Les animateurs 3D ont pour mission de donner vie à des personnages, des décors et des objets en 3 dimensions à l’aide de logiciels spécialisés en images de synthèse.
Ils sont appelés à réaliser des animations et des effets spéciaux pour le cinéma, la télévision, la production audio-visuelle (vidéoclips, publicités, vidéos éducatives, etc.), les films d’animation, les jeux interactifs et les logiciels de simulation.
Entretien avec Saad Chlyeh, Co-fondateur et Superviseur VFX à Mammoth studio, boite spécialisée dans le domaine de la postproduction et de l’animation 3D.
Pour débuter cette interview, pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire ?
J’ai passé un bac scientifique, ensuite j’ai fais une école spécialisée en design et art graphique. Parallèlement à ça j’ai développé en autodidacte une véritable passion pour la 3D. En réalité, je dessinais tout le temps, même en classe. Durant le lycée, il m’arrivait souvent de dessiner mes profs (sourire). Bien qu’à cette époque je ne savais pas que j’allais faire une carrière en 3D. Après le bac, vu qu’il n’y avait aucune formation axée sur la 3D, j’ai failli m’inscrire dans une école d’informatique, mais finalement mon choix s’est tourné vers une école de design. Pendant ce temps j’ai effectué un stage de fin d’études durant lequel j’ai réussi à faire mes preuves. Pour l’anecdote, j’avais réalisé à l’époque un spot de 5 secondes qui a été validé et qui est passé à la télé. Suite à ça, j’ai été recruté. Bref, j’ai découvert la 3D durant mes études supérieures, fin des années 90, et je me suis réellement formé grâce à internet.
Comment définiriez-vous l’animation 3D ?
C’est un moyen de donner vie à des personnages ou des objets dans un univers tridimensionnel qui s’approche de la réalité. Avant l’animation 3D, il y’avait l’animation 2D, communément appelée le dessin animé traditionnel, lequel consiste à dessiner un mouvement défini images par images à une cadence de 24 images par seconde. Jusque là tout se passait sur une page blanche en 2 dimensions. Avec l’avènement de l’ordinateur, les logiciels 3D ont vu le jour, et ont apporté une dimension supplémentaire. Il ne s’agissait plus de dessiner des personnages sur une feuille 2D, mais plutôt dans un espace virtuel à 3 dimensions, ce qui permet de reproduire fidèlement et avec plus d’aisance la notion de perspectives. C’est donc un support d’animation plus réaliste utilisant des procédés inspirés de la réalité. Par exemple, un personnage animé en 3D est d’abord sculpté en 3D, ensuite on lui applique des textures et des matériaux, puis on lui applique un squelette avec des articulations grâce auxquelles il est possible de le déformer et de lui donner des poses d’une manière plus réaliste.
Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce métier ?
C’est le dessin d’abord, puisque j’ai toujours été passionné par cette discipline. En même temps, j’étais à la fois passionné et curieux de comprendre comment on fabrique des effets spéciaux. Tout ceci m’a naturellement amené à me pencher vers ce métier.
Quelles sont d’après vous les qualités requises pour exercer ce métier ?
D’après moi, la qualité la plus importante est le sens de l’observation, et le meilleur moyen de développer le sens de l’observation est le dessin. Une personne qui dessine regarde la vie différemment. Le dessinateur observe les choses plus en détail afin de les reproduire fidèlement. A force de dessiner tout le temps, on éduque notre œil à regarder ce qui nous entoure dans les moindres détails. Grâce à ce processus, le dessinateur développe son coté créatif.
Les gens n’ont-ils pas une fausse idée de ce métier ?
Le grand public n’a pas forcement connaissance des ressorts de ce métier, ce qui par ailleurs peut se comprendre dans la mesure où c’est un métier nouveau au Maroc. Donc on a souvent tendance à croire que l’ordinateur fait tout le travail, et que derrière il y-a simplement une personne qui appuie sur des boutons. Cette croyance est tout-à-fait erronée car l’ordinateur n’est qu’un outil comme un autre. En réalité, derrière l’ordinateur il y-a des personnes qui combinent plusieurs connaissances techniques -notamment les mathématiques, les lois de la physique- à de grandes compétences artistiques.
A part ça, comment le métier de la 3D se porte-il au Maroc ?
Personnellement, ça fait 10 an je suis dans le métier, mais je constate qu’il n’est encore qu’à ses débuts comparé à d’autres pays. Ceci est dû au fait que l’animation en particulier et le monde de l’image en général ne sont pas ancrés dans notre culture. Le marché de la 3D se limite aujourd’hui au domaine de la publicité. Toutefois, j’estime que l’on pourra parler d’un vrai marché de la 3D le jour où ça touchera le 7éme art, ou du moins le monde de la série animée.
Justement, l’État et notamment le centre cinématographie marocain(CCM) ne doivent-ils pas intervenir pour changer la donne ?
En fait, le CCM devrait commencer à s’intéresser au monde du cinéma d’animation en appelant les jeunes créatifs ainsi que les Entreprises spécialisées à développer des scénarios destinés à l’animation 3D. En organisant par exemple des concours de scénarios, et en proposant des subventions pour les projets d’animation intéressants.
Le festival international du cinéma d’animation de Meknès est pratiquement le seul événement à mettre en avant le travail des spécialistes de la 3D. A part ça walou. Pourquoi un tel désintérêt de la part des autres acteurs culturels ?
Il existe d’autres manifestations de la 3D comme Casanim, mais il est vrai que le festival de Meknès reste de très loin le plus grand événement de l’animation. Il commence d’ailleurs à atteindre un très haut niveau d’organisation. Il s’agit donc d’un des événements phares de Meknès qui attire une bonne couverture médiatique nationale et internationale. Cela dit, il est vrai qu’à part ça la 3D reste peu présente dans la sphère culturelle, ce qui peut s’expliquer par le fait que c’est un métier nouveau, relativement méconnu des acteurs culturels. Dès lors, pour que ça puisse changer, il faudrait qu’il y ait de plus en plus d’initiatives de la part des jeunes troidéistes. Pour ça, il faudrait que ces derniers communiquent plus souvent à travers le média libre qu’est internet, diffuser leur création via les réseaux sociaux, créer le buzz pour finalement attirer le regard non seulement du grand public mais également des acteurs culturels.
Justement, en plus de l’importance de communiquer sur la toile, auriez-vous un conseil à donner aux jeunes intéressés par le métier d’animateur 3D ?
Ne pas donner trop d’importance à l’aspect technique que requiert ce métier, mais de privilégier le coté artistique. Vu que j’enseigne la 3D dans une école d’arts plastiques, je constate qu’il y-a des jeunes qui sont attirés par ce métier et qui sont beaucoup plus fascinés par l’apprentissage des outils techniques que par le développement de leur créativité. Et ça, c’est une grossière erreur car on fini toujours par apprendre la technique, mais sans des bases artistiques solides, la technique ne sert en fin de compte à pas grand-chose. Pour développer l’esprit artistique, je recommande aux jeunes de s’adonner à l’art du dessin, de lire énormément de bande dessinées, de développer une bonne culture cinématographique et de s’intéresser aux métiers de base qui sont à l’origine de l’animation 3D. J’entends par là la photo, le dessin, le cinéma, et pourquoi pas la lecture, si ce n’est pas trop leur demander (sourire).
Propos recueillis par Hamza Mekouar - Source de l'article DailyMaroc
http://mammoth-studio.com/