vendredi 3 janvier 2014

Unearthed : Trail of Ibn Battuta

C’est mauvais. Voilà comment en trois mots on pourrait boucler le test d’Unearthed : Trail of Ibn Battuta. 

Présenté sous un format épisodique dont on se serait bien passé tant le premier opus est un ratage à tous les niveaux, ce titre sorti un peu partout se vend comme un mélange unique (sic) de plates-formes, shoot, combat et infiltration dans une aventure épique au Moyen-Orient sur les traces du grand explorateur arabe du 14ème siècle, Ibn Battuta (paix à son âme). 
Le suspense étant déjà brisé sur la qualité du titre, disons quand même que malgré ses défauts innombrables, Unearthed présente un intérêt tout à fait surprenant.


Des inspirations bien marquées et quelques idées originales 

Si le titre, le thème et même le logo du jeu vous ont fait penser à la licence phare de Naughty Dog, Uncharted, ce n’est certainement pas un hasard puisque les développeurs s’en cachent à peine et revendiquent même leur inspiration dès le début du jeu (en glissant au passage une référence à Tomb Raider). Des inspirations virant presque au plagiat décomplexé certes, mais pourquoi pas si le jeu apporte sa touche d’originalité. Après tout, John Williams s’est bien fortement inspiré de la bande originale de King’s Row pour composer le mythique thème de Star Wars. Dans Unearthed justement, on nous propose de suivre les aventures de Farid Jawad et de sa sœur archéologue Dania qui embarqueront dans un périple dangereux et exaltant allant du Maroc à Dubaï sur les traces du fameux explorateur musulman ayant foulé temples et déserts quelques centaines d’années avant eux

."Citons les références, comme ça c'est fait."
Sur le papier, ce choix de thématique est assez surprenant pour les joueurs habitués aux héros américains répondant aux noms de Nathan ou Elena, mais vu que le studio de développement Semaphore est le premier (et le seul) implanté en Arabie Saoudite, cela prend du sens. Même si la fierté de ce riche patrimoine s’exprime parfois de manière légèrement envahissante à grands coups d’hyperboles sur le personnage historique local, les développeurs se défendent et promettent que leur jeu ne s’adresse pas qu’au public moyen-oriental mais entend proposer au monde entier une vision non stéréotypée du monde arabe moderne. Alors on se lance, après tout, cela changera un peu des blockbusters habituels et découvrir une culture peu exploitée dans les jeux vidéo ne fait jamais de mal. Sauf qu’Unearthed ne s’adresse visiblement à personne, quelle que soit la situation géographique sur le globe.

Récit d'une catastrophe 

"Non merci ! Vu la qualité, je préfère rester dehors !"
Maintenant que les bons points sont passés, nous allons pouvoir tout de suite arrêter de comparer Unearthed à ses illustres inspirations car cela revient presque à assimiler les cris d’un animal qu’on égorge à une symphonie de Beethoven. Dans Unearthed, tout, mais alors tout, est mal fait, pas une once de bonne idée, de mécanique bien conçue ou d’environnement agréable.
Commençons par ce qui saute le plus aux yeux, à savoir les graphismes : les animations sont risibles, les décors sont incroyablement pauvres et les bugs en tout genre sont tellement nombreux qu’il faudrait des dizaines de pages pour tous les citer. Là où le jeu repousse le plus les limites de l’imagination c’est sur ses lumières qui sont très mal gérées, rendant les sections soit beaucoup trop lumineuses, soit complètement obscures. 
Ajoutez à cela des filtres hideux et des filigranes censés reproduire on ne sait quelles réflexions du soleil et vous obtiendrez à coup sûr un sévère mal de crâne après avoir joué au jeu (et je pèse mes mots, c’est vraiment ce qui m’est arrivé), le tearing et le clipping complétant ce tableau peu réjouissant. Vous l’aurez compris, vu son aspect technique ne rendant même pas hommage à de la PS2, mieux vaut avoir du paracétamol à proximité avant de se lancer dans une partie.

L'IA est particulièrement débile.
Reprenons à présent pas à pas le déroulement de cette courte aventure. Tout commence en plein milieu d’une séquence d’action et dès les premières secondes, on sent que l’expérience va être pénible. 
La visée est imprécise, les gunfights n’offrent aucune sensation, l’IA est stupide au possible et même le système de couverture, pourtant bien rodé avec tous les titres qui en disposent depuis des années, est complètement raté. Un peu plus loin dans le couloir, nous avons droit à un premier combat au corps-à-corps et là, Unearthed tente une nouvelle approche : les duels sont des sortes de matchs de Street Fighter auxquels on aurait tenté d’enlever tout ce qui en fait le sel, de la nervosité au timing. On se contente donc d’appuyer sur les boutons pour donner coups de poing et de pied en espérant que ça se finisse vite, les commandes ayant un tel temps de latence, la possibilité de se protéger ne sert vraiment à rien. Le chapitre s’achève ensuite sur une cinématique-cliffhanger qui n’a aucun effet étant donné l’absence d’enjeux narratifs de cette scène commencée de manière abrupte, le reste du scénario étant lui aussi inintéressant au possible cela ne change pas grand-chose.

Même la course-poursuite n'est pas dynamique.
On est alors renvoyé quelques semaines auparavant pour l’exploration d’un temple ancien rempli de mécanismes et de piliers à escalader à la manière d’une parodie de Tomb Raider. 
Le but est ici de trouver quatre disques éparpillés dans la zone et donc de mettre à profit les capacités d’escalade de Farid, un singe aussi agile qu’un éléphant. On se rendra au passage un peu plus compte des déplacements épileptiques de la caméra qui semblent plus créer de migraines que de mise en scène. Quelques « énigmes », une voiture télécommandée (si, si !) et un artefact plus tard, des mercenaires sortis de nulle part vous attaquent et c’est reparti pour un tour au pays de l’ennui avec une tentative saugrenue d’infiltration démontrant plus la stupidité de l’IA qu’autre chose. Cela fait déjà plus d’une demi-heure que l’on joue et ne pas encore avoir vu le bout du second chapitre sur les sept que compte le jeu est désolant mais heureusement, tout s’enchaîne très vite après.

La mise en scène ne vole pas haut non plus.
Après une séquence de rail-shooting en moto inintéressante, on en apprend enfin un peu plus sur le scénario, dommage que cela se fasse dans une interminable séquence à marcher dans les rues de Tanger en écoutant les personnages secondaires discuter tout en étant distrait par l’animation comique de Farid qui a semble-t-il bien plus qu’un balai dans le derrière. Bref on s’ennuie et tout à coup une course-poursuite s’engage avec un mystérieux voleur sur les toits de la ville, 45 petites secondes de répit avant de repartir dans une cinématique exposant la suite d’un scénario nanardesque au possible. Suivent ensuite une simili-phase d’infiltration incompréhensible et avant de conclure, Unearthed joue une dernière fois avec nos nerfs en proposant une fuite en voiture avec les contrôles de véhicules les plus lourdingues possible. Ouf, après une heure de jeu, le générique vient enfin nous délivrer de nos souffrances.

Une expérience marquante et intelligente malgré elle

"Regarde, ma posture n'est pas du tout naturelle."
C’est au générique que l’on est surpris de constater que seuls deux programmeurs, une dizaine d’artistes et un scénariste ont officié sur le jeu, pas un seul game ou level designer. Car oui, même si pour un jeu d’une heure seulement, la liste des défauts mentionnés dans cet article est déjà impressionnante, il est impossible de tout citer et on commence à cerner le problème à la composition du studio : les ambitions de l’équipe sont loin, très loin de leurs moyens. C’est un euphémisme même, car quand on résumeUnearthed, c’est du gunfight, de la course-poursuite, du rail-shooting en moto, de l’infiltration, des combats au corps-à-corps, des énigmes et encore plein d’autres choses mal réalisées (vous ai-je parlé du mode Survie catastrophique qui se la joue Left 4 Dead en arène ?). Pensez-y la prochaine fois que vous pesterez contre un jeu qui selon vous n’offre pas assez de diversité, mieux vaut peu de mécaniques bien faites que beaucoup trop et toutes ratées.

Ces policiers n'ont pas l'air d'être bien
 investis dans la traque du héros.
Ainsi, même si on a envie du début à la fin de crier à l’arnaque, on a presque de la compassion pour les développeurs plus naïfs que malhonnêtes qui pensaient qu’assembler des idées qui fonctionnent bien chez les autres suffirait à construire un jeu aussi intéressant. Sauf que la différence entre Sephamore et Naughty Dog c’est 200 employés et qu’entre Uncharted et Unearthed, il y a des dizaines de millions d’euros de budget. Pour peu, on aurait presque l’impression que des développeurs de AAA ont réalisé ce jeu comme une blague démontrant ce que peut donner un titre extrêmement mal réalisé avec pourtant des mécaniques similaires sur le papier à ce qui se fait de mieux habituellement. Grâce à Unearthed, maintenant quand vous croiserez un jeu indépendant, vous ne vous direz plus « encore de la plate-forme 2D sans ambition dispo uniquement sur PC » mais « c’est mieux comme ça ».

Le mode survie complète finalement
bien le jeu dans sa médiocrité absolue.
De même, si vous râlez contre les localisations, après avoir constaté qu’une partie bien trop importante du budget du jeu est passée dans 21 langues pour les textes et 3 pour les voix, vous ne pourrez qu’apprécier que certains titres se concentrent plus sur le gameplay que sur les traductions. Anecdote « amusante » au passage, les acteurs du doublage sont assez connus et expérimentés, on retrouve même Troy Baker qui double Joel dans The Last of Us, une autre production de Naughty Dog, preuve que sur les doublages au moins il y a de l’investissement, dommage qu’il n’y en ait nulle part ailleurs. Et tant qu’on y est, une autre anecdote qui en dit long sur l’inexpérience du studio, la version testée ici est en fait la Gold Edition d’Unearthed, qui n’est pas du tout une version contenant des bonus ou des DLC, mais juste le même jeu après une mise à jour corrigeant une centaine de bugs et de problèmes divers (on imagine à peine ce que c’était avant).

Les énigmes sont d'une banalité affligeante.
En clair, si vous avez l’habitude de pester contre le prix des jeux en boîte ou de conspuer le moindre ratage d’un soft,jouez à Unearthed qui malgré son prix mini (et heureusement), vous fera relativiser la médiocrité de toute autre production sur laquelle vous poserez vos mains durant le reste de votre existence vidéoludique.C’est finalement peut-être l’intérêt principal du jeu, nous pousser à réfléchir à ce qu’est un bon ou un mauvais jeu, une expérience qu’on ne peut oublier et qui nous permet d’apprécier tout ce à quoi on jouera après. Toutefois, l’existence même de ce titre sur des plates-formes comme Steam ou le PSN nous pousse tout de même à nous interroger sur l’éthique de ces revendeurs qui n’ont eux pas la naïveté de débutants trop ambitieux pour justifier la vente d’une pareille arnaque. Le terme prend même beaucoup plus de sens les concernant.

Contrairement à ce que prétend le dicton, même les mauvaises choses ont une fin. Concluons donc ce long test qui ne recense pourtant même pas le quart des problèmes du jeu, en citant le directeur créatif d'Unearthed : « Unearthed est la forme ultime de fanboyisme, on prend quelque chose que l’on aime plus que tout et on s’en sert de base pour présenter notre propre et unique histoire, rendant au passage un hommage à l’œuvre originale. » Nul doute que les originaux apprécieront cet hommage. Pour finir sur une note positive, espérons tout de même que la suite soit meilleure (difficile de faire pire de toute façon) et que l’intention du studio de lancer l’industrie du jeu vidéo au Moyen-Orient porte ses fruits malgré ces débuts plus que laborieux. Et au passage, sacrifiez quand même quelques euros pour l’acheter, pour ses atouts malgré lui, il les vaut largement. 

Source de l'article Jeuxvidéos



Voir le site web : http://www.unearthedgame.com/

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