mercredi 29 janvier 2014

La bande dessinée, art idéal pour raconter l’immigration

Depuis les premiers funnies américains au début du XXe siècle, réalisés par les migrants venus d’Europe, jusqu’à Persépolis de Marjane Satrapi, publié dans les années 2000, la bande dessinée n’a cessé de créer des liens avec le thème de l’immigration. 

Alors qu'a lieu ce week-end le festival d'Angoulême, l'exposition Albums, à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, propose d’illustrer leur proximité à travers plus de 500 documents.


Yvan Alagbé, Nègre jaunes, planche 3 de l'arrestation, collection musée 
de l'Histoire et des cultures de l'immigration © Fremok

Née au XIXe siècle, la bande dessinée a évolué dans des contextes différents : révolution industrielle, guerres, mondialisation. A mi-chemin entre littérature et art graphique, elle est à la fois un récit et une représentation visuelle de la mémoire. C’est pourquoi cet art nouveau et populaire a été, pour les immigrés, le médium idéal pour transmettre leurs souvenirs, raconter leur voyage ou celui de leurs parents.

Dès le début de l’exposition, les premières planches décrivent le parcours spectaculaire de certains auteurs. Georges McManus, célèbre bédéiste irlandais immigré aux Etats-Unis, a fait de sa double culture la matière première de ses BD. René Goscinny, originaire de Pologne et d’Ukraine, et Alberto Uderzo, né de parents italiens, ont créé les aventures d'Astérix, une des bandes dessinées les plus populaires en France. Enki Bilal a, quant à lui, fui les Balkans avec sa mère avant de connaître le succès en France. Enfin, Marguerite Abouet, scénariste d’Aya de Yopougon, née à Abidjan, a émigré en France où elle a co-réalisé avec Clément Oubrerie, l’une des bandes dessinées les plus lues d’Afrique de l’ouest. Et ces artistes ne sont que des exemples parmi les 117 auteurs présentés.

Quels que soient les genres (science-fiction, funnies, récits autobiographiques ou historiques), chaque auteur enrichit son art de son expérience personnelle, de ses rencontres ou entretiens. Ainsi, Clément Baloup, auteur franco-vietnamien, dessine et écrit des histoires qu’il n’a pas vécues mais qui font partie de son héritage. PourQuitter Saigon, il a notamment interviewé des Vietnamiens qui ont fui leur pays durant la guerre d’indépendance. Dans une vidéo, il explique ses difficultés à plaquer son imaginaire sur des récits qui ne lui appartiennent pas, ce pourquoi il se doit de respecter sa règle directrice : « La sincérité doit primer ».

Couverture de l'album Quitter Saigon, tome 1 © Clément Baloup
Le départ, le voyage, l’arrivée sur la terre d’accueil sont des thèmes que l’on retrouve dans presque toutes les œuvres. Les moyens de transport aussi apparaissent régulièrement. Ils sont le symbole du passage vers une autre vie, pas forcément meilleure. OTTO T. montre, dans une vignette de ses Petites histoires des colonies françaises, l’accueil officiel et chaleureux d’une famille noire en France. Puis dans la suivante, il dessine cette même famille occupée à ranger et à nettoyer le désordre de la fête organisée pour eux. Une façon de dénoncer l’accueil souvent hypocrite des pays d'arrivée et l’intégration difficile des immigrés. Autre thème récurrent de la BD traitant de l'immigration : la crainte du contrôle d’identité. Ainsi, Yvan Alagbé dans Nègres jaunes, utilise un découpage rythmé et contrasté pour illustrer une arrestation violente d'immigrés par la police.

Alors que les artistes possèdent une esthétique et des scénarios à chaque fois différents, les thèmes communs et les expériences parfois analogues dessinent un parcours-type de migrant, créant ainsi une certaine universalité. Une union entre des hommes et des femmes aux destins différents mais dont les questionnements et les difficultés sont paradoxalement similaires.

Par Gwenael Ameline de Cadeville - Source de l'article l'Exponaute

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire