risque et si on réussit alors on essaye
de convaincre les autres du bien-fondé.
Aujourd’hui à travers ce prix, j’ai la conviction de
l’existence d’un marché international. Nous nous sommes fixé un standard de
qualité qui va nous protéger de la compétitivité. Effectivement, comme tout
projet culturel, nous avons besoin de soutien. C’est pourquoi un fonds pour la
production doit être accordé à ce genre d’expression, d’autant que les
populations ne se retrouvent pas dans les images projetées qu’elles voient sur
leur écran. Cette ambitieuse initiative d’origine africaine est un nouveau
mécanisme qui pourrait marquer un tournant majeur dans le paysage
cinématographique et télévisuel de l’Afrique et qui répondrait aux aspirations
du public africain par des programmes conformes à leurs canevas culturels.
Comment
se porte le film d’animation chez nous ?
Elle est à l’échelle individuelle ou de
groupuscules, il n’y a pas d’institution officielle pour former et encourager
ce genre d’activité. Chacun est livré à lui-même. On pense que le film
d’animation n’est qu’un Mickey qui fait divertir les enfants. Ceux qui le
croient se trompent.
Le film d’animation est une technologie pure,
complexe et ardue. Elle fait appel à l’intelligence artificielle. Son
application va de la télémédecine aux simulations des phénomènes physiques et
les anticipations d’intérêts publics comme les catastrophes naturelles et les
inondations. Une aide à la création dans ce domaine engendrera un véritable
dynamisme qui résorbera les jeunes artistes des Beaux-Arts en stand-by, les
jeunes informaticiens à la recherche d’un emploi et les jeunes autodidactes
dans le désarroi. L’industrie du film d’animation est une réelle économie de
marché. Elle est créatrice d’emplois et de richesses, à l’instar de la Corée du
Sud, l’Inde et la Chine dont la plus-value dépasse chaque année le milliard de
dollars à chaque pays.
Par Sara
Kharfi – Source de l’article Liberté Algérie
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