mercredi 9 mai 2012

Djillali Beskri à Liberté - “Le film d’animation est une technologie complexe”



Passionné de films d’animation, Djillali Beskri, qui a reçu il y a quelques semaines le Grand Prix de l’Association internationale du film d’animation, revient dans cet entretien sur un ambitieux projet de mettre en images 54 contes africains, et sur la situation du film d’animation en Algérie.

Liberté : Vous avez remporté dernièrement le Grand prix de l’Association international du film d’animation. Une importante distinction…
DJILLALI BESKRI : C’est le couronnement de 12 années de labeur dans la solitude et le doute. Malheureusement, cette reconnaissance n’est pas venue des miens, tant pis, nul n’est prophète dans son pays. Aujourd’hui les plus grands studios du monde nous attribuent cette énorme distinction à laquelle pour la première fois quelqu’un du monde arabe ou de l’Afrique accède, est pour nous une sublimation et nous réconforte dans notre démarche, qu’est la persévérance dans la créativité. De toutes les façons je suis très content, car c’est l’Algérie qui est récompensée à travers ce prix.

Vous portez un projet des plus ambitieux : réaliser des films d’animation sur la base de contes en provenance de 54 pays africains. Pourriez-vous en dire davantage ?
Oui, c’est un projet très ambitieux et surtout très original parce qu’il s’agit de réaliser une série de 54 épisodes de 13 minutes en films d’animation. Chaque épisode raconte une histoire ou un conte appartenant à un pays africain. Et chaque épisode est réalisé par un jeune cinéaste du pays d’origine. Une fois le savoir-faire est acquis, il retourne dans son pays et apprend le métier à d’autres jeunes. Un projet par les jeunes et pour les jeunes, dont l’œuvre artistique est dédiée à la sagesse des peuples africains et à la culture des Afriques. C’est plus qu’un programme de TV ou un long métrage d’animation, c’est un projet ! Incontestablement riche en couleurs, en formes et en sons, l’Afrique nous révèle toute sa grandeur à travers son oralité que le griot Papa N’Zenu nous conte à chacune de ses haltes dans une ou dans certaines régions de l’Afrique. Ce programme est conçu pour divertir, éduquer et promouvoir la culture africaine. Papa N’Zenu est un projet concret et commun.
Son but est d’affirmer la dignité de l’homme africain et les fondements populaires de sa culture ainsi que favoriser la coopération culturelle entre les jeunes des états africains en vue du renforcement de l’Unité africaine. Le plus important est d’apprendre à travailler ensemble sur un même projet, échanger les idées et partager les expériences, les opportunités d’échanges et de mobilité entre artistes africains engendrent un esprit d’entrepreneuriat qui stimule la croissance régionale et met fin au bricolage et à la débrouillardise.

Quel est l’objectif de ce projet ?
Le projet a pour objectif principal la connaissance de soi : faire découvrir aux Africains leur continent sans pour autant vivre en autarcie. À l’heure de la mondialisation, l’interculturalité est un devoir de civisme envers l’humanité. La jeunesse africaine, qui a consommé et assimilé sans modération la culture occidentale, a envie à son tour de faire découvrir et partager ses visions avec le reste du monde. Les images véhiculées du continent sont surtout marquées par les guerres, la famine et les maladies. Le berceau de l’humanité ne mérite pas un tel traitement. Les Africains ont besoin de positiver leur vie et rehausser leur image de marque à travers la compétence de sa jeunesse, la beauté de ses paysages, la diversité de sa faune et sa flore, la spontanéité de ses citoyens et la créativité de ses artistes.

Comment vous avez financé le premier film, et comment comptez-vous procéder pour la suite ?
J’ai claqué mes économies et celles de mes proches parce que j’ai cru à ma démarche et j’ai été soutenu par ma famille. Dans une entreprise, il faut prendre son propre risque et si on réussit alors on essaye de convaincre les autres du bien-fondé.
Aujourd’hui à travers ce prix, j’ai la conviction de l’existence d’un marché international. Nous nous sommes fixé un standard de qualité qui va nous protéger de la compétitivité. Effectivement, comme tout projet culturel, nous avons besoin de soutien. C’est pourquoi un fonds pour la production doit être accordé à ce genre d’expression, d’autant que les populations ne se retrouvent pas dans les images projetées qu’elles voient sur leur écran. Cette ambitieuse initiative d’origine africaine est un nouveau mécanisme qui pourrait marquer un tournant majeur dans le paysage cinématographique et télévisuel de l’Afrique et qui répondrait aux aspirations du public africain par des programmes conformes à leurs canevas culturels.

Comment se porte le film d’animation chez nous ?
Elle est à l’échelle individuelle ou de groupuscules, il n’y a pas d’institution officielle pour former et encourager ce genre d’activité. Chacun est livré à lui-même. On pense que le film d’animation n’est qu’un Mickey qui fait divertir les enfants. Ceux qui le croient se trompent.
Le film d’animation est une technologie pure, complexe et ardue. Elle fait appel à l’intelligence artificielle. Son application va de la télémédecine aux simulations des phénomènes physiques et les anticipations d’intérêts publics comme les catastrophes naturelles et les inondations. Une aide à la création dans ce domaine engendrera un véritable dynamisme qui résorbera les jeunes artistes des Beaux-Arts en stand-by, les jeunes informaticiens à la recherche d’un emploi et les jeunes autodidactes dans le désarroi. L’industrie du film d’animation est une réelle économie de marché. Elle est créatrice d’emplois et de richesses, à l’instar de la Corée du Sud, l’Inde et la Chine dont la plus-value dépasse chaque année le milliard de dollars à chaque pays.
Par  Sara Kharfi – Source de l’article Liberté Algérie

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