Attablée au comptoir d’un bistrot de l’Avenue Mohamed V à Tunis, une silhouette m’interpelle. Un jeune homme barbu, casquette sur la tête laissant apparaître un catogan, lunettes de vue sur les yeux et un sac-à-dos qu’il ne quitte pas.
Je m’approche et essaie de voir ce qu’il fait tête baissée sur le bar, une bière à peine entamée. Il gribouille sur un calepin avec un stylo Reynold’s noir. Attendez, je crois qu’il dessine une étrange créature. Mais qui est ce mystérieux personnage ? Portrait.
Ahmed Bellagha, 23 ans, est originaire de Tunis. Sa passion : le crayon. Il m’explique que c’est à l’âge où il prend conscience de la vie que sa vocation se dessine. Dans ses souvenirs, une phrase raisonne encore dans sa tête : « Plus tard j’espère que tu feras de ce don, ton métier « , lui lance sa maîtresse d’école lorsqu’il illustre la pièce de théâtre organisée par ses petits camarades. Il prend alors la relève de son oncle, feu Ali Bellagha, célèbre pour ses oeuvres picturales. Mais le jeune prodige arrête tout à l’âge de 15 ans pour se consacrer à ses études.
Aujourd’hui, il est en 2ème année de BTS Infographie et Multimédia : et c’est en explorant le terrain qu’il redécouvre sa passion. « J’ai fait la rencontre de jeunes, propriétaires d’un studio indépendant à Menzah 9, qui développaient des jeux vidéo. L’artiste 3D m’a tout de suite marqué par la précision de son travail, j’ai demandé à faire un stage à ses côtés. A ma grande surprise, il m’apprend qu’il est professeur de sport. Rien à voir avec le domaine virtuel. Je me remets en question et me dis : – mais pourquoi pas moi ? Voilà des années perdues de ma vie à refouler mon talent », confie Ahmed, renouant peu à peu avec son crayon malgré le découragement de sa famille persuadée que le dessin ne mène à rien.
C’est dans l’univers Warcraft, de Chris Metzen, qu’il puise son inspiration ; et grâce à quoi il se spécialise dans le fantastique. Après de nombreuses recherches concernant l’aspect technique du dessin virtuel, Ahmed préfère se concentrer sur l’animation 2D. « Elle demande peu de moyens financiers, seulement une tablette graphique à 400 DT », précise-t-il, apportant quelques corrections à la créature sur son calepin. Cet instrument informatique lui permet de conserver un lien avec le dessin traditionnel tout en utilisant la nouvelle technologie.
Avec son groupe d’étudiants, Ahmed travaille sur la conception de jeux vidéo. « On a créé notre propre studio virtuel en attendant de pouvoir se payer un local. Notre projet Frog Smash, disponible sur Smartphone, nous a permis de remporter le premier prix de la IntilaQ Games Award, grâce auquel on participe à la Middle East North Africa Games (MENA Games) à Beyrouth en avril 2016 », se vante le jeune homme, les yeux pleins d’étoiles. « Cet environnement crée de l’emploi. En 2011, lorsque j’ai eu mon bac, il n’y avait qu’une seule société tunisienne du nom de Digital Mania. Il existe, maintenant, un écosystème d’une dizaine d’entreprises spécialisées dans ce domaine en Tunisie », souligne Ahmed, acteur de cette nouvelle vague de jeunes entrepreneurs tunisiens qui ont le souhait, l’envie, l’objectif de reconstruire la Tunisie de demain, l’après Révolution.
Par Sarra Mejeri - Source de l'article a-mag
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