« Lorsque l’étude de la bande dessinée aura dépassé le stade ésotérique et que le public cultivé sera disposé à y prêter la même attention soutenue qu’il apporte aujourd’hui à la sonate, à l’opérette ou la ballade, on pourra – à travers une étude systématique de sa signification – dégager son importance pour l’élaboration de notre environnement quotidien et de nos activités culturelles » Umberto Eco, 1972
La bande dessinée algérienne n’avait pas tardé à gagner ses lettres de noblesse alors même que son introduction dans la famille élitiste des arts était encore sujette à polémique ailleurs. Très tôt, le support qu’elle offrait à l’expression artistique a permis à la population de retrouver son quotidien et ses travers sous la plume de la génération de Slim, Ahmed Haroun et Mahfoud Aïder. Une pratique populaire qui a sauté une génération – pour les raisons que nous connaissons –, resurgissant en force avec l’avènement des réseaux sociaux et les possibilités nouvelles offertes aux jeunes créateurs de partager leurs dessins. Voici leurs histoires :
Saïd Sabaou, né à Alger en 1988, est le premier algérien à être exposé au musée international du manga et de la BD à Kyoto. Malgré son talent et le fait qu’il ait été nourri depuis la tendre enfance aux shōnens phares comme Dragon Ball et Saint Seiya, le mangaka ne s’est véritablement lancé que suite à une maladie qui lui a permis de prendre conscience de la vocation à laquelle il devait se destiner. À 23 ans, il publie deux tomes de Mondialé ! (2011) et un an plus tard sa saga inspirée des jeux Street Fighter, Houma Fighter (2012–2013) en deux tomes également. D’abord humoristique, sa plume devient plus dramatique avec Le prix de la liberté (2013), un manga avec pour thème la révolution algérienne, et Lucyus (2015). Il serait actuellement en train de travailler sur un film et une série. À suivre !
Nawel Louerrad, née à Alger en 1980, est celle qui a commencé le plus tardivement à faire de la bande dessinée. Après des études en scénographie et une brève expérience dans le théâtre, ses dessins à l’encre paraissent pour la première fois dans la revue spécialisée El Bendir en 2011, et dans El Watan Week-end au cours de la même année. Elle publie ses Vêpres algériennes en 2012, sublimant des corps en trois dimensions avec une narration élaguée, mais obsédante. En 2013, et après avoir participé à l’album collectif Monstres (2011) – exposé au 15ème Festival de la BD d’Erlangen –, elle récidive avec Bach to black, clin d’œil au compositeur baroque et à la chanteuse soul. À la faveur du 20ème SILA, elle sort sa dernière bande dessinée en date, Regretter l’absence de l’Astre (2015).
Togui (Samir Toudji), né à Alger en 1982, dessine depuis qu’il a l’âge de tenir un crayon. À 24 ans et après avoir suivi un parcours tortueux entre l’USTHB et l’École des Beaux-Arts, il se lance dans une carrière de graphiste. Deux ans après, il obtient le prix du Jeune Talent lors de sa participation au FIBDA, pour lequel son personnage est présenté pour la première fois. En 2009 il participe à l’album collectif La BD conte l’Afrique et un an plus tard il publie Togui Diary, un album où ses déboires en tant que bédéiste sont illustrés avec toute l’auto-dérision qui le caractérise. Togui a collaboré depuis avec IT Mag ainsi que dans la revue BD autobiographique française Egoscopic et initié l’album collectif engagé Freelestine (2015), élu meilleur fanzine de la 8ème édition du FIBDA.
Sofiane Bulle-askri (Sofiane Belaskri), né à Oran en 1992, est le cadet de cette sélection. S’il a découvert la bande dessinée à 16 ans, il ne tarde pas à publier son premier manga, Drahem (2011), à l’âge de 19 ans. Il participe la même année au concours « Jeunes Talents », où il remporte le deuxième prix pour une œuvre plus courte, El-Moudjahid, qu’il finit par étoffer un an plus tard et rebaptiser Le vent de la liberté(2012). Collaborant sur Monstres et Waratha (2012), il fait partie des artistes à qui, ‘Reframe’, une exposition financée par la European Cultural Commission, fait appel en 2013 dans le cadre de la promotion de nouveaux talents dans la bande dessinée.
Delou, née à Alger en 1988, est celle à laquelle s’identifie une vaste majorité de jeunes algériennes. À travers les scènes de vie estudiantine et domestique qu’elle dépeint régulièrement, elle livre une vision dénuée de stéréotypes du quotidien d’une jeune algérienne, sur un ton léger et d’un coup de crayon épuré. Publiant principalement sur Facebook, elle a participé néanmoins aux albums collectifs Monstres, Waratha et Freelestine.
Chahine Ladjouze, né à Alger en 1980, dénote par rapport aux autres bédéistes algériens pour sa touche comics. Inspirés de l’univers des X-Men, et plus particulièrement du travail de Joe Madureira, ses personnages se rapprochent très souvent de l’archétype du superhéros américain. Raïs et l’île du démon (2014), la bande dessinée qu’il co-signe avec Selim Zedani (auteur), met en scène le fameux Raïs Hamidou dans une aventure épique réussissant l’exploit de mêler samouraïs japonais, corsaires portugais, un Roi-Sorcier et des extra-terrestres.
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